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QUE L'ON DIRAIT
D'UN ANGE...
GM
A
Marie-Danielle et Marie-Cécile,
nos petites-filles,
et,
par elles,
à toute notre descendance à venir,
en témoignage
de notre profonde tendresse sans âge, -
et dans
la grande Lumière
de ce qui ne meurt pas.
Ame étonnée
De voir surgir
Lumière née
Du souvenir,
Le crépuscule
Au fond de toi
Déjà recule
A cet émoi
Qui te révèle
Les clairs instants
De l'éternelle
Chute du temps !
De glace, d'or, de feu !... De neige
La fonte égale à ma douleur !...
Comme il en est de tout malheur,
Pour enlever au mal vigueur
Et rendre enfin quelque chaleur
A l'âme folle de pâleur,
Que n'ai-je assez de coeur !... Que n'ai-je !...
Nudité blanche ! Coeur de l'être
Dans le miracle du printemps !...
Frimas léger à ma fenêtre :
Dites-moi, fièvre des autans,
Est-il besoin de voir renaître
Pareille soif de se connaître
En mille songes éclatants ? -
A chaque battement du temps
Quoi donc se meurt dans le paraître,
Et que devient le coeur de l'être
Dans le miracle du printemps ?...
Ciel libre enfin de tout nuage
Tu dérives en haut des monts,
D'un bleu tranquille et sans mirage ... -
Que sommes-nous, gens ,
En l'âpre nuit que nous formons :
Ce corps, cette âme, ce visage
Innommable aux multiples noms,
Qui ne rêvons que d'un rivage
D'où n'émergerait que l'image
Des yeux vivants que nous aimons ?
Cime lucide ! Nulle brume
En ton désert, d'étrange froid !... -
Le torrent roule en force, et toi
Dont la flamme au désir s'allume,
Tu ne renais, fragile écume,
Que du Silence où l'être est Roi !
Tranquilles jours ; verte vallée ;
Lac plus profond que le soleil ;
Quand l'ombre enfin s'en est allée,
Où meurent toutes, d'or voilées,
Les hautes heures désolées
D'un mal de vivre sans pareil !
Ne regarde pas l'eau dormir
Entre les rives embrumées ;
Il n'est plus l'heure de souffrir :
Le ciel a perdu ses nuées.
Mais par les ombres remuées
Au plus secret du souvenir,
Il s'est des tristesses formées
Qui pourraient bien - tant l'avenir,
Sous des apparences calmées,
Tremble d'ivresses désarmées -
A la surface revenir !
Ramure vive, en cet Automne,
Du sang perdu de l'été vain,
Ton embrasement nu m'étonne -
Et ce miracle sur la main
D'or lentement que l'air me donne ; -
Tandis que dans le pur lointain
Où mon âme d'ombre frissonne,
Tout un grand ciel d'ivresse tonne
Les jours comptés de mon destin !
Paysage sans bavure
Sous un ciel égal et clair,
L'Automne a pris ta verdure
Pour l'offrir au proche hiver. -
Tout respire la tendresse
De Dieu même en l'Univers ;
Et toi, folle de détresse,
O mon âme, dans mes vers,
Tu n'es plus que la promesse,
En ces jours d'ombre couverts,
D'une flamme qui te presse
De brûler tous tes déserts !
O dérisoire face ultime
En l'apparence d'un miroir !
Entre le vent qui me décime
L'âme et le corps sous le ciel noir
Et l'attirance de la cime,
Il n'est rien d'autre en mon pouvoir
Que d'y surprendre - grâce ou crime ? -
Ma survivance sans me voir !
Source frileuse ! Calme étrange !...
Où s'en va l'eau qui coule ainsi,
De palme en palme, sans mélange,
A la poursuite d'un souci
D'où ne viendrait nul goût de fange,
D'un bruit que l'on dirait d'un ange
D'aile diverse - et d'ombre aussi !
Tu rêves d'ombre, coeur rapace,
En la lumière projeté
D'un immatériel été
A la limite de l'espace !
