UN
SEUL SOUFFLE...
Un seul souffle, parmi les
roses enflammées,
Et les roses se sont toutes
ensemble aimées !
*
Les yeux en disent plus que
les lèvres humaines,
Si les âmes ne sont que
de tendresse pleines ;
De même, en l'autrefois
de nos âmes calmées,
De s'être, à
l'instant même, infiniment aimées
;
Jusqu'à ce que dans
l'air s'élevèrent nos
voix
Qui se reconnaissaient pour
la première fois ;
A cette heure si douce et
mémorable alors
Où nos âmes
étaient plus libres de nos corps,
-
Du silence desquels pourtant
sans se le dire
Nos âmes subissaient
l'inexorable empire,
Et dont la survivance, en nos
désirs épars,
Prolonge dans le temps le feu
de nos regards.
O l'ineffable jour entre
toutes les heures
Qui vinrent éclairer
le fond de nos demeures, -
Avant que pour jamais dans
l'or se précipite
De nous-mêmes cela
toujours qui ressuscite
Et va se perdre au sein
d'inexprimables cieux,
D'avoir su délivrer
nos âmes par nos yeux !
Ainsi, sous le regard des
astres dévorés
Par ces feux dont les cieux
sont brusquement parés,
En la chaleur torride et
claire d'un mois d'Août,
Ce favorable vent venu l'on
ne sait d'où !
Ce fut à l'instant
même où nous nous
rencontrâmes,
Ce mutuel saisissement de nos
deux âmes !
Tout s'abolit alors en moi de
mes jours vains,
Lorsque jusqu'à mon
âme infiniment tu vins !
Comme si ç'eût
été de toute
éternité
Que nous nous attendions
à vivre un tel été
!
Auprès de cette Vierge
même, - où les flots
verts
D'une roche jamais ne rongent
l'univers !
Par la seule beauté de
ton regard profond
Et dont je connaissais
à peine encor le nom !
A cette heure docile, au fond
des calmes cieux,
Où nos âmes
enfin s'aimèrent par nos yeux
Et ne respiraient plus
déjà sans le savoir
Que d'être seulement
ensemble et de se voir !
*
Quand le fleuve emporta, d'un
invisible cours,
Les tout premiers
frémissements de nos Amours !
Nous ne fûmes qu'un
seul en l'Etre avant de naître
Et de pouvoir sur terre enfin
nous reconnaître !
-
Notre terrestre Amour
à tous les vents jeté,
-
Comme une barque frêle
au coeur d'un bel été !
-
Nous nous sommes l'un l'autre
en l'Ame reconnus, -
Comme de grands oiseaux dans
l'Infini perdus !
-
Et nos âmes entre
elles-mêmes s'appelèrent
Et nos propres prénoms
célestes épelèrent
!
Mon âme en Dieu
déjà brûlait de te
connaître
Infiniment avant que de te
voir paraître, -
Quand sa flamme perdue au
fond de tes regards
Précéda dans le
temps la fuite des hasards !...
-
Je chanterai ton âme au
fond du paysage
Où viendront s'abolir
la mort et ce rivage
Où la vie et la mort
sous le soleil remuent
Comme d'un éternelle
et frémissante mue !
-
Quand je te vis,
brûlante et fière et douce à
voir,
Et telle qu'un soleil de feu
dans un miroir,
Mon âme s'arrêta
de respirer si fort
Que cela ressemblait
peut-être à de la mort :
De celle seulement qui
n'alimente en elle
Qu'un feu qui ne peut rendre
l'âme qu'immortelle !
-
Comme un bel ouragan de
flamme inextinguible,
Tu vins prendre mon âme
avec mon coeur pour cible,
-
Et tout mon être alors
par ce feu dévorant
Fut soudainement pris comme
d'un feu qui prend !
De ton âme en mon
âme un jour est descendu
Ce qui vint en sauver le
paradis perdu !
-
Ce Noël - plus secret
que le plus pur Nadir ! -
Où l'Etoile s'en vint
dans l'âme resplendir
Des ineffables feux d'un si
fatal Amour
Qu'il nous poindra le coeur
jusqu'à la fin du Jour !
-
Rien ne nous
étreignait, le soir, près du
piano,
Comme d'entendre en nous
Mozart et Kénavo, -
Et cette Magali - si
follement brûlante
Qu'elle emportait notre
âme au coeur de sa
tourmente!...
