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Elégie pour Gine

 

 

 

 

 A

Notre-Dame

de

Béhuard

 

GM

 

16 Aoùt 1936-24 Septembre 1945

L'Eternité

 

 

 

GINE :

- Pour moi, le temps, c'est Toi !

 

MOI :

- Pour moi, le temps, sans Toi, n'est rien !

Tu es mon Refuge d'Ame!

 

 

Je t'aime tellement et tellement en Dieu que si je ne Te retrouvais pas de l'autre côté de la Mort, je passerais mon éternité à Te chercher !

 

 

Ta soif mortelle est dans mes mains illuminées

Comme un flambeau vivant qui monte de ma Nuit !...

 

 

UN SEUL SOUFFLE...

 

Un seul souffle, parmi les roses enflammées,

Et les roses se sont toutes ensemble aimées !

 

*

 

Les yeux en disent plus que les lèvres humaines,

Si les âmes ne sont que de tendresse pleines ;

 

De même, en l'autrefois de nos âmes calmées,

De s'être, à l'instant même, infiniment aimées ;

 

Jusqu'à ce que dans l'air s'élevèrent nos voix

Qui se reconnaissaient pour la première fois ;

 

A cette heure si douce et mémorable alors

Où nos âmes étaient plus libres de nos corps, -

 

Du silence desquels pourtant sans se le dire

Nos âmes subissaient l'inexorable empire,

 

Et dont la survivance, en nos désirs épars,

Prolonge dans le temps le feu de nos regards.

 

O l'ineffable jour entre toutes les heures

Qui vinrent éclairer le fond de nos demeures, -

 

Avant que pour jamais dans l'or se précipite

De nous-mêmes cela toujours qui ressuscite

 

Et va se perdre au sein d'inexprimables cieux,

D'avoir su délivrer nos âmes par nos yeux !

 

Ainsi, sous le regard des astres dévorés

Par ces feux dont les cieux sont brusquement parés,

 

En la chaleur torride et claire d'un mois d'Août,

Ce favorable vent venu l'on ne sait d'où !

 

Ce fut à l'instant même où nous nous rencontrâmes,

Ce mutuel saisissement de nos deux âmes !

 

Tout s'abolit alors en moi de mes jours vains,

Lorsque jusqu'à mon âme infiniment tu vins !

 

Comme si ç'eût été de toute éternité

Que nous nous attendions à vivre un tel été !

 

Auprès de cette Vierge même, - où les flots verts

D'une roche jamais ne rongent l'univers !

 

Par la seule beauté de ton regard profond

Et dont je connaissais à peine encor le nom !

 

A cette heure docile, au fond des calmes cieux,

Où nos âmes enfin s'aimèrent par nos yeux

 

Et ne respiraient plus déjà sans le savoir

Que d'être seulement ensemble et de se voir !

 

*

 

Quand le fleuve emporta, d'un invisible cours,

Les tout premiers frémissements de nos Amours !

 

Nous ne fûmes qu'un seul en l'Etre avant de naître

Et de pouvoir sur terre enfin nous reconnaître !

 

-

 

Notre terrestre Amour à tous les vents jeté, -

Comme une barque frêle au coeur d'un bel été !

 

-

Nous nous sommes l'un l'autre en l'Ame reconnus, -

Comme de grands oiseaux dans l'Infini perdus !

 

-

 

Et nos âmes entre elles-mêmes s'appelèrent

Et nos propres prénoms célestes épelèrent !

 

Mon âme en Dieu déjà brûlait de te connaître

Infiniment avant que de te voir paraître, -

 

Quand sa flamme perdue au fond de tes regards

Précéda dans le temps la fuite des hasards !...

 

-

 

Je chanterai ton âme au fond du paysage

Où viendront s'abolir la mort et ce rivage

 

Où la vie et la mort sous le soleil remuent

Comme d'un éternelle et frémissante mue !

 

-

 

Quand je te vis, brûlante et fière et douce à voir,

Et telle qu'un soleil de feu dans un miroir,

 

Mon âme s'arrêta de respirer si fort

Que cela ressemblait peut-être à de la mort :

 

De celle seulement qui n'alimente en elle

Qu'un feu qui ne peut rendre l'âme qu'immortelle !

 

-

 

Comme un bel ouragan de flamme inextinguible,

Tu vins prendre mon âme avec mon coeur pour cible,

 

-

 

Et tout mon être alors par ce feu dévorant

Fut soudainement pris comme d'un feu qui prend !

 

De ton âme en mon âme un jour est descendu

Ce qui vint en sauver le paradis perdu !

 

-

 

Ce Noël - plus secret que le plus pur Nadir ! -

Où l'Etoile s'en vint dans l'âme resplendir

 

Des ineffables feux d'un si fatal Amour

Qu'il nous poindra le coeur jusqu'à la fin du Jour !

 

-

 

Rien ne nous étreignait, le soir, près du piano,

Comme d'entendre en nous Mozart et Kénavo, -

 

Et cette Magali - si follement brûlante

Qu'elle emportait notre âme au coeur de sa tourmente!...

 

-

 

La glycine, de flamme ardente, nous grisait

D'un parfum que jamais notre âme n'épuisait,

 

Sous la vaste tonnelle où le magnolia

Secrètement nos mains dans l'ombre nous lia ; -

 

Tandis que les Lilas vivants de la mémoire

S'engouffraient dans notre âme, - au point de n'y pas croire !

 

Ce balcon - comme l'Autre ! - où tu t'en vins souvent

Me regarder passer en songe, sous l'auvent !

 

Il suffisait alors soudainement d'entendre

S'élever la musique inexprimable et tendre

 

Pour savoir qu'en secret ton âme regardait

Monter vers toi celui dans l'ombre qui t'aimait !

 

O douceur en soi-même encore de surprendre

Cela dont seul le coeur ne se peut pas déprendre !

 

Te souvient-il des mots que nous ne sûmes dire

Et qui nous retenaient pourtant sous leur empire,

 

Tellement ils gonflaient nos coeurs éperdûment

De tout ce qui fait vivre l'âme d'un amant

 

Et l'empêche d'aller comme un fleuve d'eau vive

Battre de son flot pur le flot d'une autre rive

 

Et qui ne serait celle, en son désir profond,

Où l'âme avec l'autre âme, - en l'Ame !, - se confond !

 

Ah! que mon vers se fasse à tous les vents l'écho

De tout ce qui suivit le cours d'un calme flot,

 

Et qu'il s'en aille au gré de la mémoire folle

De tout ce qui retient encore ma parole, -

 

Vers on ne sait quel Songe inexprimable et clair

Où l'amour en l'Amour infiniment se perd !

 

 

 

LE VENT DU NORD...

 

Le Vent du Nord descend des polaires espaces

Et passe comme un glaive d'ombre sur nos faces !

 

-

 

O ces terribles feux de la terrible cime

D'un soleil qui plongeait notre âme dans l'abîme, -

 

Quand l'orage roula si fort au fond des airs

Qu'il nous brisa le coeur au sein des Univers !

 

-

 

Quel glaive nous sépare en deux comme une amande

Et livre sa fraîcheur au feu qui la demande, -

 

Et brise en même temps le précieux secret

Qui d'un Mal jusqu'alors toujours nous délivrait !

 

-

 

Rien ne résistait plus au roulement de mort

Qui déferla sur nous comme la mer au port

 

Et submergea la terre et l'onde d'un tel drame

Que nous ne savions plus quoi faire de notre âme !

 

-

 

Et le ciel s'étendit sur nous comme un linceul

Qui ne laissait au coeur le choix que d'être seul ! -

 

Et la Nuit descendit sur notre Amour vivant

Comme un grand Feu de Forge folle dans le Vent !

 

Mais voici que du fond des gouffres de l'Abîme, -

Comme d'un souffle enfin qui tout le Mal décime,

 

La Colère a glacé le vent des Etendards

Que déployait au ciel la vague des Hasards !

 

Et ce fut l'éclaircie après la longue attente,

Et comme une trouée au coeur de la tourmente,

 

Et le feu s'apaisa qui transformait la mer

Et le ciel et la terre en un brasier d'enfer,

 

Et le Soleil, d'un coup de flamme revenue,

S'engouffra, de nouveau, dans l'immensité nue !

 

 

TA PRESENCE À JAMAIS...

 

Ta Présence à jamais devant mes yeux épars

A travers le silence fou de tes regards, -

 

Et ton âme semblable à ce feu dévorant

Où je m'en allais boire en mon exil errant !

