Interviews

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Le Choletais, N° 14, Janvier 1982

 

MAURICE COURANT EMINENT POETE CHOLETAIS

 

Le Choletais : M. Courant, qui êtes-vous?

M. Courant :

"Ainsi suis-je et ne suis-je pas:

Sous le couvert d'une apparence

Dont lentement dans le silence

En perpétuel trépas

Se désagrège l'existence,

Que la présence d'une absence

Où s'égare même mes pas".

Je suis un Vendéen de Cholet, de mère d'origine vendéenne. Mes grands-parents paternels étaient tisserands à Cholet. Je suis fier de mon terroir, père de famille, professionnel du négoce, mais par identité profonde, je reste avant tout un poète.

Le Choletais : M. Courant, pouvez-vous nous définir le terme Poésie, son but?

M. Courant : C'est à la Poésie que tend l'Homme.

Valéry disait : "Le Poète se consacre et se consomme donc à définir et à construire un langage dans le langage". Je n'écris qu'à partir du concret, pour pouvoir basculer ensuite dans l'Invisible.

L'Ecriture a pour but d'exorciser le Mal dans la part du Bien, qui se trouve enfoui en soi.

 

Le Choletais : Comment cette vocation vous est-elle venue?

M. Courant : Déjà à l'âge de neuf ans, j'écrivais. L'Ecriture est pour moi une manière d'être, une exigence de vivre.

Au lieu de devenir sculpteur, je me suis plongé dans ma seconde passion qu'est la Poésie.

Chaque soir, je dois m'isoler au minimum une demi-heure, pour "récupérer". L'Ecriture est au centre de ma vie. C'est une partie inhérente de mon Etre. La connaissance mot à mot n'est pas la seule existante, il faut aller au-delà de ce stade primaire. Le préssentiment est la seule forme de connaissance possible, et qui aille aussi loin dans l'impossible; pour arriver au sommet de la Poésie.

 

Le Choletais : Quelles sont vos sources d'inspiration?

M. Courant : La base de tous mes poèmes est le concret. Le poète que je suis, sauve le concret dans le seul espoir qu'il va se sauver lui-même; il se transfigure.

Tout est prétexte pour aller de l'être à l'Etre.

Mes principales sources peuvent se résumer à trois thèmes essentiels :

- la Mer (l'eau, sa fluidité, sa transparence joue un rôle dans ma poésie)

 

Océan...

"Océan soulevé décume

Et malmené par le vent fort,

Semblable au mal qui me sconsume,

Délivre-moi, quand je te hume,

Des folles vagues de la mort !"

 

- La Campagne, la Nature

Neige

"Nature, te voilà prise à ton propre piège,

D'un voile désormais le temps va s'obscurcir,

Et ce vent qui durcit ton visage de neige,

Aux chambres de la nuit t'emporte pour mourir..."

 

- Le Culte de l'Amour que je voue à ma Femme.

Unité

"Ton Amour est en moi comme je suis en lui ;

Nous ne sommes plus qu'un dans l'Amour de nous-mêmes."

 

"Nous ne respirons plus que pour dire : je T'aime,

En notre âme, en nos coeurs, le jour comme la nuit".

 

Le Choletais : comment peut-on caractériser votre poésie?

M. Courant : Ma poésie est d'inspiration chrétienne, elle est avant tout une mystique du désir de Dieu.

Dieu, l'amour, la nature, l'inquiétude de notre destin, l'effroi de la mort sont les thèmes majeurs de ma poésie.

Mes poèmes constituent un tout homogène, ma poédie tend vers une certaine perfection du langage. Ce qui la caractérise est la concision de ma pensée, aboutissant à une certaine sobriété de l'expression. Mes thèmes ne sont autres que la réflexion de ma pensée et de mon coeur d'un objet à l'autre, qui le sollicitent tour à tour, et mettent mon imagination à l'ouvrage. Semblable à un sculpteur, je choisis chaque mot avec soin, minutie pour une phraséologie optimum....

 

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A propos du recueil "Amare Doloris Amor" (1992)

 

CHOLET. - Un nouveau recueil de poèmes sur le thème de l'amour et de la lumière s'ajoute aux 16 qui ont valu déjà au poète choletais Maurice Courant un prix de l'Académie française et de la Maison de poésie, un grand prix international de Poésie et le grand prix des Poètes français pour l'ensemble de son oeuvre.

 

" Vous comptez à ce jour plus de 400 poèmes publiés, après la parution de votre dernier ouvrage "Amare Doloris Amor". Comment peut-on publier aujourd'hui de la poésie dans un monde qui y est en majeure partie fermé?

"Simplement parce lorsqu'on a porté longtemps en soi un recueil, il faut bien que je m'en débarrasse ainsi par cette naissance pour m'en libérer l'esprit et pouvoir travailler à d'autres poèmes".

 

"Pourquoi un titre latin?

"Parce que je voulais le mot Amor et une langue intemporelle en tête de poèmes qui se situent hors du temps. L'amour et la souffrance sont des sentiments universels. La forme latine Amare Doloris Amor se trouve déjà chez Virgile et les latins chrétiens des premiers siècles".

 

"Pourquoi liez-vous obligatoirement l'amour à la souffrance?

" Parce qu'on n'a jamais ici-bas que l'écume des choses, même les meilleures. Les êtres nous échappent et demeurent un mystère. Mais l'avenir est ouvert à tout ce que l'on ne peut connaître ici-bas et c'est une formidable promesse de lumière au-delà de la souffrance".

 

"Les plus grands critiques ont toujours salué dans vos poèmes la magie des mots. Pourquoi leur importance est-elle pour vous à ce point primordiale?"

" Parce que dans la poésie, le chant à l'oreille est majeur. Quand vous aimez une femme, vous exaltez ses qualités et vous atténuez ses défauts. C'est pareil avec la langue française. Il faut mettre en valeur le meilleur. Et être sans cesse à l'écoute des mots qui vous viennent, fruits d'une longue maturation interne. Sinon, ils fuient sans retour. Et on ne peut s'en libérer. Lécriture est une libération de tout ce qui s'agite en nous, transfiguré par les mots".

 

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