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L'IMMOBILE ET LE MOUVANT

SUITE 1

 

Le Rivage et la Mer

 

 

NOTES

DANS

UN CERTAIN ORDRE

INACHEVE.

 

 

 

 

J'ai

célébré,

à travers

les ombres

et

les lumières

du Temps:

la Nature,

l'Homme,

l'Amitié,

l'Amour

et

Dieu; -

c'est-à-dire:

l'être

et

l'Etre!

 

 

Achevé

le

24 Septembre

2002

 

 

A

L'ETERNITE

DE

L'INSTANT.

 

 

Les mots me cherchent, et je les trouve.

 

L'art n'accroît pas le réel : il l'éternise.

 

Justesse du ton : cette étroite, indéfinissable et périlleuse ligne de crête entre le trop peu et le trop.

 

Le mot trop faible, c'est comme s'il n'atteignait pas la cible; le mot trop fort, c'est comme s'il dépassait la cible sans la toucher: ce qu'il faut, c'est le mot juste.

 

On ne maîtrise bien les mots que si l'on se met aussi nu devant eux qu'ils le sont devant nous; c'est-à-dire sans fard; avec un visage de la vie qui soit déjà celui de la mort, - en quoi seulement ce qui mérite de durer, s'éternise.

 

Très grand art : cette voix brisée bien que juste; juste bien que brisée : brisée parce que juste; juste parce que brisée.

 

L'art, comme la mort, est passage: c'est pour cela qu'il y a de la mort dans tout art.

 

Le miracle de l'art, c'est de rendre crédible ce qui ne le serait pas sans lui.

 

De la perpétuelle justification de l'écriture.

"Tout est déjà dit." - Oui, mais rien ne l'est définitivement qu'en Dieu.

 

X, en art, n'apporte rien - que le profondeur. - Que vous faut-il donc de plus - ou de moins?

 

La rigueur et la précision de l'écriture sont impitoyables en ce qu'elles ne permettent à la pensée aucune "échappatoire" autre que dans le sens d'un approfondissement absolu de leur objet; - le vague, au contraire, s'étend comme les eaux d'un marais trouble et peu profond où flottent, comme des herbes à demi ou totalement noyées, les éléments plus ou moins insaisissables et dispersés de la pensée.

 

Toute oeuvre d'art n'est qu'une expression fragmentaire autant qu'irrécusable de la totalité d'une réalité dont l'apparence du moins est appelée un jour à mourir.

 

Dans la mesure où toute beauté vient de Dieu et y retourne, il n'y a profondément de beauté que divine.

 

Qui touche à l'excellent, l'amoindrit.

 

Une matière sans forme se dissout dans l'air du temps comme une vie sans contours.

 

En art, tout ce qui n'est pas formellement clos sur une intériorité sans limite, est inachevé.

 

L'exaltation de la figure par l'exaltation de la matière à l'intérieur seulement de la figure!

 

Le mot qui sort de l'être et retourne à l'être rejoint Dieu dans la mesure où l'être même dont il sort ou qu'il rejoint, lui-même rejoint Dieu.

 

Tout cela qui flotte à la surface de la durée pour nous faire croire à l'éternité de ce qui meurt.

 

L'oeuvre d'art est une éternisation, par la beauté, de la mort.

 

L'art participe de ma foi dans la mesure où il me sauve de l'Impur.

 

L'avant-garde : ce qui retarde toujours le plus par rapport à ce qui ne meurt pas.

 

Qui veut épouser trop son temps, risque aussi de mourir avec lui.

 

L'important n'est pas d'exprimer son époque, mais de toujours tenter de la sauver.

 

Lu quelque part: "le non-sens aussi peut avoir un sens". - Oui: de mort.

 

La mort nourrit la vie qui nourrit la mort: la mort se nourrit de ce qu'elle crée, la vie de qu'elle tue.

 

Ta construction s'effondre: Dieu vient de la toucher précisément là où tu ne pouvais imaginer jamais qu'il la touchât.

 

Qu'est-ce que tout, si Dieu n'est rien?

 

Les veilleurs sont ceux qui empêchent les autres hommes de mourir.

 

"Ils ne savent pas ce qu'ils font, mais ils le font comme des dieux". Valéry.

Et ils en meurent comme des hommes.

 

Catherine Possi: "Toute chair est comme l'herbe...", - sur une tombe.

 

Père Guerric: "Elargir les murs du coeur et en brûler les meubles."

Faire en soi le plein du vide.

 

"La pureté naît d'un éclairage savant et inspiré de la matière". Docteur Augustin Jeanneau.

D'un éclairage d'âme.

 

Goethe à Eckermann: "Les poètes doivent être obscurs."

Non : transparents: - d'autant plus impénétrables que transparents.

Car, comme le dit admirablement Gustave Thibon: "La transparence seule est impénétrable".

 

Que de vies perdues dans une vie!

 

Brûler ce qui pourrait être profané!

