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    • SÉRÉNITÉ

    DE L'OMBRE ÉTROITE...

     

    GM

     

    A

    la très chère mémoire

    de Marie-Ernestine Moinier,

    Aïeule de Gine,

    Ce témoignage

    de notre profonde gratitude

    pour tout ce que, dans l'invisible,

    nous lui devons.

     

    De toute notre Ame !

     

    G. et M.

     

     

    L'EAU CALME...

     

    L'eau calme me trouble

    De son jeu secret,

    Et d'être mon double

    Encore, - on dirait.

     

     

    BLESSURE...

     

    Blessure de mon coeur nocturne

    Au centre de la vision

    Du bel Automne taciturne -

    Et qui ruisselle comme une urne

    De lumière à profusion !...

     

     

    SOIR

     

    Le soir s'embrase obscurément

    De la clarté de l'âme immense

    De l'univers qui se balance

    Entre l'abîme et le silence

    De l'insondable firmament !

     

     

    IMMORTELLE NUÉE...

     

    Immortelle nuée

    Qui détruit l'univers -

    Où l'âme remuée

    De tant de maux divers,

    Se plonge, exténuée,

    Au sein profond des mers...

     

     

    INSONDABLE...

     

    Insondable et pareil

    En ma nuit ténébreuse

    Au merveilleux soleil

    Qui me rend l'âme heureuse

    De tout son appareil

    D'incandescent éveil,

    D'immense soir vermeilm, -

    Et d'ombre douloureuse !

     

     

    TU CROIS SURVIVRE...

     

    Tu crois survivre à ce qui meurt,

    Quand tu ne meurs que de survivre

    Au plus subtil battement ivre

    De ton plus vulnérable coeur...

     

     

    COEUR SUBTIL

     

    Sur le ciel tendre et clair de l'âme,

    Tremble ta gloire, coeur subtil ; -

    Le temps, aigu comme une lame,

    tranche ton rêve - comme un fil !...

     

     

    FOL ESPOIR !

     

    Qui donc es-tu, toi qui frissonne

    Au sombre vent du pâle soir ? -

    Nul songe à ton appel : personne,

    Que la mer folle et son miroir

    Où se brisent, au ciel d'Automne,

    Les derniers feux du fol espoir !

     

     

    SOLEIL PROFOND...

     

    Soleil profond comme la mer limpide ;

    Océan plein des astres de l'éther ;

    Regard vivace, en son désir lucide,

    De pénétrer les profondeurs de l'air ;

    Coeur solitaire, à battre plus rapide,

    De découvrir et son soleil torride

    Et - ténébreuse en lui - sa propre mer !

     

     

    RUPTURE

     

    Quel rythme fou,

    Mon coeur, t'agite,

    Lorsque, d'un coup

    De brusque fuite,

    Enfin trop vite

    Se précipite

    Le fleuve tout

    Jusqu'à mon cou

    Du sang - d'un goùt

    Que l'on évite !

     

     

    L'AVENTURE EST EN MOI...

     

    L'aventure est en moi profonde et dérisoire

    De l'espoir surgissant du fond de l'horizon ;

    De l'esprit traversant ma conscience noire ;

    Du soleil pénétrant les murs de ma prison ;

    Et la mort veillant au coeur de ma mémoire -

    Comme l'inconscience au fond de ma raison.

     

     

    O CLARTÉ VAPOREUSE...

     

    O clarté vaporeuse entre les herbes rares !

    Que reste-t-il du rêve avide de midi?

    Et de ce pauvre ciel léger dont tu te pares, -

    Lorsqu'au-delà des soirs de songe où tu t'égares,

    S'affaiblit, comme au fond d'irrévélables mares,

    Ce peu de force en toi jadis qui te perdit ?

     

     

    LE VENT DEVIENT BRÛLANT...

     

    Le vent devient brûlant - comme la mer aussi !

    Rien ne respire plus, en la durée ardente

    A se fondre en l'espace nu qui la tourmente,

    Que ton âme, vivante encore, à la merci

    De ce silence ultime d'astre qui la tente

    Et la fait tressaillir à la beauté démente

    D'un vertical soleil au mortel coeur transi !

     

     

    FRÊNE

     

    Tremblement de ton ombre au vent !...