 

-

 

Et rien ne ressemblait alors au flot mouvant

D'un rêve à la dérive et qu'emportait le vent,-

 

Si loin de notre coeur et de son fol désir

Que nous ne parvenions jamais à le saisir !

 

-

 

O ce Printemps, parmi les roses renaissantes,

Et jaillissant du coeur de larmes si puissantes

 

Que de les voir ainsi dans le soleil jaillir

Ne pouvait que porter notre âme à défaillir !

 

-

 

O Vivante, ô pareille à Celle qui jamais

Ne fut que celle-là sans cesse que j'aimais !

 

O tendresse par l'âme en l'âme retrouvée

D'avoir par l'âme été si longuement rêvée !

 

Lorsque l'âme se penche au bord divin des larmes

Pour y puiser l'éclat de ses ultimes charmes, -

 

L'inexprimable Amour en elle infiniment

Se répand comme un baume ou comme un sacrement !

 

-

 

Ta Blancheur éclatante en la Blancheur du Jour

Couronna de Blancheur le coeur de notre Amour, -

 

Et fit briller si fort en nous de le savoir

L'Anneau qui nous liait comme dans un miroir !

 

-

 

Nous nous sommes rejoints dans l'Identité pure

Qui devait pour jamais former notre Figure

 

Et nous précipiter ensemble en la Clarté

D'un Dieu qui nous aimait de toute Eternité !

 

Adorable Visage où le ciel pur se perd

Comme dans l'Océan les astres de la mer !

 

O Rupture ! O Silence d'astre inaccessible

Où le temps prit pour nous l'éternité pour cible !

 

-

 

Sans même que nulle Ombre, en nos destins scellés,

Ne puisse qu'ils ne soient d'ivresse constellés, -

 

A cette heure où, parmi celles dont nous rêvâmes,

Ne furent plus qu'une âme entre elles nos deux âmes !

 

-

 

Innombrable regard en ce regard Lui-même

Qui nous blesse la coeur ainsi qu'un Diadème

 

Et ressuscite en nous ce feu qui dévorait

Le pur Commencement des Astres en secret !

 

-

 

Dans le frémissement doré d'une Altitude

Où nulle Mer jamais aucune Soif n'élude

 

Et ne brise le Songe en elle qui dorait

Les profonds mouvements d'un Ciel qu'elle adorait !

 

-

 

O Plénitude où rien de ce qui meurt n'arrive

A détourner enfin le Fleuve de sa rive

 

Et de faire que le feu que l'âme porte en soi

D'irrésistible Force et d'ineffable Emoi

 

Et de si folle Flamme d'Astre en désarroi

Qu'il nous tient à jamais dociles sous sa loi, -

 

N'aille se perdre au coeur du tendre Coeur du Roi !

 

 

SOLITAIRES, PARMI LES RIVES...

 

On croit étreindre enfin l'espace dans ses bras, -

Et le bonheur qui vient se meurt à chaque pas !

 

O Douceur et Douleur que l'on ne peut pas dire,

De l'abîme infini de tout ce qui respire !... -

 

O Douleur éternelle au coeur des retrouvailles

Et qui nous prit à bras le corps jusqu'aux entrailles !

 

-

 

La Douleur est entrée en notre Amour Vivant, -

Comme de l'Ouragan s'engouffre en nous le vent !

 

*

 

Solitaires, parmi les rives de la nuit,

Où l'espace fuyait comme le temps qui fuit,

 

A la fin de ce Jour unique entre les jours

Que nous rêvions de vivre au coeur de nos Amours,

 

Cette fuite en avant, Tous Deux, dans la nuit noire,

Pour le commencement de notre propre histoire, -

 

Lorsque l'Ombre soudain faisait déjà frémir

Les feux précipités en nous de l'avenir !

 

***

 

Ah! par delà cette heure folle qui s'enfuit

Et le mortel soleil qui brûle dans la nuit,

 

Et cette soif de vivre immense du Malheur

Quand il s'en vient étreindre l'âme avec le coeur,

 

A jamais, mon Amour, dans l'or qui ressuscite

Le plus profond soleil des songes dans sa fuite, -

 

Comme un feu rayonnant qui brille sur la mer,

Retrouver de notre âme en l'Ame le feu clair !

 

 

 

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 L'ETINCELANTE MER...

 

L'étincellante mer où la mer boit

Toute l´ombre qui tremble infiniment en toi,

 

N'en finira jamais de dire et de redire

Quelle force en ton âme, ô mon Amour, l'inspire

 

Et fait trembler l'orage au loin qui ne sait pas

Qhel merveilleux soleil brille en ton coeur tout bas !

 

 

 

Pas seulement une ombre en ton visage offert

Au perpétuel songe immense de la mer !...

 

*

 

Lisse, ton âme est lisse, et nul funeste feu

N'est venu seulement l'effleurer même un peu...

 

*

 

Depuis que je persiste à croire en notre étoile,

C'est sous la même flamme en nous, la mème voile !...

 

*

 

Par la procession navrante des marées,

Nos Amours vers le Nord sans bornes démarrées ; -

 

Où la Polaire Etoile à tous les vents

Attire infiniment nos rêves de vivants 1...

 

*

 

Un seul oiseau volant dans le ciel presque noir

Témoigne, avant la nuit, des derniers feux du soir 1

 

Plonge ton âme même en mon âme éperdue

Pour mieux y retrouver l'eau vive qui t'a bue -----

 

Et je ne cesserai, tant que mon coeur vivra,

De chercher de ton âme en mon désert l'aura -------

 

De cette âme pareille à l'eau de la fontaine

Et dont l'âme revient toute de larmes pleine ! -

 

Car les rives du temps sont telles que jamais

Je ne retrouverai les heures que j'aimais,

 

Sinon, dans ma mémoire, aveugle, comme un fou,

Dans ces larmes qui m'ont brisé le coeur d'un coup !

 

Ta soif si longuement palpite au coeur des nuits

Que j'y viens boire un peu comme de l'eau d'un puits ; -

 

Comme de l'eau d'un puits où je m'en viendrais boire

Pour en conserver mieux en l'âme la mémoire,

 

Et ne devenir plus, dans le ciel calme et clair,

Qu'un grand soleil qui meurt de soif dans le désert !

 

 

 

La houle qui nous vient du fond de l'ocèan,

Est pleine de la force immense du néant,

 

Mais le mortel désir qui peuple l'univers,

Apporte dans nos coeurs aussi de grands flots verts ;

 

Et le rêve qui flotte à la cime des pins,

Emporte l'âme vive aux plus secrets lointains.

 

Il n'est de source égale à celle, en toute chair,

Qui jaillit au secret du plus secret désert ;

 

Même ce qui persiste en l'âme la plus triste

N'est rien si le soleil en son désert n'existe, -

 

Et la douleur qui monte en notre coeur mortel

N'est jamais que le gage, en nous de l'éternel !

 

 

 

LES SOLEILS EPERDUS...

 

Créve, le cri mortel de ton silence amer,

L'espace vulnérable, - en l'âme, - de ma chair !

 

Sous un vol traversé d'un vol de cormorans, -

Vers ta lèvre adorable et tendre, je me rends !

 

Le jour léger montait des rives indécises, -

Et nos âmes flottaient en nous comme des brises !...

 

Couvert d'ombre et de mer et d'algue murmurante,

Ton souffle, ô mon Amour, jusqu'en mon âme errante 1...

 

Tu t'es plongée en moi comme la mer le fleuve

Que vient de recevoir la vague toute neuve !...

 

La mer ! la mer toujours ! avec son geste triste !

La mer, avec ses feux, - dans l'ombre, - d'améthyste !

 

La douleur se propage en ton désir profond, -

Comme, en l'immense mer, une lame de fond 1...

 

Et la mer scintillait à l'ombre du meilleur

Et plus irrévélé secret de notre coeur !

 

Le soir s'infléchit sur la mer dormante :

Quel Coeur en ton coeur d'Astre se tourmente ?

 

Du grand pin parasol la belle architecture

Figure de notre âme, en songe, l'envergure !...

 

Si vive était la mer au coeur de ton désir

Que la vague y brillait avant que d'y mourir !...

 

Oh 1 ce jour effrayant de lucidité pure, -

Où le coeur avec l'or des astres se mesure !

 

Ton silence me berce ainsi qu'un Océan

Qui me délivrerait des rives du néant !

 

Si ta lèvre parfaite exige qu'on l'admire, -

C'est que l'Âme à travers ses flammes y respire !