-
La glycine, de flamme
ardente, nous grisait
D'un parfum que jamais notre
âme n'épuisait,
Sous la vaste tonnelle
où le magnolia
Secrètement nos mains
dans l'ombre nous lia ; -
Tandis que les Lilas vivants
de la mémoire
S'engouffraient dans notre
âme, - au point de n'y pas croire
!
Ce balcon - comme l'Autre ! -
où tu t'en vins souvent
Me regarder passer en songe,
sous l'auvent !
Il suffisait alors
soudainement d'entendre
S'élever la musique
inexprimable et tendre
Pour savoir qu'en secret ton
âme regardait
Monter vers toi celui dans
l'ombre qui t'aimait !
O douceur en soi-même
encore de surprendre
Cela dont seul le coeur ne se
peut pas déprendre !
Te souvient-il des mots que
nous ne sûmes dire
Et qui nous retenaient
pourtant sous leur empire,
Tellement ils gonflaient nos
coeurs éperdûment
De tout ce qui fait vivre
l'âme d'un amant
Et l'empêche d'aller
comme un fleuve d'eau vive
Battre de son flot pur le
flot d'une autre rive
Et qui ne serait celle, en
son désir profond,
Où l'âme avec
l'autre âme, - en l'Ame !, - se confond
!
Ah! que mon vers se fasse
à tous les vents l'écho
De tout ce qui suivit le
cours d'un calme flot,
Et qu'il s'en aille au
gré de la mémoire folle
De tout ce qui retient encore
ma parole, -
Vers on ne sait quel Songe
inexprimable et clair
Où l'amour en l'Amour
infiniment se perd !
LE
VENT DU NORD...
Le Vent du Nord descend des
polaires espaces
Et passe comme un glaive
d'ombre sur nos faces !
-
O ces terribles feux de la
terrible cime
D'un soleil qui plongeait
notre âme dans l'abîme, -
Quand l'orage roula si fort
au fond des airs
Qu'il nous brisa le coeur au
sein des Univers !
-
Quel glaive nous
sépare en deux comme une
amande
Et livre sa fraîcheur
au feu qui la demande, -
Et brise en même temps
le précieux secret
Qui d'un Mal jusqu'alors
toujours nous délivrait !
-
Rien ne résistait plus
au roulement de mort
Qui déferla sur nous
comme la mer au port
Et submergea la terre et
l'onde d'un tel drame
Que nous ne savions plus quoi
faire de notre âme !
-
Et le ciel s'étendit
sur nous comme un linceul
Qui ne laissait au coeur le
choix que d'être seul ! -
Et la Nuit descendit sur
notre Amour vivant
Comme un grand Feu de Forge
folle dans le Vent !
Mais voici que du fond des
gouffres de l'Abîme, -
Comme d'un souffle enfin qui
tout le Mal décime,
La Colère a
glacé le vent des Etendards
Que déployait au ciel
la vague des Hasards !
Et ce fut l'éclaircie
après la longue attente,
Et comme une trouée au
coeur de la tourmente,
Et le feu s'apaisa qui
transformait la mer
Et le ciel et la terre en un
brasier d'enfer,
Et le Soleil, d'un coup de
flamme revenue,
S'engouffra, de nouveau, dans
l'immensité nue !
TA
PRESENCE À JAMAIS...
Ta Présence à
jamais devant mes yeux épars
A travers le silence fou de
tes regards, -
Et ton âme semblable
à ce feu dévorant
Où je m'en allais
boire en mon exil errant !
-
Et rien ne ressemblait alors
au flot mouvant
D'un rêve à la
dérive et qu'emportait le
vent,-
Si loin de notre coeur et de
son fol désir
Que nous ne parvenions jamais
à le saisir !
-
O ce Printemps, parmi les
roses renaissantes,
Et jaillissant du coeur de
larmes si puissantes
Que de les voir ainsi dans le
soleil jaillir
Ne pouvait que porter notre
âme à défaillir !
-
O Vivante, ô pareille
à Celle qui jamais
Ne fut que celle-là
sans cesse que j'aimais !
O tendresse par l'âme
en l'âme retrouvée
D'avoir par l'âme
été si longuement
rêvée !