 

Les arbres: ces doigts du vent!

 

L'eau, sur fond d'herbe, est transparente comme la lumière!

 

Les anémones : ces fleurs qui vous regardent comme si elles savaient qu'on les voit!

 

Qu'est-ce qu'une cime sans abîme? - Mais un abîme sans cime n'est qu'un gouffre!

 

Il n'est de vol d'oiseau qui ne conspire contre la mort!

 

Et les oiseaux volaient plus haut que mon désir vers un soleil qui n'avait pas de fin!

 

O froid: qui me sertis l'âme comme un diamant pur!

 

Ce ne sont pas les épines qui donnent du prix à la rose, mais la rose aux épines.

 

Ce qui est beau dans un ciel fermé, c'est l'échancrure!

 

Il n'y a pas de vent favorable ou défavorable pour celui qui ne sait pas où il va.

 

Pour réaliser quelque chose de grand, il faut être extrêmement "riche" ou parfaitement "nu".

 

Il y a des nudités qui dénudent ceux-là même qui les regardent.

 

Où va le vent, là aussi va la pensée; mais le coeur qui bat dans le vent, va beaucoup plus loin, lui, que le vent!

 

Vient un âge où tout ce qu'il nous reste à voir, est en nous.

 

Abstraire de la vision ce qui la détériore, afin que la sublimation de ce que l'on voit, soit totale.

 

Où est le corps, on ne peut pas dire qu'il n'y soit: quant à l'esprit, on ne sait jamais exactement où il est.

 

La gloire n'est qu'une écume, mais qui brille!

 

Comme les mouettes : voler contre le vent, en se laissant porter par lui.

 

Cette profonde berceuse de la mer, comme l'une des formes les plus bouleversantes de l'âme du temps!

 

Je viende voir un phalène absolument blanc, - qui ressemblait à de la mort.

 

La flamme ne survit que par la cendre.

 

Il n'y a que les couchants pour être aussi beaux que les aurores.

 

Quand personne ne marchera plus sur le chemin, il n'y aura plus de chemin.

 

Plonger au plus profond de ce qui fut, afin que le plus haut de ce qui doit être, soit.

 

Cet éternel soleil qui nous donne la vie en nous faisant croire à la mort, - et la mort en nous faisant croire à la vie!

 

La mer attire le songe, - comme les étoiles captent toute la lumière secrète de la nuit : une lumière d'autant plus réelle qu'on ne la voit pas.

 

La nuit ne l'emporte finalement jamais sur la lumière, - parce que les plus purs oiseaux de l'âme finissent toujours par voler infiniment plus haut que la nuit.

 

Infiniment pur ; qui laisse passer la lumière ou la réverbère infiniment!

 

Ne pas suffisamment garder sa pureté, c'est déjà l'avoir perdue.

 

Tout ce qui est pur - et veut le rester - a froid.

 

Du jour où la pureté n'a plus froid, elle meurt.

 

Ce n'est pas seulement parce que le pur est le plus fragile qu'il est le plus vulnérable, mais aussi parce qu'il est le plus exposé.

 

On ne peut pas dire que l'impur soit exposé au pur, mais bien que le pur se trouve constamment exposé à l'impur.

 

Le pur, tant qu'il reste pur, ne peut filtrer que le pur; le jour où le pur ne peut plus filtrer que le pur, c'est qu'il a cessé d'être pur.

 

Plus mon corps vieillit, plus rajeunit la mort en moi.

 

On est toujours plus ou moins esclaves - à défaut de quelqu'un - de quelque chose, ne serait-ce que de croire qu'on ne l'est pas.

 

Dévoré par ce qui m'habite, au point que ce qui m'habite soit plus moi que moi; - et comme si c'était alors moi qui dévorait moi!

 

L'inadvertance : l'une des plus constantes causes des inombrables avortements de l'univers.

 

Le bruit qu'ils font donne sans cesse aux hommes la rassurante impression d'exister, alors que l'on n'existe presque toujours véritablement qu'en raison inverse même du bruit que l'on fait.

 

DU DIALOGUE. - ce n'est pas parce que nous ne sommes pas d'accord sur tout que nous ne le sommes forcément sur rien.

 

"Il faut vivre avec son temps". - Oui, avec son propre - intérieur - temps.

 

L'homme court toujours comme après une ombre qui serait celle de son propre devenir et qu'il ne rattrape jamais que dans la mort.

 

On ne devient définitivement soi qu'en mourant.

 

Il n'est rien ici-bas qui vaille dont l'approfondissement ne vienne transfigurer les prémisses en les accomplissant.

 

Le plus proche est toujours aussi le plus blessé : l'onde de choc n'a jamais de plus grande intensité qu'en son centre.

 

C'est toujours l'âme de la forme qui sauve la forme de n'être jamais - sans elle - que la forme.