 

Solitaire et secrète au point de ne pouvoir

Que te perdre toi-même au fond de ton miroir !

 

Le sombre du regard fait luire tes atours, -

Comme l'ombre parfaite au regard clair des jours !

 

Par-delà le flot pur d'un jour qui nous regarde,

Vivre et survivre ainsi qu'un grand soleil qui tarde !

 

Plus profond que la mer et que la solitude :

Notre Amour, - que la Mort ni le Soleil n'éludent !

 

Que serais-je sans toi sur terre devenu,

Dans l'effrayant désert de mon silence nu ?...

 

Je ne cherche que l'ombre où te regarder vivre

Me remplit du soleil des songes qui m'enivrent !

 

Rien ne demeure plus de nos désirs passés

Que des soleils, en nous, de songes traversés !

 

Si le songe abolit l'espace clair des jours,

C'est que le plus jamais s'y mêle au seul toujours!

 

 

 

 

Le vent léger qui glisse et brille au coeur de l'herbe,

Te rend, comme elle aussi, dans le soleil, superbe !

 

Redis-moi le bonheur et la douleur ensemble

De ce coeur qui s'en va trembler dans l'or qui tremble !...

 

Ton regard n'est jamais pour moi que le miroir

En lequel j'ai cessé de seulement me voir !

 

Ah ! que brille sans cesse en l'or de tes prunelles

L'immortelle clarté des choses éternelles, -

 

De celles dont on sait que l'on ne peut guérir,

Tellement elles sauvent l'âme de mourir !...

 

Si tu n'avais été celle que j'attendais,

Serais-je devenu ce que je fus, - jamais ?

 

Belle de n'être rien jamais sans le savoir

Que profonde à s'y perdre au coeur de ton miroir !

 

Et l'été passera comme les roses passent, -

Sans que ne puisse même l'âme crier grâce !...

 

Et j'aimais follement ton âme sans savoir

Quelle ivresse viendrait avec les feux du soir !...

 

Ton calme et tendre corps incessamment s'apaise, -

Comme le coeur de l'eau dans l'or de la fournaise !

 

Tu regardes le ciel mourir en tes yeux las, -

Toi qu'il me fut donné de prendre entre mes bras !...

 

Aimons-nous ! Aimons-nous ! J'ai hâte de savoir

Si le plus tendre jour suit le plus tendre soir !

 

Ah ! par-delà le fil secret de l'aventure

Qui nous mène des Jours de gloire à la Nuit pure,

 

Qu'il franchisse le seuil où vient mourir le jour, -

Le Jour prédestiné de notre propre Amour !...

 

 

O DESIRABLE SOIF ...

 

O désirable soif de l'âme où s'éternise

Le mouvement profond du Songe qui la brise !

 

Ah ! le silence clair du ciel dans les roseaux

Que vient battre l'espoir léger des calmes eaux !

 

Tu viens détruire en moi l'essence de mes jours,

Ciel où l'éternité se mêle à mes Amours !

 

Que dirai-je de toi, le jour où le jour meurt,

O mon Amour, si proche encore de mon coeur !

 

Tout m'échappe de toi, malgré mon amour même, -

Sauf pourtant de savoir que seulement je t'aime !

 

Ah ! si m'échappe, ainsi qu'un fleuve de sa rive,

Ta soif, que reste-t-il en moi jamais qui vive ?

 

Comme une ombre vivante au bord des cieux glacés ! -

Nos songes brusquement aux gouffres enlacés ! -

 

O Tendresse de l'âme ! O Transparence pure !

O Visage qu'un Ciel de Flamme tranfigure !

 

Il n'est plus dans mon coeur comme dans mon vouloir

De pouvoir un seul jour survivre sans te voir

 

Et ne savoir de toi que l'Astre sans pareil

De Cela dans lequel se mire le Soleil !

 

Soulevé par le flot mouvant de nos désirs,

Je t'apporte la mer immense des soupirs !

 

Le feuillage s'émeut du feu de ton regard :

Toi, que le vent traverse aussi de toutes part !

 

Tout ce feu qui me vient de l'ombre à travers toi

Et que le clair soleil regarde vivre en moi !

 

Le seul profond discours qui règne sur mes voeux

Est celui qui te mène aux songes que tu veux...

 

Il ne reste plus rien pour nous que de savoir

Si le jour pour toujours se meurt avec le soir !

 

Les soleils endormis dans nos silences froids

Se réchauffent au feu des songes d'autrefois !

 

Plus le rivage fuit, plus le désir s'accroît

De renaître en des lieux que l'àme seule voit.

 

S'inquiète de toi mon âme sans retour -

De la première aurore aux derniers feux du jour !

 

Par la dune où les herbes folles se font rares,

Dis-moi quel est le Songe, Amour, où tu m'ègares !...

 

Ah ! que vienne le Songe en nous qui nous délivre

De ne pouvoir jamais à toute mort survivre !

 

Le Visage adoré de l'être insaisissable

Laisse, comme la mer, sa trace sur le sable !...

 

Uns sérénité brûlante et douloureuse

S'empara de notre âme ardente d'être heureuse !

 

Nous dormirons sur terre ensemble, demi-dieux,

Et nous nous souviendrons, quand nous serons aux cieux !

 

Sur le bord du désert où le désir se meurt,

Quelle force surgit vivante de ton coeur ?...

 

Tu m'as sauvé du Mal et du Malheur ensemble

Par cette pureté dans ton ciel clair qui tremble !

 

A travers l'ombre errante où le soleil vient choir,

Il n'est d'autre désir en moi que de te voir !

 

Et le soleil perdu dans le désert des jours

Ressurgira toujours au coeur de nos Amours !

 

Le malheur s'est glissé jusqu'en ce coeur de toi

Où ne respirait plus que Dieu Lui-même - et moi !

 

Le devenir s'accroît en nous de ce qui meurt

Et nous forme à jamais d'impérissable coeur !

 

La femme resplendit dans le ciel clair d'été

Comme un épi mûri rayonne de beauté !

 

 

LE SILENCE DES NUITS...

 

Sur le royal sommeil où tu te réfugies,

Mon Amour veille ainsi qu'un peuple de vigies !

 

Comme pleure le songe au coeur des nuits perdues, -

Nos âmes dans la nuit, tremblantes d'ètre nues !

 

S'enfoncer dans la nuit vivante d'ètre brêve, -

Comme dans l'abandon tumultueux d'un rêve !...

 

Le silence des nuits emplit le coeur des jours

Où s'en viennent se perdre en l'âme nos Amours !

 

La solitaire nuit pénètre l'âme ardente

Comme l'éclair d'un ciel au coeur de la tourmente !

 

Les tourments de la nuit ravagent ton visage

Et l'emplissent des songes d'ombre de l'orage !

 

A travers l'existence folle de la nuit, -

L'ombre, l'ombre, à jamais, dans ton regard, qui fuit !...

 

Dans le cristal des nuits ton pur regard respire

L'altitude et l'abîme en toi que je désire !...

 

Et rien ne nous étreint comme l'éclair d'un songe

Qui de l'ardente nuit dans l'âme se prolonge !...

 

De ton souffle en la nuit le moindre mouvement

Exalte ma tendresse et cause mon tourment !

 

Ta seule âme égarée au coeur du temps qui fuit

Brille comme le ciel des astres dans la nuit !

 

O Nuit resplendissante ! O souverain mystère

De la suprême Soif de l'être sur la terre !...

 

Ton souffle près de moi traverse le silence

De la nuit que remplit ton adorable absence !

 

Dans la splendeur des jours comme en la calme nuit,

Ton silence sans cesse en mon silence bruit !

 

Que la nuit sera longue où j'écouterai bruire

De l'état de ton coeur ce qui viendra m'instruire !

 

Tu respires, la nuit, comme si l'ombre même

Murmurait en secret qur la lumière t'aime !

 

Vois de la seule nuit jaillir notre espérance :

Est-il jamais d'Amour en nous sans la souffrance ?

 

Tellement le soleil emplit le coeur des nuits

Que notre propre Amour brille dans l'or des fruits !

 

Ton réveil est pareil à ces métamorphoses

De la Lumière nouvelle au coeur mortel des choses !

 

 

 

L'AME ET LE HASARD

 

La splendeur de ton àme à mes yeux révélée :

Comme un feu qui s'éprend de la lumiére ailée !...

 

 

Plus je plonge mon âme au fond de tes regards,

Plus m'apparaît la fuite, en l'âme, des hasards !