    En ta respiration folle

    Il n'est soleil même levant

    Dont ne soient tes feuilles l'idole,

    Quand elles tissent en rêvant

    Un tel silence de parole

    Que ta fugace patrabole

    Inscrit sa courbure frivole

    Au plus secret du coeur vivant !

     

     

    FIGURE AU VENT !...

     

    Figure au vent ! - Tu te figures

    fendre l'espace comme avant !

    Ne vois-tu pas que l'émouvant

    Soleil des gloires les plus pures

    Tremble de glace, ne pouvant

    Se rendre mieux aux dieux parjures

    Des innombrables démesures

    Où va ton rêve décevant,

    Que, sous l'éclat d'une blessure,

    En retournant à cette épure

    Intérieure, par usure,

    Que ressuscite, d'aventure,

    Profondément en toi, le vent !

     

     

    SCARABÉE

     

    Scarabée ivre au grand oeil blanc

    Et qu'un vent triste découronne,

    Tu vas mourir : le ciel qui ment

    T'a pris au piège de l'Automne ;

    Et dans le soir qui t'abandonne

    A ton mystérieux tourment,

    Ton ultime regard m'étonne,

    Quand tout l'espace d'or frissonne,

    De le voir ne plus voir personne

    Et s'emplir d'ombre brusquement !

     

     

    AUTOMNAL

     

    Campagne douce, aux frondaisons

    Que transfigure un bel or sombre !

    Il n'est que brume aux horizons,

    Qu'apporte, avec l'Automne, l'ombre, -

    Les prés se calment ; le ciel fuit

    dans un flot de lumière tendre :

    Aucun désir ne peut surprendre

    Le coeur et l'âme, avant la nuit,

    S'il ne couve dessous la cendre

    Ce feu, pour y pouvoir reprendre,

    Qui toujours, dans l'abîme, luit !

     

     

    FRÉMISSANTES LUEURS...

     

    Frémissantes lueurs

    Sur l'eau désordonnée.

    Froide clarté. Pâleurs

    D'ivresse à peine née

    Que morte en ses splendeurs. -

    Ainsi va sur l'écume

    Le vent qui t'emporta

    Plus loin que l'amertume

    Où, pénétré de brume,

    - Toi, que sans fin résume

    Un mal qui te consume, -

    Ton rêve se noya !

     

     

    MER PLATE ET NUE...

     

    mer plate et nue,

    Tremble d'avoir

    L'âme perdue

    De ton pouvoir !

    Absente en toi

    Toute raison.

    Ardent effroi

    De l'horizon.

    La mort flamboie

    Contre mon coeur.

    Soleil te broie

    Comme douleur.

    Parfaite proie

    D'ultime peur ; -

    Et toute joie

    En moi, se meurt !

     

     

    ODEUR D'HERBE ET DE MER SALÉE...

     

    Odeur d'herbe et de mer salée ! Odeur sauvage !

    pénétrante vigueur du flot qui bat son plein !

    Brume dans le ciel vide !

    Aridité ! Rivage

    Plus nu que poisson mort - dont le troublant regard

    Plonge en cette ombre enfin qu'un mouvement hagard

    Du vent vif et perdu jusque sur mon visage,

    Fait trembler dans mon âme avide qui la plaint !

     

     

    LAITEUSE MER...

     

    Laiteuse mer ; horizon pâle ;

    Soleil perdu dans le brouillard.

    Silence flou ; songe hagard ;

    Linge mouillé, sur mon regard,

    De l'air humide; pas un râle ;

    Le jour se meurt au ciel blafard... -

    Glisse, mon âme, sur l'eau grise

    Et ténébreuse, sans retard,

    Afin que ne soit pas surprise

    Par le désert qu'elle déguise

    D'un reste d'astre qui la grise,

    Ta certitude : il se fait tard.

     

     

    INCOMPARABLE FORCE D'ÂME!...

     

    Incomparable force d'âme !

    Lumière tout en devenir !

    Si la puissance de ta flamme

    En sa substantielle trame

    Empêche l'être de mourir,

    Quelle absence, en ton coeur, de drame,

    Lorsque ma fièvre d'ombre brame,

    Me fait encore te chérir?

     

     

    LUMIÈRE FOLLE...

