Préfaces de Maurice Courant
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Ou
VARIATIONS SUR UN THÈME,
A PROPOS DE "CALLIGRAPHIE" DU POÈTE MICHEL BÉNARD
Je suis comme quelqu'un qui marche et qui ne sait pas où il va, mais qui sait seulement que là où il va, il y a de la lumière. - C'est ce qui m'arrive chaque fois que je pénètre dans l'oeuvre de mon Ami le Poète Michel Bénard. Une lumière qui ne semble pas toujours très bien savoir elle-même quelle elle est, sinon qu'elle rayonne sans cesse d'une manière si diffuse sur les mots qu'elle en devient musique. Une musique de la lumière. Et ce n'est peut-être bien que cela la poésie, l'essence même de la poésie : une musique de la lumière. Parce que cette musique de la lumière n'est peut-ètre bien, en dernier ressort, aussi qu'une musique d'âme. Saisit-on l'ineffable ? On le saisirait, qu'il ne serait plus ineffable. Or, la poésie de Michel Bénard porte de l'ineffable en elle, ce quelque chose de si fragile et si ténu à la fois qu'il en devient incernable et que, pour cela même, on ne parvient pas à la briser "La transparence seule est impénétrable", dit admirablement Gustave Thibon. En brisant le cristal, on ne brise pas la "transparence intérieure" du cristal, ce qu'il y a d'indestructible en lui et qui ne relève que de l'âme seule : on n'en brise que l'apparence. C'est pourquoi l'on pourrait presque dire ici que ce que chante le Poète a moins d'importance que la musique même qui l'anime, en ce que ce qu'il chante devient immédiatement musique, au point que cette musique elle-même devient sens et que c'est elle alors qui donne finalement tout son sens à son chant. Parce que, encore et toujours, chez ce Poète : le sens de la lumière et la lumière du sens ne font qu'un. Les mots, ici, et les pensées elles-mêmes, s'aiment musicalement dans la lumière ou lumineusement dans la musique. Ces deux termes-là, musique et lumière, et lumière et musique, sont les termes-clés d'une poésie qui ne plonge dans les êtres et les choses que pour nous en révéler, á travers la parure et l'éclat, que ce qui, au-delà des apparences, nous les restitue dans la pureté originelle de ce qu'elles n'auraient jamais dû cesser d'être. Et cela, que le Poète nous parle, magnifiquement, de la Femme, de l'Amour, de la Nature, de la Mort ou de Dieu. Cette poésie ne cherche pas à se sauver ni à sauver : elle sauve d'instinct, par son existence même, tout ce qu'elle touche de son pouvoir. On ne peut mourir en des eaux aussi lumineusement musicales que celles-là.
Maurice Courant, Impasse des Vignes. Le 6 novembre 1992
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"PAROLE"
INTRODUCTION
A
"DONS"
DE JEAN THOMAS
Cette Parole - qui n'a besoin que d'elle-même pour exister !
L'Abstraction - absolue - d'une Parole incarnée!
Ce que cette parole dit, et qu'il fallait qu'il fût dit comme elle le dit, aucune autre parole n'aurait pu et ne pourrait le dire comme elle-même ici le dit.
Parole suffisamment incarnée pour devenir ce qu'elle devait être et qu'elle est, mais juste assez pour ne pas devenir plus que ce qu'il fallait qu'elle fût, pour justifier humainement qu'elle soit.
Unique auteur d'un ouvrage double ou double auteur d'un unique ouvrage : ainsi peut se résumer l'étrange aventure - révélée ici en des pages ardentes et justement anonymes aujourd'hui - d'une âme en mal de Dieu et qui se parle à soi-même comme elle parle à ce Dieu même en mal d'elle-même et qui lui parle à son tour, comme Il nous parle à nous-mêmes ensuite aussi par elle - infiniment.
Dans ces pages, le langage de l'âme avance, recule, se reprend, se perd, se retrouve, hésite, se trouble, se révolte, s'apaise, s'accuse, se justifie, s'affirme, se nie, se renie, se rend; alors que la Parole de Dieu y apparaît au contraire immédiatement nette et sans bavures, fulgurante, impérieuse, impériale, absolue, d'"ailleurs".
Ces pages, qui ne relèvent pas d'abord et à proprement parler de la littérature, portent néanmoins en elles, par la hauteur et l'exigence du dire comme par une rigoureuse adéquation de la forme et du fond, des réussites d'art qui s'inscrivent d'emblée dans la conscience même d'une humanité qui a bien besoin toujours du concours de toute son âme pour ne pas désespérer tout à fait jamais de son propre coeur.
Nudité "mortelle" et absolue d'une Parole qui dénude elle-même l'âme, - jusqu'à l'"os" !
Absence absolue en cette Parole de rien qui ne participe absolument à la réalisation absolue de son objet, en vue de l'ultime but qu'elle s'est fixée; - c'est-à-dire, finalement, Soi.
Cette Parole qui ne va que de Soi à Soi et qui ne recherche et ne reconnaît que Soi en l'âme qu'Elle traverse pour mieux la faire elle-même enfin devenir Soi !
"Dialogue de l'Eau et du Feu": d'un Feu qui ne brûle que de se perdre en l'Eau; comme l'Eau dans le Feu !
O Feu qui brûle entre ces lignes et qui se suffit à soi-ême au point que d'y ajouter rien ne pourrait que l'amoindrir jamais !