Lorsque l'âme se penche
au bord divin des larmes
Pour y puiser l'éclat
de ses ultimes charmes, -
L'inexprimable Amour en elle
infiniment
Se répand comme un
baume ou comme un sacrement !
-
Ta Blancheur éclatante
en la Blancheur du Jour
Couronna de Blancheur le
coeur de notre Amour, -
Et fit briller si fort en
nous de le savoir
L'Anneau qui nous liait comme
dans un miroir !
-
Nous nous sommes rejoints
dans l'Identité pure
Qui devait pour jamais former
notre Figure
Et nous précipiter
ensemble en la Clarté
D'un Dieu qui nous aimait de
toute Eternité !
Adorable Visage où le
ciel pur se perd
Comme dans l'Océan les
astres de la mer !
O Rupture ! O Silence d'astre
inaccessible
Où le temps prit pour
nous l'éternité pour cible
!
-
Sans même que nulle
Ombre, en nos destins scellés,
Ne puisse qu'ils ne soient
d'ivresse constellés, -
A cette heure où,
parmi celles dont nous
rêvâmes,
Ne furent plus qu'une
âme entre elles nos deux âmes
!
-
Innombrable regard en ce
regard Lui-même
Qui nous blesse la coeur
ainsi qu'un Diadème
Et ressuscite en nous ce feu
qui dévorait
Le pur Commencement des
Astres en secret !
-
Dans le frémissement
doré d'une Altitude
Où nulle Mer jamais
aucune Soif n'élude
Et ne brise le Songe en elle
qui dorait
Les profonds mouvements d'un
Ciel qu'elle adorait !
-
O Plénitude où
rien de ce qui meurt n'arrive
A détourner enfin le
Fleuve de sa rive
Et de faire que le feu que
l'âme porte en soi
D'irrésistible Force
et d'ineffable Emoi
Et de si folle Flamme d'Astre
en désarroi
Qu'il nous tient à
jamais dociles sous sa loi, -
N'aille se perdre au coeur du
tendre Coeur du Roi !
SOLITAIRES,
PARMI LES RIVES...
On croit étreindre
enfin l'espace dans ses bras, -
Et le bonheur qui vient se
meurt à chaque pas !
O Douceur et Douleur que l'on
ne peut pas dire,
De l'abîme infini de
tout ce qui respire !... -
O Douleur éternelle au
coeur des retrouvailles
Et qui nous prit à
bras le corps jusqu'aux entrailles !
-
La Douleur est entrée
en notre Amour Vivant, -
Comme de l'Ouragan
s'engouffre en nous le vent !
*
Solitaires, parmi les rives
de la nuit,
Où l'espace fuyait
comme le temps qui fuit,
A la fin de ce Jour unique
entre les jours
Que nous rêvions de
vivre au coeur de nos Amours,
Cette fuite en avant, Tous
Deux, dans la nuit noire,
Pour le commencement de notre
propre histoire, -
Lorsque l'Ombre soudain
faisait déjà
frémir
Les feux
précipités en nous de l'avenir
!
***
Ah! par delà cette
heure folle qui s'enfuit
Et le mortel soleil qui
brûle dans la nuit,
Et cette soif de vivre
immense du Malheur
Quand il s'en vient
étreindre l'âme avec le
coeur,
A jamais, mon Amour, dans
l'or qui ressuscite
Le plus profond soleil des
songes dans sa fuite, -
Comme un feu rayonnant qui
brille sur la mer,
Retrouver de notre âme
en l'Ame le feu clair !
----------------------
L'ETINCELANTE
MER...
L'étincellante mer
où la mer boit
Toute l´ombre qui
tremble infiniment en toi,
N'en finira jamais de dire et
de redire
Quelle force en ton
âme, ô mon Amour,
l'inspire
Et fait trembler l'orage au
loin qui ne sait pas
Qhel merveilleux soleil
brille en ton coeur tout bas !
Pas seulement une ombre en
ton visage offert
Au perpétuel songe
immense de la mer !...
*
Lisse, ton âme est
lisse, et nul funeste feu
N'est venu seulement
l'effleurer même un peu...
*
Depuis que je persiste
à croire en notre
étoile,
C'est sous la même
flamme en nous, la mème voile
!...