     

    Lumière folle au fond de moi,

    Comme à travers la forêt dense...

    Est-il tendresse d'or qui soit

    Plus salutaire que la chance

    D'être à la fois ma survivance

    Et mon propre secret silence

    Sur terre et dans le ciel, - par toi?

     

     

    ESSOR

     

    Détresse d'âme ! Sombre effort !

    Force navrante qui dérive

    A la poursuite d'un essor

    Qu'une impossible sève rive

    A l'ombre obscure qui le mord ;-

    Comme se perd en quelque rive

    Le songe fou d'un astre d'or,

    Mais qu'une nuit mortelle prive`

    De le saisir d'Amour encor !

     

     

    SÉRÉNITÉ DE L'OMBRE ÉTROITE...

     

    Sérénité de l'ombre étroite

    Où la lumière vient mourir ; -

    Quelle tendresse, en mon coeur moite,

    Empêche l'âme de souffrir

    De ne pouvoir, tant le désir

    Au ciel d'illusions miroite,

    Infiniment se tenir droite

    Devant les gouffres à venir !

     

     

    VAISSEAUX

     

    Meurent les oiseaux

    De ma solitude !...

    Il n'est sur les eaux

    Plus de certitude,

    Quand la multitude

    tTremble, des flambeaux !

    Et l'âme chavire

    Comme ces vaisseaux

    Loin de leur empire,

    Qui se brisent, beaux

    De jouer au pire

    Avec les tombeaux !

     

     

    FEU QUI ME CONSUME...

     

    Feu qui me consume,

    Sans savoir pourquoi

    Ni comment s'allume

    Ton ardeur en moi,

    Je cherche dans l'âme

    Où prend ton tison

    Quel tourment réclame

    Cette déraison

    De folle brûlure

    Et de sel amer

    Qui dore la chair

    D'illusion pure -

    Et déjà se perd

    Comme, d'aventure,

    Une gloire obscure

    Au fond de la mer !

     

     

     

    JE SONGE...

     

    Je songe à l'été finissant

    De mon existence secrète ;

    Aux rumeurs plus clames du sang

    Qui circule au fond de ma tête.

    Les rayons de mon jour sans fin

    Aux confins de mon ciel dérivent,

    Et dans l'espace de ma main

    Les fleurs vivantes plus n'arrivent

    A conjhurer mon fol destin !

     

     

    L'OMBRE...

     

    L'ombre, l'ombre a privé mon âme de sa gloire,

    Quand le soleil tomba derrière l'horizon.... -

    Qu'aurai-je encore dit qu'il faille n'y pas croire,

    O ténébreuse ardeur, lorsque de mon histoire

    S'effacent l'astre même, et toute ma mémoire,

    `Ma conscience d'être, - et toute ma raison? ...

     

     

    DÉSORMAIS...

     

    Désormais, j'entre dans la mort

    Visiblement ; - comme on écoute

    Le ciel sauvage sur la route

    Soulevant dans les arbres tors

    En un souffle d'âme qui doute

    Et s'effiloche en sa déroute,

    Au-delà même du remords,

    L'immense même du remords,

    L'immense cri de l'autre bord !

     

     

    EN FACE

     

    C'est ainsi que la mort regarde

    L'éternité qui la surprend ; -

    Quand elle va, jusqu'à la garde,

    Planter, comme un coup dément,

    En notre coeur qui ne s'en garde,

    Et sans que rien ne la retarde,

    Son immobile glaive blanc !

     

     

    CLAMEUR

     

    Du pur sommet de ta douleur

    Se précipite, en un silence

    Insoutnable d'ombre dense -

    A livrer l'âme à la démense

    Du plus tragiquement intense

    Et sombre éclat de la clameur,

    Un soleil nu dont la pâleur

    Agrandit jusques à l'immense

    La vastitude de ton coeur !

     

     

    SOLSTICE

     

    Ecrasement de la lumière,

    Irrémédiablement, à croire ; nu

    Sous le soleil de ma paupière

    Ouverte comme lèvre entière

    Au songe clos de l'inconnu ; -

    Tant l'eau rapide et régulière

    Qui s'écoule dans l'âme, dût,

    Par cette vérité première,

    Demeurer sourde à ma prière,

    Absente si, de la matière,

    A faire de mon ciel litière,

    Prédomine l'espace - dru !

