retour à la page d'accueil INSAISISSABLE
GM
A
nos
deux
Chiffres
enlacés.
Le seul songe qui soit à la hauteur des flots,
Est le songe abreuvé du rire des sanglots...
Un coup de sonde folle ! -
Et la mer à deux pas
Te dit la parabole
D'un songe qui s'envole
Et qui ne revient pas...
L'orbe n'est plus que lueur sombre
A l'horizon des soirs défaits ; -
Que reste-t-il des cieux sans nombre,
Des cieux sans nombre que j'aimais ?...
J'écoute en moi le coeur du monde
Battre en l'eau vive du torrent :
Il n'est de source si profonde
Que tout le ciel ne s'y confonde
Avec l'abîme en l'âme errant !...
La forêt verte se balance :
On croit que le soleil est bon ! -
Et brusquement, d'un coup de lance,
Le ciel vous blesse jusqu'au fond !
L'univers n'est que le Miroir
Où se reflètent tes yeux pers ; -
La mort te gagne, - et l'or vient choir
Au fond des songes que tu perds !
Le monde fuit devant mes pas ;
L'ombre s'approche à grande allure ;
Le jour à peine luit tout bas ;
Le vent se tait dans la voilure ; -
Et le soir tombe comme un glas !...
Si la pâleur de ton visage
Emplit d'un gouffre noir la nuit,
C'est que l'effroi qu'elle propage
Jusqu'au fond de ta propre image,
Provient de l'âme qui la fuit !
Ton pas s'enfonce dans le sable,
Comme tant d'autres ici-bas,
A peine d'eux reconnaissable ;
Et la lumière périssable
Mêle à sa flamme insaisissable
Celle-là même de tes pas !...
Tout sauvetage est inutile :
Les jours s'en vont sans discourir ; -
Et le vent fou de l'immobile
Etoile au fond d'un ciel tranquille,
N'empêche l'être de mourir !
Rien qui vaille, de ce qui vibre
Dans le regard des astres morts :
Comme en le tien, tout juste libre
De voir l'abîme que tu mords !
Lumière claire en l'âme noire !-
Que me veux-tu, frisson glacé
Qui désespère mon histoire,
Comme, au revers de toute gloire,
Un signe, au ciel, de mort tracé !
Où t'en vas-tu, pauvre âme en peine,
Dilapider tes biens perdus ?... -
Le fleuve roule dans la plaine
Jusqu'en la mer qui les entraîne,
Les jours divins qui ne sont plus !...
Le flot me dit : "Regarde-moi :
Ne suis-je pas, tout comme toi,
Formé d'une mouvance extrême ? -
Ma vague est chaude quand on l'aime
Et que le grand soleil est roi ;
A tous vents l'écume je sème :
Mais le fond de mon âme a froid ! "
La mort est là, qui te regarde,
Comme si tu n'existais pas ; -
Lorsque, pauvre âme, te poignardent
Tous les malheurs de l'ici-bas !
On ne peut vivre infiniment
Que de souffir malheur en soi :
La nuit pullule au firmament
A jamais d'astres morts de froids !
Tout s'arrête; rien ne remue;
Le passé tremble entre mes doigts ;
L'avenir est en pleine mue ;
Le temps se fige dans la nue :
L'éternité n'a plus de voix !
Poignard de l'heure au coeur du temps :
Pénètre-moi de pur outrage ;
Ravage-moi de sombre orage ; -
Ô Mort de tous les existants !
Peut-être l'âme est-elle folle
De se vouloir au sein de l'air
Pure comme est le souffle clair -
Et comme l'est toute parole
Qui va se perdre dans la mer !...
Tu peux mourir à mes regards,
Tu n'es dans l'ombre taciturne
Où se dispersent les hasards,
Jusqu'à la mer de toutes parts
Ouverte en l'âme comme une urne,
Que l'éclat pur d'un songe épars !
Le vent déracine les arbres,
Plonge au profond de ton désir,
Brise les tombes et les marbres :
Ouvre le ciel à l'avenir !
Ce n'est pas de croire à la mort
Qui t'a fait reconnaître Dieu, -
Mais, au fond de l'âme qui dort,
La naissance même du Feu !
L'arbre surgit dans la lumière
Où le temps même fait son nid !
Pleure, Tendresse!... La dernière
- Comme, en ton âme, la première-
Larme te vient de l'Infini !
J'irai vers l'Ombre qui m'appelle
De tout l'éclair de mon désir ! -
Je ne te serai pas rebelle,
Ombre de l'Ombre la plus belle,
Où toute l'âme, d'un coup d'aile,
Rêve d'aller s'évanouir !
S'en aller vers cette autre Mer
Où les vagues en l'air pullulent ;
Où tout Désir devient désert ;
Où l'Amour en la Mort se perd ; -
Mais où le coeur en l'Astre brûle !
A ce point même Insaisissable
Que ne retiennent mes dix doigts
De Toi sans fin qu'un peu de sable
Au fond de l'onde que je bois !