*
Par la procession navrante
des marées,
Nos Amours vers le Nord sans
bornes démarrées ; -
Où la Polaire Etoile
à tous les vents
Attire infiniment nos
rêves de vivants 1...
*
Un seul oiseau volant dans le
ciel presque noir
Témoigne, avant la
nuit, des derniers feux du soir 1
Plonge ton âme
même en mon âme
éperdue
Pour mieux y retrouver l'eau
vive qui t'a bue -----
Et je ne cesserai, tant que
mon coeur vivra,
De chercher de ton âme
en mon désert l'aura -------
De cette âme pareille
à l'eau de la fontaine
Et dont l'âme revient
toute de larmes pleine ! -
Car les rives du temps sont
telles que jamais
Je ne retrouverai les heures
que j'aimais,
Sinon, dans ma
mémoire, aveugle, comme un
fou,
Dans ces larmes qui m'ont
brisé le coeur d'un coup !
Ta soif si longuement palpite
au coeur des nuits
Que j'y viens boire un peu
comme de l'eau d'un puits ; -
Comme de l'eau d'un puits
où je m'en viendrais boire
Pour en conserver mieux en
l'âme la mémoire,
Et ne devenir plus, dans le
ciel calme et clair,
Qu'un grand soleil qui meurt
de soif dans le désert !
La houle qui nous vient du
fond de l'ocèan,
Est pleine de la force
immense du néant,
Mais le mortel désir
qui peuple l'univers,
Apporte dans nos coeurs aussi
de grands flots verts ;
Et le rêve qui flotte
à la cime des pins,
Emporte l'âme vive aux
plus secrets lointains.
Il n'est de source
égale à celle, en toute
chair,
Qui jaillit au secret du plus
secret désert ;
Même ce qui persiste en
l'âme la plus triste
N'est rien si le soleil en
son désert n'existe, -
Et la douleur qui monte en
notre coeur mortel
N'est jamais que le gage, en
nous de l'éternel !
LES
SOLEILS EPERDUS...
Créve, le cri mortel
de ton silence amer,
L'espace vulnérable, -
en l'âme, - de ma chair !
Sous un vol traversé
d'un vol de cormorans, -
Vers ta lèvre adorable
et tendre, je me rends !
Le jour léger montait
des rives indécises, -
Et nos âmes flottaient
en nous comme des brises !...
Couvert d'ombre et de mer et
d'algue murmurante,
Ton souffle, ô mon
Amour, jusqu'en mon âme errante
1...
Tu t'es plongée en moi
comme la mer le fleuve
Que vient de recevoir la
vague toute neuve !...
La mer ! la mer toujours !
avec son geste triste !
La mer, avec ses feux, - dans
l'ombre, - d'améthyste !
La douleur se propage en ton
désir profond, -
Comme, en l'immense mer, une
lame de fond 1...
Et la mer scintillait
à l'ombre du meilleur
Et plus
irrévélé secret de notre
coeur !
Le soir s'infléchit
sur la mer dormante :
Quel Coeur en ton coeur
d'Astre se tourmente ?
Du grand pin parasol la belle
architecture
Figure de notre âme, en
songe, l'envergure !...
Si vive était la mer
au coeur de ton désir
Que la vague y brillait avant
que d'y mourir !...
Oh 1 ce jour effrayant de
lucidité pure, -
Où le coeur avec l'or
des astres se mesure !
Ton silence me berce ainsi
qu'un Océan
Qui me délivrerait des
rives du néant !
Si ta lèvre parfaite
exige qu'on l'admire, -
C'est que l'Âme
à travers ses flammes y respire
!
Solitaire et secrète
au point de ne pouvoir
Que te perdre toi-même
au fond de ton miroir !
Le sombre du regard fait
luire tes atours, -
Comme l'ombre parfaite au
regard clair des jours !
Par-delà le flot pur
d'un jour qui nous regarde,
Vivre et survivre ainsi qu'un
grand soleil qui tarde !
Plus profond que la mer et
que la solitude :
Notre Amour, - que la Mort ni
le Soleil n'éludent !
Que serais-je sans toi sur
terre devenu,
Dans l'effrayant
désert de mon silence nu ?...
Je ne cherche que l'ombre
où te regarder vivre
Me remplit du soleil des
songes qui m'enivrent !
