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TÉNÉBREUSE LUMIÈRE
De cela je viens,
A Cela je vais ; -
O troublants parfums
Des espoirs défaits !
Meurtrissure d'ombre
Au creux de la main ; -
Chère ligne sombre
Vers toi, pur lointain !
A bien regarder
Les signes de l'âge,
Visage fardé
Creuse son image
-A travers la chair
Qui lui sert de gage -
Jusqu'où bat la mer
Sans fond ni mirage.
En moi, ce profil
D'essence suprême
Retourne, en droit fil,
Rejoindre le même
Etre que je fus
Avant de paraître
Au soleil profus
Qui brûle mon être
Et le tient si fort
D'un flamme ardente
Qu'il n'est de mon corps
Rien qui ne le sente
Animer ce feu
De ma plus belle âme -
Jusqu'à ce gand Dieu
Que mon ciel réclame !
A mes petits-enfants.
Sorti vivant de la matière,
Est-il sur terre d'autre dieu
Que celui-là dans la lumière
Qui soudain règne dans ce lieu ?
O ruisselante meurtrissure
Par tout le flot qui déversa
De ta présence sans souillure
Le geste au jour - qu'il éclipsa !
De quel abîme formidable
Tout rempli de milliards de nuits
Nous surgis-tu, si misérable
Et le plus rare de nos fruits ?
Toi qui n'as pas de nos visages
Tout à fait ce que d'ombre y luit,
Mais à jamais vers d'autres âges,
En cet espace qui nous fuit,
D'instinct de la commune source
Retrouvant le fleuve certain,
T'en vas déjà, de neuve course,
Dans la tendresse du matin,
Refluer jusqu'à l'origine
De ces primordiaux limons
D'où nous tombâmes en gésine
De ce temps même où nous dormons,
Comme si toute la mémoire
D'immense astres révolus
Peuplait sans cesse notyre histoire
Des mille feux qui ne sont plus
De la seule Etoile filante
Qui nous révèle encor pourtant
Que sous la vérité mouvante
de regards insondables tant -
de vivre une si longue attente
D'un Songe en l'âme s'exaltant,
C'est toujours Dieu qui se lamente
Au plus secret de l'existant.
Le jour se meurt autour de moi,
Enveloppé de brume étrange ;
Un appel monte, quelque aboi
Tragique, sourd et qui dérange
Le calme nu d'un grand ciel froid ; -
Quand, d'un coup d'aile brusque, l'Ange
Déchirant l'air en désarroi
Fait, de ce Mal dont coeur se venge,
- Cervidé pâle que l'oeil voit
Surgir des herbes de la fange, -
Eclater le miracle, droit
Hors de l'espace qui nous mange,
De Ton silence d'or, ô Roi !
O MER, ME VOICI NU DEVANT TOI, SANS VISAGE...
O mer, me voici nu devant toi, sans visage,
Battu comme doit l'être l'île d'Ouessant,
Quand le vent qui t'emporte, au fort de son passage,
Fait sourdre une clameur d'orages et de sang !
Me voici nu plus que tout autre à pareille heure,
tandis que le soleil à l'horizon descend
Qui marquait à mes yeux le seuil de ma demeure
Où va mourir d'un coeur le souvenir puissant.
Que reste-t-il du masque à forme de figure,
Toujours mort en moi-même et toujours renaissant,
Dont me désespérait la fascinante épure
A travers l'épaisseur des songes me glaçant ?
Dis-moi, ne vas-tu pas finir par m'apparaître,
Vérité de douleur profonde envahissant
Les replis ténébreux de l'âme de mon être,
A travers la beauté d'un soir rejaillissant ?
Ne vas-tu pas, laissant la trace de mon ombre
Se perdre en la clarté d'un dernier jour blessant,
Me jeter à la face, en un grand geste sombre,
Au milieu d'astres morts et de désirs sans nombre,
Le tumulte attendu d'un ciel éblouissant ?
Nuit rafraîchissante,
Ranime mon corps
De ton âme errante
A travers les morts,
Qui, toute ma vie,
Insensiblement
En moi fructifie
Et me rend vraiment
Propre à ce moment
De n'être - docile
Aux songes parfaits -
Que ce coeur fragile
Et plein de secrets
Que l'espace file
Au gré des regrets,
Et qui désormais
S'en revient tranquille,
Loin de l'ombre vile
Et de l'âpre ville
Aux sombres attraits,
Se perdre à jamais
Jusqu'en ce lieu frais
Et doux comme une île
En toi, - que j'aimais !
CHAIR QUI S'ÉPUISE À SE VOULOIR...
Chair qui s'épuise à se vouloir
Pareille au songe qu'exténue
- Flamme légère au pur miroir -
L'éclat d'une vérité nue,
tremble sans cesse avec raison
D'être ce peu d'âme menue
Qui loge au fond de sa maison,
- Mais de si loin d'elle venue,
Comme serait, lumière bue,
Fonte de glace en fenaison ! -
Dont la présence perpétue
Pourtant le rire dans la nue
Du seul soleil de la saison !