La brûlure est, ici, centrale : tout ce qu'elle n'atteint pas, n'existe plus.
"Ces pages, ô mon âme, et tu le sais bien, ne pouvaient balancer qu'entre l'Absolu et le Néant - qu'elles nient".
L'âme se débat dans l'attente d'une réponse divine à une question qu'elle n'a pas posée, par crainte d'avance de la recevoir.
Bien qu'elle brûle qu'elle vienne telle qu'elle redoute qu'elle soit, mais dont elle ne pourrait se passer qu'elle fût.
"Cette Parole, ô ma Chère Ame, que Je te dis, n'est pas à prendre ou à laisser : elle est à prendre!"
Pauvre âme, libre seulement de ne pouvoir refuser le "don" qui lui est fait, tant elle brûle secrètement de le recevoir!
Injonction amoureuse d'un Amour infini : comme une femme prise d'amour parlerait, Dieu parle : "Moi, ou rien!"
Amour infiniment condescendant pour l'homme d'un Dieu qui n'hésite pas à s'abaisser, s'il le faut, jusqu'à le supplier de L'aimer!
Dieu "blessé" que l'homme ne le reconnaisse pas comme toujours à la merci de sa faim : de toute sa faim!
Dieu n'a creusé dans l'âme un "vide" à sa mesure que pour pour pouvoir être seul à même de le combler!
L'Amour qui "tue" fait vivre l'"autre" de la mort de ce qui ne méritait pas en lui de durer; - mais sans quoi ce qui ne meurt pas ne mériterait pas non plus en lui de survivre.
Inimitable Voix capable de sécrier: "Je suis toi, quand tu ne pourras jamais être toi qu'en Moi!"
"Aime-Moi, dit Dieu, si tu ne veux risquer d'aimer tout autre que Moi en vain!"
Dieu apparemment - et "paradoxalement" - toujours davantage "comblé" par l'indigence de l'homme que l'homme par la plénitude et la surabondance de Dieu!
Parce que le véritable Amour - comme l'eau du jet d'eau dans la vasque - descend toujours plus qu'il ne remonte jamais!
Extraordinaire pédagogie du "Coeur à coeur" d'un Dieu qui ne se livre à l'homme que pour plus sûrement l'amener à se perdre lui-même à son tour un jour inévitablement en Lui !
"Si ta joie n'est pas profonde comme la mer, c'est que tu n'as pas touché le fond de mon Amour!"
Admirable silence enfin de l'âme d'un peintre assoiffé de cette Parole intérieure à ses yeux seule capable de transmuer son obscur travail d'ombre et de lumière en un perpétuel et solennel "buisson ardent" de Beauté et de Vérité!
Dieu: cette Personne sans laquelle personne n'est personne!
Préface du recueil de poèmes d'Eric Marchand, intitulé "LA SALETTE"
A Notre-Dame de La Salette
De Notre-Dame-de-Béhuard-au-Pèril-de-la-Loire; en passant par la Vierge de la colline des Gardes au coeur des Mauges; jusqu'à la cime insigne et rayonnante de la Vierge aux Larmes de La Salette: quelle "ascension" dans ce cheminement-là!
Et c'est d'une semblable "ascension" qu'il s'agit et que l'on découvre dans l'oeuvre émouvante et vraie de notre ami, le Poète Eric Marchand; - en laquelle il n'est pas de fioritures inutiles, mais seulement la respiration pure et simple &endash; et simplement pure &endash; de ce qui coule ou semble, au coeur de lêtre, couler de source - ; et, en tout cas, ici de la seule Source qui vaille et qui descend du plus profond secret de la Montagne des Hommes pour aller se perdre en l'Océan même de Dieu.
Car les mots, en ces pages, par l'éclairante et frémissante vision des choses et le subtil et musical mouvement d'àme qui les animent, nous apportent cette transparence de la lumière et cette virginité de la neige des cimes, dont ils tirent cette apparente "fragilité" qui les rend paradoxalement invulnérables et les plongent à l'instant même, et par là même en la pérennité de la mémoire.
Et voici que cette Vierge aux Larmes de La Salette, qui se trouve au point de rencontre du déferlement de l'insaisissable Fleuve d'ombre que nous sommes et de l'Eternité de cette Mer divine qui ne désire rien tant que de la recevoir, contemple, pour la sauver, cette immense marée de la misère et de la détresse humaines, de toute la douloureuse et lumineuse et compatissante Stature de la Sérénité de la Beauté, - à jamais!
Et comment pourrais-je personnellement encore, au terme de ces quelques lignes, ne pas évoquer la si précieuse Image entre toutes de Notre-Dame de la Salette, que l'être -appelé Gine- qui fut et demeure inexprimablement pour moi le plus cher au monde, a fixé, chaque soir par la grâce même de notre Poète, de son regard de grande souffrance, avant que son âme n'aille rejoindre la Totalité de la Vérité dans la Lumière! Et tout cela n'est finalement que prière: Merci!
Eric Marchand est professeur au collège Louis Mauberret à La Mure, petite ville située non loin de La Salette:
"C'est le doigtd'une étoile
dans le rêve
des nuits
toutes de glace
et d'ombres
C'est l'étincelle
Pauvre
Dans le gel
De l'Espoir"
(Poème tiré du recueil d'Eric Marchand)
Référence du recueil :
La Salette
A la source des larmes
Editions C.L.C. 2004