Rien ne demeure plus de nos
désirs passés
Que des soleils, en nous, de
songes traversés !
Si le songe abolit l'espace
clair des jours,
C'est que le plus jamais s'y
mêle au seul toujours!
Le vent léger qui
glisse et brille au coeur de l'herbe,
Te rend, comme elle aussi,
dans le soleil, superbe !
Redis-moi le bonheur et la
douleur ensemble
De ce coeur qui s'en va
trembler dans l'or qui tremble !...
Ton regard n'est jamais pour
moi que le miroir
En lequel j'ai cessé
de seulement me voir !
Ah ! que brille sans cesse en
l'or de tes prunelles
L'immortelle clarté
des choses éternelles, -
De celles dont on sait que
l'on ne peut guérir,
Tellement elles sauvent
l'âme de mourir !...
Si tu n'avais
été celle que
j'attendais,
Serais-je devenu ce que je
fus, - jamais ?
Belle de n'être rien
jamais sans le savoir
Que profonde à s'y
perdre au coeur de ton miroir !
Et l'été
passera comme les roses passent, -
Sans que ne puisse même
l'âme crier grâce !...
Et j'aimais follement ton
âme sans savoir
Quelle ivresse viendrait avec
les feux du soir !...
Ton calme et tendre corps
incessamment s'apaise, -
Comme le coeur de l'eau dans
l'or de la fournaise !
Tu regardes le ciel mourir en
tes yeux las, -
Toi qu'il me fut donné
de prendre entre mes bras !...
Aimons-nous ! Aimons-nous !
J'ai hâte de savoir
Si le plus tendre jour suit
le plus tendre soir !
Ah ! par-delà le fil
secret de l'aventure
Qui nous mène des
Jours de gloire à la Nuit
pure,
Qu'il franchisse le seuil
où vient mourir le jour, -
Le Jour
prédestiné de notre propre Amour
!...
O
DESIRABLE SOIF ...
O désirable soif de
l'âme où
s'éternise
Le mouvement profond du Songe
qui la brise !
Ah ! le silence clair du ciel
dans les roseaux
Que vient battre l'espoir
léger des calmes eaux !
Tu viens détruire en
moi l'essence de mes jours,
Ciel où
l'éternité se mêle à
mes Amours !
Que dirai-je de toi, le jour
où le jour meurt,
O mon Amour, si proche encore
de mon coeur !
Tout m'échappe de toi,
malgré mon amour même, -
Sauf pourtant de savoir que
seulement je t'aime !
Ah ! si m'échappe,
ainsi qu'un fleuve de sa rive,
Ta soif, que reste-t-il en
moi jamais qui vive ?
Comme une ombre vivante au
bord des cieux glacés ! -
Nos songes brusquement aux
gouffres enlacés ! -
O Tendresse de l'âme !
O Transparence pure !
O Visage qu'un Ciel de Flamme
tranfigure !
Il n'est plus dans mon coeur
comme dans mon vouloir
De pouvoir un seul jour
survivre sans te voir
Et ne savoir de toi que
l'Astre sans pareil
De Cela dans lequel se mire
le Soleil !
Soulevé par le flot
mouvant de nos désirs,
Je t'apporte la mer immense
des soupirs !
Le feuillage s'émeut
du feu de ton regard :
Toi, que le vent traverse
aussi de toutes part !
Tout ce feu qui me vient de
l'ombre à travers toi
Et que le clair soleil
regarde vivre en moi !
Le seul profond discours qui
règne sur mes voeux
Est celui qui te mène
aux songes que tu veux...
Il ne reste plus rien pour
nous que de savoir
Si le jour pour toujours se
meurt avec le soir !
Les soleils endormis dans nos
silences froids
Se réchauffent au feu
des songes d'autrefois !
Plus le rivage fuit, plus le
désir s'accroît
De renaître en des
lieux que l'àme seule voit.
S'inquiète de toi mon
âme sans retour -
De la première aurore
aux derniers feux du jour !
Par la dune où les
herbes folles se font rares,
Dis-moi quel est le Songe,
Amour, où tu m'ègares
!...
Ah ! que vienne le Songe en
nous qui nous délivre
De ne pouvoir jamais à
toute mort survivre !
Le Visage adoré de
l'être insaisissable
Laisse, comme la mer, sa
trace sur le sable !...
