Poèmes

en attente d'un rêve

 

 

 O ma soif indocile!

 

O ma soif indocile! O ma tragique race!

O ma ténèbre folle! O mon jour calciné!

O ma sombre brûlure! O mon soleil de glace!

O ma gloire immortelle! O mon désir vanné!

O ma force immobile! O ma funeste trace!

O ce désert d'un songe à l'ombre condamné!

Par tout cela sur moi qui passe et qui repasse:

Que ne fus-je l'absent du jour où je suis né!

 


 

Tout me fuit…

 

Tout me fuit et s'enfuit et m'invite à le fuir;

Tout va se perdre en moi de ce qui me poursuit;

Ce qui nait; ce qui vit; et ce qui doit finir:

Comme étoile mortelle au centre de ma Nuit!

 


 

 Miroir

 

Quid? &endash; Devant moi,

Le Fou du Roi

Se meurt de froid!

 


 

Châtaigne

 

Tu ne peux pas savoir ce qu'est

La châtaigne vive dans l'arbre,

Quand le soleil met un reflet

- Tout comme s'il frappait un marbre

D'un pur rayon d'éternité -

Sur cette ardente rousseur d'ambre

Qui vous pique le doigt que cambre

Le brusque jet, en ce Novembre

Au rire fou qui se démembre, -

D'un peu de sang du bel été!

 


 

Sombres arbres...

 

Sombres arbres, vêtus d'innocente parure

Mais profonde à mourir au coeur d'un rêve fou,

Que me redites-vous qui ne soit d'ombre pure,

Quand le vent seulement incessamment murmure

Qu'il n'y a d'autre ivresse en l'âme qui perdure

Que celle qui nous vient d'un Dieu qui contient tout!

 


 

Désir!

 

Arbre vivant! Désir! Terrible force interne!

Tu navigues sans fin vers le sacré soleil!

Torse toujours tendu vers l'or d'un ciel pareil

A celui de mon pauvre coeur, -que l'ombre cerne,

A mesure pourtant qu'y plonge le sommeil!

 


 

L'arbre du soir

 

Arbre sur fond de l'Astre où saigne

En son transfiguré savoir

Cette Présence au pur miroir

Qui, promise à l'azur que baigne

L'or qui déjà s'y vient asseoir,

Sûre elle-même de son règne,

Sans que nulle âme l'y contraigne,

Jamais sur terre ne dédaigne

Inexprimablement d'y choir!

 


 

Ah! fantastiquement vivant...

 

Ah! fantastiquement vivant

Dans la lumière de l'orage,

Arbre, si fort, et soulevant

Tes branches folles d'âge en âge,

Te voilà défiant du vent

La sombre force et le carnage

Laissant autour de survivant

Que ta stature que n'outrage

Et brusquement que ne ravage

Rien qui dans l'âme va rêvant!

 


 

Ah! Qu'il ranime ta ramure...!

 

Ah! qu'il ranime ta ramure,

Ce vent léger qui souffle enfin

Du plus lointain de l'âme obscure

Où s'enracine ton destin -

Et draîne jusqu'aux feuilles neuves

Le sang profond d'un univers

Dont les mortelles saisons veuves

Nous endeuillaient de longs hivers!

 


 

Le chêne:

 

"Traverse-moi, mortelle force!

Toi dont s'inspire le vivant!...

Flagelle encor ma rude écorce,

Et, de ton devenir mouvant,

Que - sous l'orage dérivant

D'une ramure où va crevant

Ton souffle immense qui se corse -

S'enivre ma carcasse, vent !"

 


 

Hivernal

 

Un pâle rayon froid traverse la nuée,

Qui libère, dans l'air avide qu'elle boit,

La chaleur de mon être en tristesse muée; -

Tandis qu'un souffle épouvantable et fol glace d'effroi

- Comme s'ils frissonnaient aussi sous sa ruée

De se retrouver seuls à vivre en désarroi -

De grands arbres - à l'âme sombre - devant moi !

 


 

Cerisier-Rose

 

La sève en toi descend vers les abîmes

Où l'attirent sans fin les songes infinis, -

Pour une résurrection demain vers d'autres cimes,

A l'appel souverain des rires et des nids!...