 

*

 

Je hèle aprés ton âme ainsi qu'un feu vivant

Qui prendrait dans mon âme au souffle clair du vent !

 

Saurai-je infiniment te dire et te redire

Qu'il n'est que l'indicible en toi que je désire !

 

Connaîtrai-je ici-bas l'essence de ton âme

Au point de n'en saisir que le désert de flamme ?

 

Ah ! ne désirer rien en toi que de pouvoir

Saisir ce qui palpite d'âme dans le noir !...

 

Comme autrefois, ton âme, au-delà du désir,

Aurai-je encore assez d´âme pour la saisir !

 

Ton âme infiniment m'échappe à cet instant

Où je ne rêve rien que de l'étreindre tant !

 

_

 

Comme tremble la mer entre les pins épars, -

Ainsi ton âme même au fond de tes regards !

 

Et ton âme n'est rien qu'un souffle au gré du vent

Qui vient battre la mer sous le soleil levant !

 

Ta seule âme égarée au coeur du temps qui fuit

Brille comme le ciel des astres dans la nuit !

 

Je plonge dans ton âme et me regarde en elle

Comme dans un miroir à toute mort rebelle !

 

Le matin s'ensoleille au gré du flot berceur

Où mon âme vient boire à l'âme de ton coeur !

 

_

 

Sur les rives du temps où le temps seul dérive,

De ton âme saisir l'éternité captive !

 

Mon adorable Amour, au coeur mortel du temps,

C'est ton âme toujours, dans l'ombre que j'attends !

 

A te regarder vivre en mon âme éperdue, -

C'est ton âme elle-même, en moi qui m'est rendue !

 

Plus je poursuis ton âme insaisissable en l'ombre,

Plus dans un clair soleil d'ivresse d'or, je sombre !

 

Peut-être qu'au-delà de la nuit ténébreuse,

Mon âme enfin saura rendre ton âme heureuse !

 

Et ton âme et la mienne ensemble, semblent-elles

Ne pouvoir devenir, ensemble qu'immortelles ?

 

_

 

Je n'ai soif de t'avoir encore en l'ombre claire

Que pour mieux de ton àme étreindre le mystère !

 

Par-delà le soleil des jours dont tu rêvas, -

Ton âme seulement, - vivante ! - entre mes bras !

 

*

 

Si ton âme n'était que l'âme d'un Hasard, -

Je ne trouverais pas le Ciel en ton regard !

 

 

AMOUR

 

O désir plus brûlant que l'âme du Désert

Et plus fort que les vagues même de la mer !

 

Ton Désir a parfois le mouvement des vagues

Et ces feux éclatants qui brillent à tes bagues !

 

L'insaisissable feu qui court en notre sang

Du seul commencement de l'Univers descend !

 

Ton regard a pour moi ces feux de diamant

Que l'âme ardente porte au coeur de son Amant !

 

_

 

Le silence des yeux a ce pouvoir puissant

De nous révéler mieux l'intime flux du sang !

 

J'aurai mûri ton sang dans mes veines si folles

De t'aimer qu'en mon sang se figent mes paroles !

 

Je t'enserre en mes bras de certitude ardente, -

Toi dont la flamme en moi rend l'âme si brûlante !...

 

_

 

Le feu qui nous vint prendre l'âme avec le corps

Nous laissa moins vivants certaines fois que morts !

 

Sentir le corps frémir à la prière ardente

De l'âme prise au jeu du feu qui la tourmente !

 

Comme un feu prisonnier des gouffres de la mer, -

Ton âme jusqu'au fond des gouffres de ma chair !

 

Si la chair en son sein des flammes enprisonne,

L'âme elle-même brûle en nous, - comme en personne !

 

_

 

Le soleil éperdu s'abîme dans la mer :

Comme mon propre Amour lui-même dans ta chair !

 

Et notre chair profonde en l'âme se répand

Comme dans la forêt un feu secret qui prend ! -

 

Et comme si la chair en l'âme révélait

Quelque chose du coeur des astres en secret !

 

-

 

Quel rêve encore possible, ô mon Amour désert,

Quand l'âme, au fond de toute ultime chair, se perd ?

 

 

 

***

 

Je te porte en moi comme un feu vivant

Que n'emporteront la Mort ni le Vent !

 

-

 

Monte vers l'horizon vivace du Désir,

Flamme qui ne survit que de s'inassouvir !

 

-

 

Ton coeur brûlait pour moi de telle flamme ardente

Que mon coeur ne pouvait que t'appeler Amante !

 

_

 

Les feux que l'on allume au loin dans le désert

Ressemblent à ceux-là qui brûlent dans la chair :

 

Rien ne les fait trembler comme l'obscur désir

De en vivre jamais qu'à force d'en mourir !

 

_

 

Admirable beauté, qu'une fureur de vivre

Rend, dans le sombre soir, d'une couleur de cuivre !

 

S'il n'est de songe en toi dont mes nocturnes mains

N'aient longuement sondé les fleuves souterrains,

 

C'est l'éternité traverse le rivage

Où nous mènent les feux de notre Amour sans âge

 

Et que sa force en nous palpite dans la chair

Comme la source même au centre du désert !

 

_

 

O Beauté brusquement dans sa splendeur native, -

Qund les flots de la mer arrivent sur sa rive

 

Et que de l'Océan, de toute sa fureur,

Le flot tumultueux déferle dans son coeur !...

 

-

 

Jusqu'à ce mouvement des mouvements du sang

Qui laissent un sillage - au ciel - resplendissant :

 

Comme une plage immense où la mer se retire

Après en avoir fait son adorable empire !...

 

_

 

Je t'embrasse par l'àme et le corps éperdu,

Jusqu'à ton Coeur, - en ton coeur, - du Paradis perdu !

 

 

BEATRICE

 

Que seraient devenus, sans ta brûlante ardeur,

Les mouvements de gouffre d'ombre de mon coeur ?...

 

*

 

Le soleil de ton âme un jour, comme un feu clair,

Traversa de mon propre gouffre le désert, -

 

 

Et sauva d'un désastre d'ombre inexprimable

Ma pauvre trace d'âme errante sur le sable ...

 

*

 

Tu vis au fond de moi comme personne au monde,

Comme le gouffre au fond de l'eau la plus profonde,

 

Tellement il n'est rien en mon fragile espace

Qui ne vienne de toi sans y laisser de trace

 

Et n'y fasse surgir le signe sans pareil

De ce qui meurt de vivre au centre du Soleil !

 

Ah ! regarde à l'entour des feux dont tu rêvas, -

Celle-là que tu tiens encore dans tes bras !

 

Il n'est rien qui ne soit plus fort que le désir

De survivre à la mort de ce qui doit mourir,

 

Lorsque tout ressuscite en nous de ce qui meurt

A chaque instant djà de notre pauvre coeur

 

Et livre à nos regards ce feu qui dévorait

Cela qui justement dans l'âme se mourait !

 

De quel gouffre éternel insaisissable en l'âme

N'auras-tu pas sauvé mon être un jour, ô Femme !

 

Lorsque l'àme tremblante au fil des vents épars

Semblait n'ètre jamais le jeu que des hasards

 

Et que l'esprit lui-même en l'âme s'égarait

Devant le gouffre immense, en elle, qui s'ouvrait, -

 

Comme s'ouvre l'abîme en l'âme de la cime

Qui ne resplendit plus que par son seul abîme

 

Et ne se sauve alors que par l'éclair d'un Jour

Qui resplendit sans fin des feux du seul Amour !

 

Il n'est rien que le temps pour nous guérir des jours

Qui viennent s'embaser du feu de nos Amours

 

Et faire que cela que l'on croyait vivant

Ne passe comme un souffle en le désert du vent, -

 

Car le temps porte en lui toutes les amertumes

Du sombre mouvement des vagues que nous fumes

 

Et peut ainsi briser ces rêves d'autrefois

Qui nous laissaient pourtant l'âme et le coeur sans voix !

 

*

 

Ah ! qu'est-ce que Cela qui plonge dans le noir

Avant l'ultime feu de son ultime espoir

 

Et sans que l'on ne puisse un seul instant savoir

Ce qu'il en adviendrait de vivre jusqu'au soir ?...