Uns
sérénité brûlante et
douloureuse
S'empara de notre âme
ardente d'être heureuse !
Nous dormirons sur terre
ensemble, demi-dieux,
Et nous nous souviendrons,
quand nous serons aux cieux !
Sur le bord du désert
où le désir se meurt,
Quelle force surgit vivante
de ton coeur ?...
Tu m'as sauvé du Mal
et du Malheur ensemble
Par cette pureté dans
ton ciel clair qui tremble !
A travers l'ombre errante
où le soleil vient choir,
Il n'est d'autre désir
en moi que de te voir !
Et le soleil perdu dans le
désert des jours
Ressurgira toujours au coeur
de nos Amours !
Le malheur s'est
glissé jusqu'en ce coeur de
toi
Où ne respirait plus
que Dieu Lui-même - et moi !
Le devenir s'accroît en
nous de ce qui meurt
Et nous forme à jamais
d'impérissable coeur !
La femme resplendit dans le
ciel clair d'été
Comme un épi
mûri rayonne de beauté !
LE
SILENCE DES NUITS...
Sur le royal sommeil
où tu te réfugies,
Mon Amour veille ainsi qu'un
peuple de vigies !
Comme pleure le songe au
coeur des nuits perdues, -
Nos âmes dans la nuit,
tremblantes d'ètre nues !
S'enfoncer dans la nuit
vivante d'ètre brêve, -
Comme dans l'abandon
tumultueux d'un rêve !...
Le silence des nuits emplit
le coeur des jours
Où s'en viennent se
perdre en l'âme nos Amours !
La solitaire nuit
pénètre l'âme
ardente
Comme l'éclair d'un
ciel au coeur de la tourmente !
Les tourments de la nuit
ravagent ton visage
Et l'emplissent des songes
d'ombre de l'orage !
A travers l'existence folle
de la nuit, -
L'ombre, l'ombre, à
jamais, dans ton regard, qui fuit
!...
Dans le cristal des nuits ton
pur regard respire
L'altitude et l'abîme
en toi que je désire !...
Et rien ne nous
étreint comme l'éclair d'un
songe
Qui de l'ardente nuit dans
l'âme se prolonge !...
De ton souffle en la nuit le
moindre mouvement
Exalte ma tendresse et cause
mon tourment !
Ta seule âme
égarée au coeur du temps qui
fuit
Brille comme le ciel des
astres dans la nuit !
O Nuit resplendissante ! O
souverain mystère
De la suprême Soif de
l'être sur la terre !...
Ton souffle près de
moi traverse le silence
De la nuit que remplit ton
adorable absence !
Dans la splendeur des jours
comme en la calme nuit,
Ton silence sans cesse en mon
silence bruit !
Que la nuit sera longue
où j'écouterai bruire
De l'état de ton coeur
ce qui viendra m'instruire !
Tu respires, la nuit, comme
si l'ombre même
Murmurait en secret qur la
lumière t'aime !
Vois de la seule nuit jaillir
notre espérance :
Est-il jamais d'Amour en nous
sans la souffrance ?
Tellement le soleil emplit le
coeur des nuits
Que notre propre Amour brille
dans l'or des fruits !
Ton réveil est pareil
à ces métamorphoses
De la Lumière nouvelle
au coeur mortel des choses !
L'AME
ET LE HASARD
La splendeur de ton
àme à mes yeux
révélée :
Comme un feu qui
s'éprend de la lumiére
ailée !...
Plus je plonge mon âme
au fond de tes regards,
Plus m'apparaît la
fuite, en l'âme, des hasards !
*
Je hèle aprés
ton âme ainsi qu'un feu vivant
Qui prendrait dans mon
âme au souffle clair du vent !
Saurai-je infiniment te dire
et te redire
Qu'il n'est que l'indicible
en toi que je désire !
Connaîtrai-je ici-bas
l'essence de ton âme
Au point de n'en saisir que
le désert de flamme ?
Ah ! ne désirer rien
en toi que de pouvoir
Saisir ce qui palpite
d'âme dans le noir !...
Comme autrefois, ton
âme, au-delà du
désir,
Aurai-je encore assez
d´âme pour la saisir !
Ton âme infiniment
m'échappe à cet instant
Où je ne rêve
rien que de l'étreindre tant !