O précieuse et folle trace
D'un âme vierge du Léthé ! -
Toujours être comme emporté
Où ne règne, de haute race,
Que, sous un ciel qui nous enlace,
La respiration vivace
D'un songe pur d'éternité !
ou
LES DEUX OMBRES
Tu marches encor ; l'ombre hésite ;
Tremblent tes pas, le temps venu.
L'espoir se meurt ; les jours vont vite :
Le silence de l'âme est nu.
Respire l'ombre qui t'agite
Entre le vide et l'inconnu :
Ton rêve d'homme n'est qu'un mythe
Dont la lumière ne palpite
Qu'au bord d'un paradis perdu.
La force de la mer en moi se multiplie
De toute la tendresse incluse dans les songes...
Pauvre corps insensible aux gouffres où tu plonges,
Voici qu'un clame rêve d'astre se délie
Du fatal souvenir où se mirait la mort, -
Tandis que de mon âme encore la folie
S'effrayait du miracle et s'enfuyait du bord...
Vent vivace, grand vent qui laves mon visage,
La pureté d'en haut me vient-elle par toi ?
L'eau brille par les prés dorés du paysage
Et va se perdre en l'ombre immense qui la boit ;
La lumière fragile encore dans l'espace
N'ose pas pénétrer les arbres que l'on voit,
Et le songe, dans l'air lucide qui me glace,
Traverse l'âme ainsi que l'immortelle trace
D'un vol d'oiseaux - superbe et blanc - venant du froid !
Un nuage d'oiseaux couvre le ciel limpide :
Plus rien n'arrêtera son incroyable essor.
Tout survit à la mort, puisque la mort est vide.
Le vol des ailes dans le soir est le plus fort ; -
Et l'âme les regarde, étonnament lucide,
Jusqu'en l'air le plus calme et le plus vaste encor,
Sous l'éclat d'un soleil de haute gloire avide,
Se jouer à la fois de l'ombre et de la mort !
TU VAS! TU VIENS! TU MEURS!...
Tu vas! Tu viens! Tu meurs! Tu te dissous dans l'air!
O conscience d'être! Et n'être qu'apparence,
Ainsi qu'une fumée éparse de la chair
Et qui ne serait plus qu'absence d'existence
Ou que présence folle au centre de l'éther!...
Aspire le silence vaste, ô coeur désert!
La méditation du songe te poursuit
Au-delà du ciel même où ton regard se perd, -
Tandis qu'à l'infini des rives de la nuit,
S'élève, intérieure, avec son calme bruit,
La respiration sonore de la mer !...
Lumière exacte, ta figure
Pénètre de sommeil mon ombre.
Il n'est rien en toi qui ne dure :
Crainte, désir, absence ou nombre.
Dans le silence, lorsque sombre,
De l'existence, le murmure,
Tu palpites en l'âme pure,
Comme, en la nuit la plus obscure,
Une étoile éclatante et sombre !
O cher instant persuasif
Par la lumière qui s'efface
Et l'ombre immense qui prend place
Ainsi qu'un merveilleux récif
Au beau milieu de l'âme altière,
Pour l'amener à sa manière
A reconsidérer le sort
En lequel l'être et le paraître
Au gré d'un inutile effort
Sans cesse cherchent à renaître
De mer en mer, de port en port,
Jusqu'à ce qu'un éclair de l'être
Les fasse enfin se reconnaître
En quelque imprévisible mort !
Temps profond comme un océan
Semblable à quelque immense abîme,
Dont un bord touche le néant
Et l'autre à cette ultime cime
Où l'être, au vent qui le décime,
S'en va se perdre en le sublime
Et calme sein d'un Dieu béant !
Charme naissant d'entre les charmes
Te comblera d'un jour puissant,
- Profuse chair dont l'or descend ! -
Et tu viendras rendre les armes,
De tout le rire de ton sang,
Au seul Soleil privé de larmes
Et qui dissipe tes alarmes,
Avec un coeur reconnaissant !