 

Immortelle, à jamais, au centre de l'Idée,

Et par le seul Soleil infiniment guidée,

 

Par cette folle mort dont la terrible flamme

L'a prise en la tendresse encore de son âme,

 

Béatrice ne fut que ce qu'en a fait Dante,

Que ce que Dante a fait du coeur de son Amante, -

 

Mais toi, mon tendre Amour, au fil des jours meurtris

Et traversés de tant de larmes et de cris,

 

Et d'ivresse mortelle au coeur des mortels jours,

Lorsque le temps vivant nous brise dans son cours

 

Et nous livre au reflux des qrdentes marées

Auxquelles se trouvaient nos âmes amarrées,

 

Que n'aura-t-il fallu de force à ta chère âme

Pour soutenir des jours l'insoutenable flamme

 

Et sauver de ce temps de fièvre et de fureur

Ce qui faisait toujours battre d'Amour ton coeur !

 

*

 

Je n'oublierai jamais, jusqu'en mon être ultime,

Comme il n'est de soleil si pur que sur la cime, -

 

Que tu m'as quelque jour, d'un mouvement sublime,

Sauvé du gouffre et l'âme de l'abîme !

 

 

SI J'AI BLESSÉ TON AME...

 

O Toi, qui ne m'es rien que ce par quoi j'existe

Et par quoi dans mon âme infiniment persiste

 

Ce même feu qui vient détruire à chaque instant

Ce qui meurt de vivre au coeur de l'existant ! -

 

-

 

Si j'ai blessé ton âme au-delà du désir,

C'est que peut-être alors la force de mourir

 

L'emportait dans mon âme au point que nul détour

N' y venait consacrer les feux de mon Amour !

 

_

 

Je demande à ton âme infiniment présente

Le pardon que je dois au coeur de mon Amante, -

 

Si je n'ai su donner comme je l'aurais dû

Ce coeur mème où son coeur lui-même s'est perdu !

 

-

 

J'arrache au temps mortel les immortelles flammes

Qui faisaient se lever la gloire dans nos àmes

 

Et délivraient nos coeurs de ces mortels destins

Que les mortels soleils déversent dans nos mains !

 

-

 

Le soleil qui s'en vient mordre l'Automne pure

Illumine d'un ciel sans ombre ta figure

 

Et plonge au plus secret de ton plus clair regard

Cette absence de Mort en Toi, - de toute part !

 

-

 

Ah ! sentir, par la gràce extrême de ton être,

Mon être d'un seul coup sous le soleil renaître

 

 

Et dépasser la mort dans ce qui ne meurt pas

De cependant mourir de vivre à chaque pas !

 

-

 

Et qu'elle aille se perdre en la cime des Cieux,

Cette fleur de soleil qui brille dans tes yeux, -

 

Afin qu'il ne soit rien, dans le désert du froid,,

Que le Ciel pour sauver le Soleil clair du Roi !

 

 

 

MEME LES GRANDS OISEAUX:::

 

Nous ne fûmes jamais sous le regard des vents,

Que deux songes épris de rêves émouvants !

 

Et le désir se meut dans le désert du soir

Comme si nous n'etions que seuls à le savoir !

 

-

 

Le feu brûlant qui passe et prend dans la forèt,

Détruit ce qu'il y trouve d'ombre et disparaît, -

 

Ne laissant qu'une cendre éparse au vent qui vient

Faire de ce néant désert son plus grand bien !

 

-

 

Mème les grands oiseaux perdus dans la tempête

Ne savent plus non plus où donner de la tète,

 

Qund l'aile du Malheur les prend d'un tel pouvoir

Qu'elle brise leur vol avant l'éclair du soir !

 

-

 

Ah ! tandis que l'éclair traverse la nuée

Et que s'active au loin des vagues la ruée,

 

Ce fleuve en nous des ombres, à l'orée

Des derniers feux brûlants du jour, - mon Adorée !...

 

La vague sur la vague, en son ultime errance,

Est comme notre Amour sans fin qui recommence

 

A se plonger dans l'or d'un éternel Soleil

Qui le tire à jamais des rives du Sommeil !

 

-

 

Renaître en ce qui meurt est la suprême chance

De ce qui meurt de vivre au Coeur de l'Ame Immense

 

Et prête à recevoir le coeur qui la poursuit

De toute son ardente et pénétrante Nuit !

 

 

 

SI TON PLUS HAUT DESIR...

 

Aspire infiniment l'essence de mes jours,

Gouffre où l'eternité se mêle à mes Amours !

 

Quelque chose de toi m'échappe à tout moment

Qui déchire mon âme et cause mon tourment !

 

Si je te cherche en vain, mon Amour se détruit, -

Pour ne devenir plus qu'une insondable nuit !...

 

Je ne vis que du feu vivant de ta présence :

T'abandonner serait quitter ma propre errance !...

 

Que m'importe le feu des songes d'ici-bas,

Si celui de ton coeur, je ne le connais pas ?

 

*

 

Ah 1 comment donc mon àme, en son désert de flamme,

Pourrait-elle saisir l'essence de ton âme, -

 

Si ton plus haut désir n'est qu'un désert de feu

Qui dévore la terre et va se perdre en Dieu !

 

-

 

Si ton âme vivait si loin de mon désir

Que je ne puisse même en l'âme la saisir, -

 

Alors il faudrait bien que tout le Ciel ensemble

Rassemble en seul feu tout notre Amour qui tremble

 

Pour n'en faire jaillir que l'astre solennel

D'un coeur qui brûlerait au Coeur de l'Eternel !

 

 

 

QUEL

SOMBRE AMOUR,

AMOUR...

 

Mon Ange folle entre les bras du temps !

Mon Ange folle en l'âme des autans !

 

Triste espace de gloire et d'ivresse diverse :

Quel trouble, ô mon Amour, en ton amour je verse ?

 

L'été qui nous brûlait de ses feux mal éteints,

Faisait renaître en nous la gloire des matins !

 

Qu'est-ce que ce printemps qui nous brûle les lèvres

De si terriblement impénétrables fièvres ?

 

Le douloureux bonheur de n'ètre rien qu'ensemble, -

Quand tout, autour de nous, dans le vent triste, tremble !...

 

De tous les gouffres nus qui brillent sur la mer,

Le nôtre, ô mon Amour, n'est pas le moins amer !

 

Quel sombre amour, - Amour ! - vient battre la campagne

Quand le bruit de la mer au loin nous accompagne !...

 

J'aurai cherché partout sans le trouver jamais

L'inextinguible feu de l'âme que j'aimais !

 

Les mots sont lourds de songe et je m'en viens tout bas

Infiniment te prendre à l'ombre de mes bras !

 

Le vent qui va, qui vient, qui meurt, qui s'éternise : -

Le vent qui ne veut pas, dans l'âme làcher prise !...

 

Te retrouver pareille à ce lointain rivage

Où j'abordais un jour au calme de mon âge !

 

Et rien n'effacera des rives de la vie

La clameur de la mer par l'âme poursuivie !

 

Jusqu'en ce coeur mortel au fond d'un ciel mouvant

Où ne s'engouffreraient l'espace ni le vent !

 

Triste Amour qui se meurt de ce qui ne meurt pas

De vivre en ce qui meurt de vivre à chaque pas !

 

Il n'est rien qui survive en nous de ce qui meurt

De survivre au néant de notre propre coeur !

 

Semblable à l'ombre éclose au sein de l'univers,

Ton silence navigue au sein profond des mers !...

 

A cette heure mourante où le désir vient choir

En notre âme elle-même avide de s'y voir !...

 

Notre âme tremble ainsi qu'un astre sur la mer, -

Et l'ombre ressuscite en elle son feu clair !

 

Rêve de sable ! Ivresse folle ! Coeur fragile ! -

Et ton âme au milieu, - tranquille, - comme une île !...

 

La brume flotte en l'air tranquille du matin ; -

Mais quels feux en secrets brûlent dans le lointain !...

 

Le destin qui nous mène en un chemin désert

Nous ouvre les chemins aussi d'une autre Mer !

 

Ah ! retourne en la Nuit de l'Ombre sans retour,

Insupportable Nuit de Mort de notre Amour !

 

Plus le soleil dérive au fond d'un ciel d'hiver, -

Plus mon âme en ton àme infiniment se perd !...

 

Et l'espoir crie en nous comme si nous n'étions

Qu'un songe traversé de fulgurants rayons !

 

Si ton être fuyait le temps qui nous dévore,

Mon coeur t'appellerait plus que jamais encore !

 

Par la force du songe et ce désir de croire

A cette eau dans ton coeur où je m'en allais boire !

 

Notre Amour est encor plus fort que le désir

De survivre à la mort de ce qui doit mourir !

 

Des soleils engloutis, de l'ombre et de la houle,

Se pressent en nos coeurs les souvenirs en foule !