_
Comme tremble la mer entre
les pins épars, -
Ainsi ton âme
même au fond de tes regards !
Et ton âme n'est rien
qu'un souffle au gré du vent
Qui vient battre la mer sous
le soleil levant !
Ta seule âme
égarée au coeur du temps qui
fuit
Brille comme le ciel des
astres dans la nuit !
Je plonge dans ton âme
et me regarde en elle
Comme dans un miroir à
toute mort rebelle !
Le matin s'ensoleille au
gré du flot berceur
Où mon âme vient
boire à l'âme de ton coeur
!
_
Sur les rives du temps
où le temps seul
dérive,
De ton âme saisir
l'éternité captive !
Mon adorable Amour, au coeur
mortel du temps,
C'est ton âme toujours,
dans l'ombre que j'attends !
A te regarder vivre en mon
âme éperdue, -
C'est ton âme
elle-même, en moi qui m'est rendue
!
Plus je poursuis ton
âme insaisissable en l'ombre,
Plus dans un clair soleil
d'ivresse d'or, je sombre !
Peut-être
qu'au-delà de la nuit
ténébreuse,
Mon âme enfin saura
rendre ton âme heureuse !
Et ton âme et la mienne
ensemble, semblent-elles
Ne pouvoir devenir, ensemble
qu'immortelles ?
_
Je n'ai soif de t'avoir
encore en l'ombre claire
Que pour mieux de ton
àme étreindre le mystère
!
Par-delà le soleil des
jours dont tu rêvas, -
Ton âme seulement, -
vivante ! - entre mes bras !
*
Si ton âme
n'était que l'âme d'un Hasard,
-
Je ne trouverais pas le Ciel
en ton regard !
AMOUR
O désir plus
brûlant que l'âme du
Désert
Et plus fort que les vagues
même de la mer !
Ton Désir a parfois le
mouvement des vagues
Et ces feux éclatants
qui brillent à tes bagues !
L'insaisissable feu qui court
en notre sang
Du seul commencement de
l'Univers descend !
Ton regard a pour moi ces
feux de diamant
Que l'âme ardente porte
au coeur de son Amant !
_
Le silence des yeux a ce
pouvoir puissant
De nous révéler
mieux l'intime flux du sang !
J'aurai mûri ton sang
dans mes veines si folles
De t'aimer qu'en mon sang se
figent mes paroles !
Je t'enserre en mes bras de
certitude ardente, -
Toi dont la flamme en moi
rend l'âme si brûlante
!...
_
Le feu qui nous vint prendre
l'âme avec le corps
Nous laissa moins vivants
certaines fois que morts !
Sentir le corps frémir
à la prière ardente
De l'âme prise au jeu
du feu qui la tourmente !
Comme un feu prisonnier des
gouffres de la mer, -
Ton âme jusqu'au fond
des gouffres de ma chair !
Si la chair en son sein des
flammes enprisonne,
L'âme elle-même
brûle en nous, - comme en personne
!
_
Le soleil éperdu
s'abîme dans la mer :
Comme mon propre Amour
lui-même dans ta chair !
Et notre chair profonde en
l'âme se répand
Comme dans la forêt un
feu secret qui prend ! -
Et comme si la chair en
l'âme révélait
Quelque chose du coeur des
astres en secret !
-
Quel rêve encore
possible, ô mon Amour
désert,
Quand l'âme, au fond de
toute ultime chair, se perd ?
***
Je te porte en moi comme un
feu vivant
Que n'emporteront la Mort ni
le Vent !
-
Monte vers l'horizon vivace
du Désir,
Flamme qui ne survit que de
s'inassouvir !
-
Ton coeur brûlait pour
moi de telle flamme ardente
Que mon coeur ne pouvait que
t'appeler Amante !
_
Les feux que l'on allume au
loin dans le désert
Ressemblent à
ceux-là qui brûlent dans la chair
:
Rien ne les fait trembler
comme l'obscur désir
De en vivre jamais
qu'à force d'en mourir !
_
Admirable beauté,
qu'une fureur de vivre
Rend, dans le sombre soir,
d'une couleur de cuivre !
S'il n'est de songe en toi
dont mes nocturnes mains
N'aient longuement
sondé les fleuves souterrains,
C'est
l'éternité traverse le
rivage
Où nous mènent
les feux de notre Amour sans
âge
Et que sa force en nous
palpite dans la chair
Comme la source même au
centre du désert !