     

     

    O TERRE!...

     

    Le train qui m'emportait dans le matin glacé

    Augmentait sa vitesse en l'ombre solitaire.

    O Terre à toute allure!... Et l'arbre dépassé,

    Et la ferme perdue ainsi que ma misère

    Au fond d'ubn val secret de songe traversé ! -

    Tu ne semblais alors sous mon regard, ô Terre,

    Qu'un mirage flottant de silence bercé :

    Comme le cours sans fin d'une douleur amère

    Qu'illumine déjà ce qui le désespère

    De l'immortel éclat d'un devenir blessé !

     

     

    LE JOUR QUI NOUS DÉLIVRE...

     

    Le jour qui nous délivre est pire que la nuit :

    Car l'être va s'y perdre en son ivresse avide

    D'une course à la fois plus vive et plus rapide

    Que dans l'espace même où la ténèbre luit. -

    Le flot se mêle au flot sans cesse qui le suit,

    Et l'âme se disperse au vent d'hiver lucide ;

    Le gel passe non moins que le désert torride ;

    Et le temps passera sur nous sans une ride,

    Comme passe sur nous l'ombre du jour qui fuit...

     

     

    FUGACE

     

    Le souffle de la mer rayonne sur ta face

    De tout l'embrun perdu dans l'or de la durée ; -

    Quel songe, au plus secret de ton désir, te glace,

    O Toi, dont la présence infiniment fugace

    Dans le sable, l'écume et le soleil vivace, -

    Où toujours se révèle et pour toujours s'efface

    De ton âme déjà l'insaisissable trace,

    Tremble de n'être plus des astres l'adorée !...

     

     

    VENT BRÛLANT!...`

     

    Vent brûlant ! Souffle fou ! Langue de flamme ardente

    Qui me desèches l'âme et le corps à la fois,

    Tu rends ma soif mortelle encore plus démente

    De rester, sous ton règne, immobile et sans voix ! -

    Rien ne demeure plus de la fraîcheur rêvée

    De ta vague frôlant la surface des mers ;

    Et - comme d'une force, en l'âme, soulevée

    Du plus profond secret des grands royaumes clairs -

    Ne me viendra de l'eau l'offrande retrouvée

    Que de quelque oasis perdu dans les déserts !

     

     

    PRIMITIVE LUMIÈRE...

     

    Primitive lumière ! O silence rapide !

    Insatiable soif de toute immensité !

    Terrible épanchement de l'univers torride !

    Nuit sans faille ! Frisson de haute majesté

    Qui nous glace la moelle en la ténèbre aride

    Où le temps qui s'enfuit frôle l'éternité !

    Tu dérives, Présence, en cet abîme hostile

    Qui t'aspire au-delà du règne de mes yeux

    Vers on ne sait quel songe d'ombre indélébile

    Que le vent sidéral en sa détresse file,

    Pour ne devenir plus que ce désert fertile,

    A peupler de néant l'absolu clair des cieux !

     

     

    O NUIT PACIFIÉE...

     

    O Nuit pacifiée, au fond du ciel propice !

    O Nuit, profondément promise à mon tourment !

    Nuit faste ! Belle Nuit uniformément lisse

    Et pénétrante ainsi qu'un feu de diamant!

    Au-dessus de l'abîme où mon désastre glisse -

    A se perdre à jamais dans l'univers béant

    Dont s'ouvre sous mes pas légers le précipice,

    Viens me prendre en ton sein, vertigineux délice !

    Inaltérable espace ! O Nuit libératrice !

    - Que tout mortel soleil devant ton jour pâlisse !

    Et me sauves moi-même enfin de mon néant !

     

     

    SEPTEMBRE!

     

    Septembre ! Mois doré ! Temple des solitudes !

    Où l'Océan répand plus longuement son lait !

    Où toute soif demeure, et non les servitudes

    Loin desquelles mon coeur sans crainte s'en allait... -

    Je t'adore , Septembre, en cette certitude

    Que ton âme s'éprend du fulgurant secret

    Qui fait battre le coeur de cette multitude

    De mondes enivrés jusqu'à la plénitude,

    Du seul Dieu de tendresse et de sollicitude

    Qu'à l'origine, ensemble, avec exactitude,

    En leur virginité première, ils adoraient !