 

Le soleil qui s'éprend de nos plus tristes jours,

S'émeut d'être toujours au coeur de nos Amours !

 

Qu'est-ce que le bonheur pour des êtres qui s'aiment,

Si le gouffre à leurs pieds s'ouvre toujours quand même !

 

O destin plus profond que l'Océan vivant

Où se perdent les fleurs d'écume dans le vent !

 

Traversés par les feux d'un si terrible hiver,

Vers quelle Source aller boire dans le désert ?

 

Ton attente est en moi brûlante à ce point même

Qu'elle me rend sans fin l'âme elle-même blême !

 

Dans l'ombre solitaire et sombre où le vent noir

Nous traverse le corps et l'âme sans nous voir !

 

Je te cherche sans fin dans ce désert sans voix

Où mon être égaré s'est perdu mille fois !

 

Comme le feu s'éteint quand la cendre se meurt,

Mets toujours un peu plus ton coeur contre mon coeur !

 

On épuise le temps à force de survivre

A la mort du soleil en nous qui nous délivre !

 

Je ne respire plus que l'or d'un songe épars

A travers la lumière éparse en tes regards !

 

Que d'angoisse parmi les roses qui s'en vont

Briller sous le soleil avec de l'or au front !

 

Comme l'écho sans fin résonne à travers l'air, -

Ainsi ta voix remue en moi toute la chair !...

 

Si ta chair est toujours tremblante en ma mémoire,

C'est par la source d'âme où l'âme s'en vient boire !...

 

Rien ne fera jamais, au fond d'un ciel qui tremble,

Que mon âme ne tremble avec ton âme ensemble !

 

La mer ! toujours la mer ! le mer vivante et vraie !

La mer - et son désastre en nous ! - qui nous effraie !...

 

Que m'importe l'orage et l'ombre où le jour meurt, -

Si je sens battre encor ton coeur contre mon coeur !

 

Il n'est de ta Beauté que les ultimes larmes

Pour délivrer les feux de tes ultimes charmes !

 

Nulle trace d'errance folle sur le sable :

Notre âme seulement en nous reconnaissable !...

 

Je t'enferme avec moi dans la nuit de la mer

Que déchire en secret l'éclat du seul éclair !

 

Entendre en moi ton coeur battre comme j'entends

L'éternité battre en le coeur du temps !

 

Tout le ciel redevient tranquille, ô ma Douceur,

Lorqu'il est à l'image ultime de ton coeur !

 

Si mon Amour n'était qu'un peu de cendre au vent,

T'aimerais-je aujourd'hui sans cesse comme avant ?

 

Un jour, nous ne pourrons sans cesse plus nous voir

Que dans l'éternité d'un éternel Miroir !

 

Mon adorable Enfant de gloire et de fumée,

Et de silence d'Astre en l'âme, - ô Bien-Aimée !...

 

Si l'heure, en s'enfuyant, ne laissait qu'une image

En moi, - ce serait celle encor de ton visage !...

 

Comme de blancs oiseaux frôlant la blanche écume, -

Notre Amour sur les flots aussi de l'amertume !...

 

Un jour, il fut un jour, en notre coeur mortel,

Où les choses avaient un goùt de l'èternel !

 

Ton visage a pour moi cette douceur fragile

Que le temps me vient rendre en l'âme indélébile !

 

Te voici, transparente en l'or qui s'en vient choir

En l'abîme éclairé par l'astre du miroir !

 

Parmi l'ombre vivante où mon regard t'implore,

Quel Songe, Amour, surgit du songe que j'adore ?

 

Et nous voilà tremblants devant les rêves fous

D'un soleil qui ne brûle encore que pour nous !

 

La tristesse des jours n'est pas la moindre chose

Qui donne son éclat au coeur mortel des roses !...

 

Et l'àme s'en alla d'un seul coup d'aile vivre

Où le regard de l'homme, seul, ne la peut suivre !...

 

Le désert est en moi profond comme la mer, -

Et comme l'est l'éclair de l'âme dans la chair !

 

Et qui sauve les nuits et qui sauve les jours

De ce qui forme en eux les éternels Amours !

 

O destin plus profond que l'Océan vivant

Où se perdent les fleurs d'écume dans le vent !

 

Je te regarde vivre et ton regard sur moi

Tremble comme un soleil qui brille sur du froid !

 

Même le sombre jour se fait de douceur tendre, -

S'il ne me reste encore, Amour, que de t'attendre ...

 

Mer étrangement belle et follement vivante, -

Et tellement pareille au coeur de mon Amante !

 

O l'indicible éclair des feux qui s'approchaient

Quand seulement nos âmes folles se touchaient !...

 

Ce qui m'angoisse en toi quand je t'embrasse encor,

C'est que le Mal un jour puisse être le plus fort !

 

Malgré moi, je m'en vais où ton désir m'emporte,

Chaque fois que ton âme en l'âme est la plus forte !

 

Regarde l'aube claire en l'âme se levant

Sur notre Amour frileuse et calme comme avant !...

 

J'emporterai ton Nom, ton Ame et ta Mémoire

Jusqu'au coeur d'une mer où ne meurt pas l'Histoire !...

 

 

MON BEL AUTOMNE DESOLE

 

Aucun bruit que le sourd déferlement

Qui martèle le sol interminablement...

 

Et l'âme se sent prise en un piège de nuit,

Quand le fleuve du ciel implacablement bruit.

 

Pleure sur nous, mon bel Automnse désolé

Par le rire des jours à nos désirs volé !

 

Ah ! cette odeur d'humus qui monte de la terre,

Quand vient lui rendre l'eau sa force élémentaire !

 

Reverrons-nous jamais au ciel le soleil luire,

Tant la plus triste pluie en la forêt vient bruire ? -

 

Mon Amour, dans la nuit de la forêt mouillée

Que s'abreuve de ciel notre âme agenouillée

 

Devant le flot qui vient d'un ciel qui ne respire

Que d'etendre sur nous son incroyable empire

 

De lumière peut-être où nul ne viendra voir

Quelle tendresse en nous se glisse avec le soir,

 

A mesure que l'ombre en nos désirs troublés

Frissonne comme un vent d'ivresse sur les blés

 

Et nous plonge au plus clair d'un jour où le jour meurt

De n'être que celui de notre propre coeur !

 

 

 

VOIS : LES ETOILES...

 

Dans le feu de l'Amour et de la Mort ensemble, -

Quelle Flamme éternelle en ton Silence tremble !

 

 

Vois : les étoiles vont une à une s'éteindre :

Ah ! pouvoir follement ton âme seule étreindre !

 

Les soleils endormis dans nos silences froids

Se réchauffent au feu des songes d'autrefois !

 

Feuillage qui frissonne au petit vent glacé, -

Comme notre âme même au souffle du passé !

 

Le masque de la mort sur les temps révolus

Ressuscite l'éclat des jours qui ne sont plus !

 

Ne pourrai-je jamais, dans le silence tendre,

Ton ètre inviolable un instant seul surprendre ?...

 

Ces feux de phare en la nuit noire !... - O mon Amour

Qui ne brille jamais si fort que loin du jour !

 

Qu'est-ce que ce vent là qui nous glace la face

Et nous force sans cesse l'âme à crier grâce ?...

 

N'acceptons plus, dans l'ombre ultime, de hasard :

Tout contre moi, viens, mon Amour, il se fait tard !

Il n'est pas de Silence au coeur de la Beauté

Qui ne soit le fruit pur de l'Immortalité !

 

Mon paysage d'âme à tes yeux découvert :

Et ton Amour en moi monte comme la mer !...

 

Les clameurs de la mer nous mènent vers l'obscur

Et lumineux frémissement du geste pur !

 

Le feu, le vent, le sel de mer : tout nous dévore

De mortelle brûlure et d'éternelle encore !

 

Comme le flot qui roule une rumeur d'orage, -

Toujours mon en toi vient battre davantage !...

 

Le sommeil est en toi comme la mer profonde

Illumine sans fin l'espace clair du monde !

 

Solitude éternelle où nous brûlons tous deux

De contraires soleils comme de mêmes feux !

 

Cette mer qui s'engouffre en l'âme avec ses gouffres,

N'est-elle pas semblable aux gouffres dont tu souffres ?...

 

O Vivante ! O Secrète ! O folle destinée !

O Lumière - en nos mains toutes - abandonnée !...

 

L'Automne resplendit sur le désert des Rois :

Et le jour qui se meurt, se meurt entre nos doigts !