Eclate, feu !
Plonge, bolide,
Au sombre aveu
d'âme lucide !
Aspire en l'air
De flamme, d'or,
Vive, la chair
De l'être fort,
Et, par désert
D'ultime sort,
Cet esprit clair
De sel, de mer,
Et d'ombre encor !
Quel songe - en quel chemin nous mène ;
Ou quelle force en l'ombre, à peine
Plus perceptible que ne l'est
Le cours du sang à mon poignet,
- Bien que puissante, souveraine,
Pleine de flamme surhumaine, -
Et tendre encore à se vouloir
Comme une absente dans le noir,
Mais si présente au fond que rien
N'existe un peu qui ne soit rien
Et ne s'imprègne de l'image
De cet immense personnage
Dont le silence nous émeut
- Au centre même de notre âge -
Le coeur et l'âme et davantage,
Au point - qu'il pourrait être Dieu ?
De l'une à l'autre lumière
Et la même cependant,
La première et la dernière
De l'ultime moment
Qui finisse et recommence
Au sein même du silence
Son inépuisable chant
Sans que nulle voix contraire
Ne détourne à tout jamais
Sa douceur profonde et claire
De se perdre en ses sommets,
Tant en elles se confondent
- Au plus vif de la pâleur -
Et la source et la chaleur,
Et le feu dans la fraîcheur
De ce fleuve unique au monde
Dont la force surabonde
Jusqu'au jour secret du coeur...
Vers Toi je vais, Mer immortelle !
Vers Ton Silence pur ! Vers Toi
Dont la présence m'ensorcelle
De songes calmes et d'effroi !
Rire de l'air !
En mes prunelles
La force claire de mon Roi !
Quel souffle d'or, quel Dieu m'appelle
Hors de l'espace et hors de moi
parmi les vagues éternelles
Que roule l'Astre de ma foi, -
Jusqu'au rivage qui révèle
En son inaltérable loi
Au coeur profondément fidèle
cette aventure la plus belle
Et perpétuellement nouvelle
De n'Aimer plus que l'Autre en soi !
Du coeur de l'écorce
Ouverte à Ton cri,
Dieu vif, quelle force
Ivre de l'Esprit,
M'a pris dans son vol -
Comme flèche dure
franchit d'Amour folle
L'incroyable azur !
Cri pur, jaillissant
De l'absurde Histoire,
Te couvre, Nuit noire,
D'un geyser de sang,
Et, rompant l'artère
Du désir de croire
Au bonheur sur terre,
Déserte le soir
Que le Mal enserre
De son fol vouloir,
Quand, de l'éphémère
Et mortel pouvoir,
Par soif solitaire
Dont se désespère
En sa force amère
Cette élémentaire
Innocence claire
D'Astre qu'on peut voit,
Se brise le verre -
Comme d'un miroir !
QU'ATTENDEZ-VOUs, SEIGNEUR... ?
Qu'attendez-vous, Seigneur, qu'attendez-Vous de moi ?
N'ai-je su profiter de ces havres tranquilles
Que m'offrit quelque fois la pureté des îles,
A mi-chemin de l'Equateur et du ciel froid ?
N'ai-je pas respiré cette odeur des prairies
Que le vent m'apportait, lorsque dans le matin,
D'une ivresse plus forte encore que du vin,
Se revivifiait ma tendresse tarie ?
Je n'ai rien négligé de l'univers docile
Que Ta sérénité mène du bout des doigts,
Et le pain que je mange et le vin que je bois
n'ensemencèrent pas qu'une terre infertile.
Mais un mal plus profond que celui de la chair
Et de tout ce qui touche à l'univers visible
Me traverse au-delà des os, comme une cible
Que traverse soudain quelque harpon de fer.
C'est l'âme qui t'appelle et qui se remémore
Ce que Tu fus pour elle, et dans un vaste cri
Comme d'un être en quelque brusque étreinte pris,
Te clame sa détresse et veut T'aimer encore.
Que lui peuvent, Seigneur, ces mondes habités
Où le silence même agrandit Ton absence,
Où plus rien ne demeure, outre le seul silence
D'un monde à la dérive en son ébriété ?
Car rien ne tient que d'une personnelle foi.
Que me restera-t-il vraiment au bout du compte
De tout ce qui descend sur terre ou ce qui monte,
Si Tu ne restes pas inébranlable en moi ?
Suprême silence
De la Vérité,
Verse, la présence
De Ta pure absence,
- O tranquillité ! -
En mon indigence
Avec abondance
Cette connaissance
De la transparence
D'un Dieu d'évidence
Dont la Force immense
- En son immanence
sans cesse semence
De virginité -
S'efface, s'avance,
Ne meurt, se repense,
Vit, et recommence,
SANS AVOIR ÉTÉ !