     

     

    REVIENNENT LES MATINS FRILEUX...

     

    Reviennent les matins frileux de solitude,

    Où les bois sont pareils à de mouvants déserts,

    Où ne respire plus, loin de la multitude,

    Que le coeur seulement qui dans leurs bras se perd ; -

    Car leur essence plonge aux abîmes du Nombre

    D'où sélève sans cesse encore le vivant :

    Comme le pur soleil se désaltère d'ombre,

    Et comme se nourrit de silence le vent !

     

     

    BRUME D'OCTOBRE...

     

    Brume d'Octobre, au rendez-vous

    De la saison précipitée !...

    Qui suis-je ? Où vais-je ? Ces mots fous

    A travers l'âme désertée !...

    L'eau se retire ; l'astre aussi

    Qui rayonnait de gloire vaine

    En cet abîme que voici !

    Quel horizon ? Où donc ici

    La survivance - si lointaine ! -

    Du peu que j'ai pu vivre ainsi ?

    Soleil voilé d'ivresse lente,

    Ne m'apparaisse, en ton mourir,

    Que ta lumière évanescente

    Au bord d'un flot qui me tourment

    Du reste d'ombre que j'invente

    Pour satisfaire à mon désir !

     

     

    LAISSE-MOI VIVRE MON SILENCE...

     

    Laisse-moi vivre mon silence

    En tête à tête avec mes dieux :

    Ils ont de moi cette innocence

    De ne se croire pas aux cieux ;

    Ils ont de moi cette amertume

    De ne pas se croire vivants

    Plus que cette impalpable écume

    Qu'emporte en se jouant le vent ; -

    Ils sont plus tristes que moi-même

    Qui vais sans cesse enfin rêvant

    Que les vrais dieux sont ceux qu'on aime,

    Quand de Dieu seul l'espoir qu'Il sème

    Fait se lever le Jour levant !

     

     

    D'UNE TÉNÉBREUSE NUIT MARINE

     

    S'en aller vivre en l'ombre immense des étoiles

    Qui n'ont plus ce regard où le regard se perd

    A l'infini d'un ciel profond qui les dévoile, -

    Au point que le coeur même en oublierait la mer!...

     

     

    MER MÉTALLIQUE...

     

    Mer métallique, sombre et grise,

    Au coeur secret de mon désir !...

    Quelle force d'amour t'a prise

    A murmurer comme un soupir ? -

    Le mortel horizon vacille

    Dans le frisson de ton miroir,

    Et tout ce qui dans l'âme brille

    Tremble sans fin de ne savoir

    Quelle tendresse d'or scintille

    Peut-être en ton grand gouffre noir!

     

     

    MES OISEAUX PRÉFÉRÉS...

     

    Mes oiseaux préférés se rient de l'amertume

    Quand la mer à leurs pieds roule son flot profond,

    Et leurs cris, dans l'espace environné d'écume,

    Plongent dans mon silence intérieur et font

    En mon âme surgir, à travers l'âpre brume,

    Tout un miracle d'astre et de tendresse au fond !

     

     

    ET TE VOILÀ PAREIL...

     

    ...Et te voilà pareil à l'écume vivante

    Que le sel et le vent dispersent dans leurs jeux,

    Sans pour toi nul souci qui de la mer démente

    Ou du souffle de l'air l'absorbera le mieux ; -

    Trop heureux de savoir que ton âme savante

    A se rendre plus libre au ciel que l'aile errante,

    Par des soupirs de songe où le désir s'invente,

    Leur échappe déjà sur terre et dans les cieux !

     

     

    LE SOLEIL LUIT DÉJÀ...

     

    Le soleil luit déjà sur toutes choses claires

    Du printemps qui renaît au coeur des floraisons ;

    Ravive en toi, mon âme, à travers les lumières

    Qui jaillissent du fond des mortelles saisons,

    Ce peu de certitude et de tendresse altières

    Que le mal d'ici-bas tient encor prisonnières

    De la sombre rumeur des folles déraisons !...

     

     

    LA CAMPAGNE PROFONDE...