 

 

L'ARCHANGE

 

Le mensonge effrayant des gouffres de l'Abîme

Et qui mène certaines âmes jusqu'au crime, -

 

S'empare d'un Soleil privé de sa puissance

Pour tenter d'en briser l'incomparable essence

 

Et fqire qu'il ne reste en l'Univers vermeil

Que la Mort à jamais vivante du Soleil !

 

 

Quelle incroyable Force, au fond d'un coeur désert,

Vint installer la mort de l'âme dans la chair -

 

Et d'etruire, au secret de notre plus grand bien,

Ce Soleil sans lequel elle ne serait rien !

 

-

 

Insondable frayeur d'un Jour qu'on assassine, -

Comme un arbre en plein vent que l'Ombre déracine !

 

Et le Désert s'abat sur nous comme l'éclair

Qui franchit d'un seul coup les bornes de l'éther !

 

-

 

O ce tumulte en l'air, - épouvantable à croire !

O ce tumulte en l'âme, - et toute son histoire !

 

Et ce gouffre, à l'affut de tous les astres clairs,

Pour qu'y sombre la soif de vivre en l'Univers !

 

-

 

O Présence ! O tendresse ! O pure Destinée

O Douceur de la mer par l'Ombre assassinée !

La Mer étincelait, terrible, sous l'azur, -

Et jusqu'au plus profond secret du Serpent pur !

 

Mon Amour a touché la cime de l'Abîme,

Comme l'éclair d'un Mal au coeur de l'être ultime, -

 

Lorsau'à mes yeux surgit, de ta Douleur la Cime

Et, - par-delà, - l'éclat de la splendeur du Crime !

 

-

 

Mais l'Archange qui veille aux Portes du Silence

Transpercera le coeur de l'Ombre d'une lance

 

Qui précipitera, d'un geste solennel,

Au-delà des tourments d'un devenir mortel,

 

Le Mal et le Malheur du Monde, sans appel,

Pour éternellement, aux pieds de l'Eternel !

 

J'ai laissé mon Amour au bord du Fleuve Noir

Où le vol des Vautours crève les yeux du soir !

 

 

MA DOUCEUR...

 

Comme la vague au coeur des flots :

Notre âme pleine de sanglots !

 

De notre âme a surgi, jusqu'en la vaste chair,

Le cri d'une douleur vaste comme la mer !...

 

La mer, cette berceuse effrayante de cris,

Nous fait chavirer l'âme et perdre les esprits !

 

Nous dérivons sans cesse à la face des mers, -

Comme, dans l'infini des temps, les univers !

 

O ces terribles jours de vagues et d'écumes

Où solitairement dans le désert nous fûmes !

 

Nous avons côtoyé l'impitoyable mer, -

Jusqu'à ce que se lève en nous le fol hiver !

 

Semblables à ceux-là d'une mer en furie :

N'écoute pas mes gouffres d'ombre, - je te prie !

 

Ton regard de noyé dans l'ombre m'épouvante,

Coeur de l'Etre ! -Si c'est celui de mon amante !...

 

La mer tumultueuse emporte les sanglots

Des mortelles frayeurs humaines dans ses flots !

 

Tu croyais que la Mer montait jusqu'à ton coeur, -

Lorsque tu descendais vers Elle, ma douceur !...

 

 

TES MAINS...

 

O mon Amour, au fil des jours sans lendemains,

Se libère mon âme folle entre tes mains !

 

Tes mains si bellement et si follement frêles

Qu'elles tremblent au vent léger comme des prêles !...

 

Tes solitaires mains, dans le désert du soir,

Me transpercent le coeur, - transi de le savoir !

 

Je caresse tes mains commme un fleuve d'eau vive,

Pour que ton sang par lui jusqu'à mon âme arrive !...

 

-

 

Ton adorable main de gloire indélébile

Prend mon âme en ses rêts, - comme la mer une île !...

 

Ta main silencieuse écoute bruire en soi

L'intérieur soleil d'un ciel dont il est roi !

 

O main pareille au songe où la lumière affleure

A cette source d'ètre en l'être, où l'être pleure !...

 

O toi que j'adorais dans sa clarté première

Et qui n'es plus pour moi - dans l'ombre - que lumière !

 

Ta main, comme un feu clair, au fond de ma pensée ! -

Ta main, par la Lumière , infiniment blessée !...

 

Ta douloureuse main s'imprime dans mon âme, -

Comme, d'un glaive pur, l'irrémédiable flamme !

 

Ta main, vivant soleil perdu dans les étoiles ! -

Ta main qu'une tristesse d'âme - seule - voile !...

 

 

SOUFFRANCE

 

 

O présence vivante en nos regards blessés,

De la souffrance en nous des gouffres traversés !

 

*

 

Tellement l'ombre immense emplit le coeur des jours

Que surgissent les pleurs au coeur de nos Amours !

 

Il n'est d'âme inquiète autant quer l'est mon âme, -

Lorsau'en moi ta souffrance inexprimable clamme !

 

-

 

Souffrirais-je ici-bas jamais ce que je souffre,

Sans ta blessure ouverte en l'âme comme un gouffre ?

 

Lorsau'en moi brusquement pémètre la douleur, -

C'est ton âme d'un coup qui m'entre dans le coeur !

 

Si ton coeur devenait blessé comme une armure, -

Coulerait de ton sang le flot par la blessure !

 

-

 

Si le Malheur t'assaille en ta vérité pure,

Il n'est pire souffrance, - en l'âme, - que j'endure !

 

Ta Douleur, -

Lorsau'en toi le seul Malheur respire ! -

Brûle plus en mon coeur que l'or en son empire !

 

Les tourments de la nuit naviguent sur la mer, -

Comme les mouvement s de l'âme dans la chair !

 

Sous un ciel longuement battu des sombres flots,

Je t'apporte la mer immense des samglots !

 

-

 

La souffrance ressemble au feu de la forêt

Qui détruit tout sur son passage et disparaît,

 

Ne laissant que de l'ombre en nos regards épars,

Comme si ce n'était que l'âme des hasards !

 

-

 

Ah! Qu'est-ce que l'Amour pourtant sans la souffrance ?

Et qu'est-ce que l'Amour sans la présence

 

D'une soif telle que l'on n'en peut guérir ? -

La souffrance est un lien plus fort que le désir !

 

*

 

Ton Amour envahit le fond de ma Douleur

De telle sorte enfin qu'il m'en per a le coeur !

 

 

 

LE FROID QUI VIENT DE L'AME...

 

 

Nous vivons l'un et l'autre et ne savons pourquoi

Notre âme par moment si follement a froid, -

 

Comme si, par le flot qui coule dans nos veines,

Nos âmes n'étaient plus que de tristesses pleines

 

Et comme si le ciel où s'enfuyait l'espoir

Ne brillait plus des feux que d'un seul Astre noir !

 

La terrible douceur des vagues de la mer

Nous rend l'âme, le coeur, le corps et l'esprit clair !

 

La blessure des jours que nous croyions heureux

Creuse en nous la tristesse immense de nos yeux.

 

Ton feu comme un soleil, brille sous ta paupière,

De tout le tendre éclat de la clarté première !

 

O soleil désolé des gloires qui s'en vont

Se perdre en l'ombre immense avec de l'or au fond ! -

 

-

 

Tandis que s'enfuyaient au loin de grands oiseaux

Dont les ailes couvraient notre âme sur les eaux !...

 

La lumière diffuse en l'âme s'atténue

A mesure que l'ombre emplit de mort la nue !

 

Tout bascule et l'été se cherche à travers l'or

De tout ce qui n'est plus pour l'âme qu'un décor !

 

Le feuillage s'éteint dans le désert du froid, -

Comme si le soleil mourait à travers moi !

 

Viens vers moi, viens vers moi, Silence qui m'oppresse

D'un surcroît de douleur au fond de ma tendresse !

 

Vienne l'ombre fugace et sombre pour n'y voir

S'engloutir que l'éclat d'un grand Soleil du soir !

 

Le tumulte effrayant d'impénétrables eaux

Faisait fuir en nos coeurs le vol des grands oiseaux !

 

Et nous ne savions plus alors dans la pénombre

Quel était notre corps et quelle était notre ombre,

 

Et si l'âme pouvait encore devenir

Quelque chose de plus qu'une âme, - ou d'en mourir !

 

Par un déferlement de forces si tragiques

Qu'elles envahissaient notre être sans répliques

 

Et plongeaient notre Amour en l'univers secret

D'un tourbillonement dont l'âme se mourait !

 

Dévore le désert qui brûle dans ton sang,

Solitude vers quoi tout mon soleil descend !