 

Les sculptures de Giacometti participent moins du vivant de la vie que de la fixité de la mort; une fixité semblable à celle de ces êtres brusquement saisis dans leur sommeil ou leur élan par un impitoyable feu tombé du ciel et que l'on a retirés des cendres refroidies d'Herculanum ou de Pompéï. - Mais tous les hommes ne sont pas pétrifiés par le Vésuve!

 

Parachèvement de l'inachevé : lot commun de l'humain.

 

La folie des hommes est de croire qu'ils dansent, - quand ils meurent!

 

Celui à qui la mort d'un être cher n'a rien appris, la vie non plus ne lui apprendra jamais rien.

 

L'essentiel d'un être : ce qui, en lui, ne meurt pas, - quand il meurt.

 

Le tragique d'une mort qui réduit le passé à n'être plus jamais qu'un éternel présent auquel on ne peut jamais plus rien changer!

 

La mort entre, le plus souvent, si insensiblement dans la vie qu'on ne se rend pas toujours exactement compte à quel point la vie elle-même entre insensiblement dans la mort.

 

Ne songe plus à toi : la mort y songe. - Ne te suffit-il donc pas déjà que la mort y songe?

 

Qu'attends-tu de la vie, sinon la mort; - et de la mort, sinon la Vie?

 

- Qui suis-je?

- Suis-je même?

 

La brisure du miroir multiplie les soleils.

 

L'éternité tient dans une goutte d'eau qui est une larme.

 

L'altitude est la seule profondeur à laquelle il vaille véritablement la peine de respirer.

 

La Soif : cette négation même du Hasard.

 

N'avoir soif que de ce qui ne désaltère ici-bas complètement jamais.

 

Parvenir à n'exprimer que l'ultime Soif de l'ultime Source - au sein de l'ultime Désert!

 

La Soif est l'ultime justification de la Source!

 Pour Gine

L'Amour est infiniment plus que l'Amour.

 

Aimer, c'est éterniser.

 

S'aimer, c'est n'être plus soi-même qu'ensemble - éternellement.

 

 Pas d'Amour sans douleur d'aimer.

 

Qui n'aime pas aussi, en Amour, la douleur d'aimer, n'aime pas d'Amour.

 

L'Ange est pareil au ciel épars

Dans le secret de Tes regards!

 

Je ne désire rien de Toi que Ta présence! -

Il n'est pire souffrance en moi que Ton absence!

 

Suprême cri de l'Amour: "J'ai soif de ta Source!"

 

Le Désert affine.

 

L'Inapaisable est sans repos.

 

De la lucidité mortelle des étoiles.

Ne dit-on pas que le terrestre destin de l'homme s'y trouve inscrit?

 

Il y a des Etoiles qui meurent avant la Nuit!

 

Je m'en vais vers la Mer, innocente et fragile,

Vers la Mer, en mon âme exsangue, comme une Ile!

 

Le Rivage est sans rivage où la Mer n'a pas de fin.

 

Ce Dieu, - qui demeure éternellement pour l'Homme à la fois le Rivage et la Mer, en Lequel le Rivage et la Mer ne font qu'Un.

 

Si Dieu n'habitait pas en moi, je ne serais nulle part.

 

On ne connaît la Vérité que par transparence.

 

Toujours repose un germe d'abîme dans l'altitude, comme d'altitude dans l'abîme.

 

Où la lumière non plus ne pourrait vivre, tu ne pourrais continuer longtemps toi-même d'exister.

 

Dieu ne peut ni devenir, ni n'être plus: il ne peut être qu'éternellement - ou jamais!

 

"L'Infini est central partout" (Barbey d'Aurevilly).

Et il n'est excentrique nulle part, parce que, pour l'infini, il n'y a pas de nulle part, et que, pour lui, le partout et le nulle part ne font qu'un.

 

On ne saisit pas l'Insaisissable, mais on est saisi par Lui.

 

Tout n'est pas Dieu, mais tout participe de Dieu, - qui est TOUT.

 

S'efforcer d'aimer toujours davantage et par-dessus tout l'infiniment inconnaissable en Dieu, pour ne pas risquer d'aimer Dieu jamais en l'idolâtrant.

 

Dieu: connu et inconnaissable; connaissable et inconnu.

C'est dans la seule mesure où Dieu est connu - et reconnu - comme inconnaissable qu'il est connu comme Dieu.

 

Puisque Dieu est à la fois tout et infiniment plus que tout; tout participe de Dieu et rien ne l'est.

 

Purifier sans cesse l'image que nous nous faisons de Dieu en nous, afin qu'elle ressemble de plus en plus à celle que Dieu se fait de Lui-même en Lui.

 

Dépasser toujours le réel imaginé pour atteindre - au-delà de l'imaginaire, à travers un réel non imaginé - le Réel Inimaginable!

 

Si loin d'un Dieu si proche de moi!

 

Dieu: cette Personne, sans laquelle personne n'est personne!

 

 

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19 à suivre.....