     

    La campagne profonde endort ma vigilance :

    Je me sens rassuré, rien qu'à la voir de près.

    Tout repose, en son calme et souverain silence ;

    Et les arbres me font, dans l'air qui se balance

    Et le soir qui prolonge en moi son existence,

    Percevoir qu'il n'est pas de folle accoutumance

    Dans l'amour qu'en mon coeur sans fin je leur offrais !

     

     

    QUEL SOUFFLE ! O FLAMME !...

     

    Quel souffle ! O flamme!...Quel soupir

    Pénètre l'âme infiniment

    De l'on ne sait quel devenir

    D'astre lucide au firmament, -

    Lorsque d'Amour et de Désir

    Plus forts que mort obscurément

    S'installe en nous le souvenir

    Du seul Silence qui ne ment !

     

     

    L'ARBRE DU SOIR

     

    Arbre sur fond de l'Astre où saigne

    En son tranfiguré savoir

    Cette présence au pur miroir

    Qui, promise à l'azur que baigne

    L'or qui déjà s'y vient asseoir,

    Sûre elle-même de son règne,

    Sans que nulle âme l'y contraigne,

    Jamais sur terre ne dédaigne

    Inexprimablement d'y choir !

     

     

    JOUVENCE

     

    Soleil fervent de mon désir !

    Brûle, l'éclat de ta présence,

    Au pur secret de la souffrance

    De n'être plus que souveni ! -

    Tendre exigence d'une absence

    Au fond de soi !... Comme à loisir,

    Coule la Source de Jouvence

    D'où peut encor surgir la chance

    Ultime, en ton plus clair silence,

    Et malgré toute l'apparence,

    O ma chère Ame, de guérir !...

     

     

    O LUMIÈRE!...

     

    O Lumière qui ne meurt pas !...

    Dans la pénombre coutumière

    Où mon âme de toi, Lumière,

    Implore le désir tout bas

    D'être des songes prisonnière,

    Viens lui dire quelle première

    Et sublime clarté dernière

    Sans nul souci de l'ombre altière

    Au jour de vérité plénière

    La viendra prendre dans ses bras !

     

     

    LE "MAL DE DIEU"

     

    Atrocité de la lumière

    Du "mal de Dieu" dans l'être fou -

    A rendre exsangue l'âme entière ; -

    Et qui transperce d'un tel coup

    L'opacité de la matière

    Qu'il semble - au cou comme une pierre,

    Jusques au fond de l'âme altière -

    Que la ténèbre étreigne tout !

     

     

    POREUSE

     

    Creuse, visage, creuse

    Cette apparence blême

    Et de la mort suprême

    Extêmement peureuse,

    Dont la structure osseuse

    Pénètre l'âme même

    De l'absolu blasphème

    Que sa ténèbre sème,

    D'éternité poreuse !

     

     

    L'ÉTERNITÉ TREMBLANTE...

     

    L'éternité tremblante au fond d'un ciel meurtri

    Te révèle à toi-même un songe qui s'efface,

    A mesure que l'ombre emplit d'un or l'espace

    Où de tout ce qui meurt s'estompe enfin la trace, -

    Comme d'une fournaise à fondre aussi l'esprit !

     

     

    L'ÉCLAIR TRAVERSE LA DURÉE...

     

    L'éclair traverse la durée,

    Moins que la flèche de l'esprit

    Ne plonge, en l'unité sacrée

    De l'être même - que surprit

    Sa fulguration dorée,

    Sa solitude comme un cri !

     

     

    QUE NULLE FLAMME...

     

    Que nulle flamme d'Ame obscure

    A remplir d'Ombre l'univers,

    Ne vienne rompre, en l'âme pure,

    Le fil secret d'une aventure

    Où le ciel plonge dans les mers,

    Ni, par mortelle démesure,

    Ne fasse plus que n'y perdure,

    D'ivresse folle, la blessure

    De cette incomparable Épure

    Dont le silence dénature

    En un soleil qui transfigure,

    La survivance des hivers !

     

     

    NOCTURNE

     

    La grande paix profonde, en l'âme, de l'absence ;

    Quand le songe n'est plus que morsure du feu ; -

    L'orage en toi, vivant, de toute la présence

    De l'immobile Nuit solitaire de Dieu !