 

-

 

L'étincelant soleil qui brille sur mes jours

Est le pire qui brille aussi sur mes Amours :

 

S'il ne remplit d'un coup la solitude entière

De l'étincellement vivant de sa lumière

 

Et s'il ne détruit pas la mort au coeur du temps

Qu'exalte dans ses flots la gloire des autans ; -

 

Car tout alors est vain de ce qu'il illumine ;

Il n'est d'âme qui soit sous le soleil divine ;

 

Et plus rien ne résiste au feu qui brûle en moi

De l'hiver qui m'emporte au songe clair du froid !

 

Le froid qui vient de l'âme est le plus sombre foid

Qui puisse mettre l'âme un jour en désarroi !

 

" J'ai froid, dit mon Amour, et c'est comme si l'ombre

M'enveloppait d'un voile impénétrable et sombre ; -

 

Le ciel ni le soleil ne viennent plus en moi

Me réchauffer un peu l'âme et le coeur par toi ! "

 

Ah ! se peut-il qu'il soit en l'univers possible

Que le soleil du froid prenne ton coeur pour cible ?

 

"J'ai froid", dit mon Amour, - Et c'est alors en moi

Comme si tout le ciel des astres avait froid !

 

 

EURYDICE !...

 

Orphée, ô follement mon Frère, en ton regard

N'as-tu perçu trop tôt ce que j'ai vu trop tard ?...

 

-

 

Eurydice ! Eurydice ! Au fond d'un ciel qui meurt !

O mortelle immortelle et Folle de Douleur !

 

Eurydice ! Eurydice ! O mon Amour ! Ma soeur !

Quel Abîme s'engouffre en l'Ame de ton Coeur ?

 

 

JE T'AIME PAR-DELA...

 

Tout devient clair en nous : le ciel et les étoiles ;

Le vent qui nous portait sur d'invisibles voiles :

 

N'était cette blessure au coeur de l'éternel,

Qui nous brisait le coeur comme d'un coup mortel !

 

Si les mots ne sont rien qu'un peu d'écume frêle,

La part d'âme qui vibre en elle est immortelle !

 

Quelle tristesse va se perdre dans le soir ?

Quelle tristesse va se perdre en ton miroir ?...

 

Je ne recherche en toi que ce qui transfigure

Ton visage immortel en éternelle épure !

 

Comme je fus toujours sur terre à ton côté, -

Tu ne seras pas seule en ton éternité.

 

Je t'aime par-delà le vent dans les roseaux ;

Les mouvements du bruit des effrayantes eaux ;

 

Les orages trouant et déchirant les airs,

Comme le fait l'Amour tragique dans les chairs !

 

Je t'aime par-delà les rires de la mer, -

Et les mortelles soifs du vent dans le désert ;

 

Et tout ce qui se meurt en l'âme et qui respire, -

Et tout ce qui nous tient sur terre en son empire !

 

Je t'aime par-delà le Songe le plus fort

De ce qui brise en nous les forces de la Mort !

 

Personne devant toi ne foule le rivage

Que déserte la mer en son reflux sauvage !

 

Si la Mort tremble un jour de peur entre tes cils, -

Ses gouffres d'ombre folle en l'âme, quels sont-ils ?...

 

Ne redoute de voir au fond de ton désir

Ce qui meurt de survivre à ce qui doit mourir !

 

O durable Visage où le soleil vient boire

Le silence de l'ombre au coeur de la mémoire !

 

La mémoire n'est rien sans ce qui transfigure

L'éternel devenir en l'éternelle Epure !

 

Je t'aime par-delà le seul désir de vivre ; -

Je t'aime où la mort même ne peut nous suivre !...

 

Que peuvent les soleils des jours que le vent sème

En face d'un Soleil plus fort que la Mort même ?

 

Ah ! qu'importe la nuit qui nous prouve le jour,

Si le jour se prolonge encore en notre Amour !

 

Comme un Fleuve soudain de haute Soif arrive

Pour sauver ce qu'il reste en l'âme encor d'eau vive !...

 

Telle est ma soif de toi que je ne puis pas croire

Que je cesse à ta source une heure d'aller boire !

 

Que se lève ton Jour naissant d'entre les pleurs, -

O Beauté, qui te veux maîtresse des douleurs !

 

Et que sans fin palpite en la nuit ténébreuse

Ce Coeur qui fera fuir en nous la mer peureuse !...

 

Après la gorge étroite et les sombres allées,

Où donc seront, Seigneur, nos âmes en allées ?...

 

Nous savons qu'au-delà de notre ultime soir

Plus rien n'empêchera nos âmes de se voir !

 

Le silence des jours et la splendeur des nuits

Passeront sur ton âme et l'être que je suis

 

Sans que la Vérité suprême ne désarme

Et ne fasse jaillir la précieuse Larme

 

Qui viendra du tréfonds de notre coeur mortel

Ressusciter en nous le feu de l'Eternel !

 

 

 

Ah ! détruire des ailes d'ombre l'envergure

Et mettre du soleil au fond de la figure

 

De l'univers d'un coeur qui tremble de pouvoir

Survivre à de la mort fatale et de savoir

 

Dans le secret profond des choses indicibles

Que les Soleils d'en-haut sont toujours pris pour cibles, -

 

Tellement les Soleils qui brillent dans le noir

Sont les seuls que notre âme infiniment peut voir !

 

 

 

Ce pouvoir incroyable et pur comme de l'or

De t'aimer pour toujours après la mort encor !

 

Je n'abandonnerai ni n'oublierai jamais

Les jours où follement sur terre je t'aimais ! -

 

Et rien n'arrêtera mon coeur dans la clarté

De t'aimer, plus qu'avant, toute l'Eternité !

 

 

CE SOIR,

IL FUT UN SOIR...

 

Ce soir, il fut un soir où plus nous ne vécûmes

Que de désirer rien que ce qu'alors nous fûmes,

 

Et sans que rien ne puisse en l'âme nous guérir

De ce qui nous fit vivre en l'âme d'en mourir ;

 

A mesure que l'ombre avance vers nos pas

D'une façon souvent qu'on ne reconnaît pas,

 

Comme un flux chaque jour de grande mer sauvage

Qui dévaste un peu plus la plage davantage. -

 

Te retrouver toujours où le coeur sans défaut

Ne cessera jamais de battre comme il faut,

 

De ce rythme profond que nul malheur n'égare

Et qui brille en nos coeurs comme le coeur d'un phare !

 

Et notre coeur se serre encore en ne songeant

Qu'à ce qui fut notre âme en l'Ame voyageant,

 

Plus loin que le contour des formes éphémères,

En leur secrètement sérénités amères,

 

Pour mieux appréhender en nous de l'avenir

Ce qui nous gardera sans cesse de mourir !

 

Le regard que je porte à ton regard vivant,

Est plus fort que la Mort qui règne comme avant ;

 

Si toujours le destin sur nous se précipite,

Les forces de l'Amour plus que la Mort vont vite,

 

Qui, traversant d'un bond les rives de la mort,

Avant même le terme inscrit de notre sort,

 

Nous précèdent déjà dans l'or de ce qui ne meurt pas

Au coeur de tous nos rêves d'ombre d'ici-bas. -

 

Ne tremble pas devant la Mort inévitable :

Il n'est rien qui ne soit dans l'âme perdurable

 

Et qui n'emporte au fond des insondables cieux

Le bonheur qui nous vint dans l'âme par les yeux !

 

O Lumière, que rien n'arrête dans sa course !

O Lèvre suspendue à l'eau de quelle Source !

 

Lorsque par la fenêtre ouverte sur l'abîme,

Nous ne sûmes d'un coup vers quelle ultime cime

 

Nos silences, parmi tant d'ombre reconnue,

S'en allaient retrouver l'éternité perdue !

 

O lointain préservé de tout fatal malheur,

mais qui ne connaîtra pourtant que la douleur -

 

A travers des éclairs de passion si vive

Que la mer n'en connaît d'égale sur sa rive,

 

Lorsque le souffle fou d'un vent d'un âpre voix

Active les Chevaux d'un Océan de Rois

 

Et que la force alors des vagues dans les airs

Emplit d'une rumeur sans fin les Univers !

 

 

 

Le Silence t'a prise entre ses doigts tremblants

Et ton Visage d'ombre est en pleine Lumière !...

 

 

 

AMOUR

PLUS FORT

QUE LE MAL,

QUE LE MALHEUR ET QUE LA MORT, -

EN DIEU !