_
O Beauté brusquement
dans sa splendeur native, -
Qund les flots de la mer
arrivent sur sa rive
Et que de l'Océan, de
toute sa fureur,
Le flot tumultueux
déferle dans son coeur !...
-
Jusqu'à ce mouvement
des mouvements du sang
Qui laissent un sillage - au
ciel - resplendissant :
Comme une plage immense
où la mer se retire
Après en avoir fait
son adorable empire !...
_
Je t'embrasse par
l'àme et le corps
éperdu,
Jusqu'à ton Coeur, -
en ton coeur, - du Paradis perdu !
BEATRICE
Que seraient devenus, sans ta
brûlante ardeur,
Les mouvements de gouffre
d'ombre de mon coeur ?...
*
Le soleil de ton âme un
jour, comme un feu clair,
Traversa de mon propre
gouffre le désert, -
Et sauva d'un désastre
d'ombre inexprimable
Ma pauvre trace d'âme
errante sur le sable ...
*
Tu vis au fond de moi comme
personne au monde,
Comme le gouffre au fond de
l'eau la plus profonde,
Tellement il n'est rien en
mon fragile espace
Qui ne vienne de toi sans y
laisser de trace
Et n'y fasse surgir le signe
sans pareil
De ce qui meurt de vivre au
centre du Soleil !
Ah ! regarde à
l'entour des feux dont tu rêvas,
-
Celle-là que tu tiens
encore dans tes bras !
Il n'est rien qui ne soit
plus fort que le désir
De survivre à la mort
de ce qui doit mourir,
Lorsque tout ressuscite en
nous de ce qui meurt
A chaque instant djà
de notre pauvre coeur
Et livre à nos regards
ce feu qui dévorait
Cela qui justement dans
l'âme se mourait !
De quel gouffre
éternel insaisissable en
l'âme
N'auras-tu pas sauvé
mon être un jour, ô Femme
!
Lorsque l'àme
tremblante au fil des vents
épars
Semblait n'ètre jamais
le jeu que des hasards
Et que l'esprit
lui-même en l'âme
s'égarait
Devant le gouffre immense, en
elle, qui s'ouvrait, -
Comme s'ouvre l'abîme
en l'âme de la cime
Qui ne resplendit plus que
par son seul abîme
Et ne se sauve alors que par
l'éclair d'un Jour
Qui resplendit sans fin des
feux du seul Amour !
Il n'est rien que le temps
pour nous guérir des jours
Qui viennent s'embaser du feu
de nos Amours
Et faire que cela que l'on
croyait vivant
Ne passe comme un souffle en
le désert du vent, -
Car le temps porte en lui
toutes les amertumes
Du sombre mouvement des
vagues que nous fumes
Et peut ainsi briser ces
rêves d'autrefois
Qui nous laissaient pourtant
l'âme et le coeur sans voix !
*
Ah ! qu'est-ce que Cela qui
plonge dans le noir
Avant l'ultime feu de son
ultime espoir
Et sans que l'on ne puisse un
seul instant savoir
Ce qu'il en adviendrait de
vivre jusqu'au soir ?...
Immortelle, à jamais,
au centre de l'Idée,
Et par le seul Soleil
infiniment guidée,
Par cette folle mort dont la
terrible flamme
L'a prise en la tendresse
encore de son âme,
Béatrice ne fut que ce
qu'en a fait Dante,
Que ce que Dante a fait du
coeur de son Amante, -
Mais toi, mon tendre Amour,
au fil des jours meurtris
Et traversés de tant
de larmes et de cris,
Et d'ivresse mortelle au
coeur des mortels jours,
Lorsque le temps vivant nous
brise dans son cours
Et nous livre au reflux des
qrdentes marées
Auxquelles se trouvaient nos
âmes amarrées,
Que n'aura-t-il fallu de
force à ta chère
âme
Pour soutenir des jours
l'insoutenable flamme
Et sauver de ce temps de
fièvre et de fureur
Ce qui faisait toujours
battre d'Amour ton coeur !
*
Je n'oublierai jamais,
jusqu'en mon être ultime,
Comme il n'est de soleil si
pur que sur la cime, -
Que tu m'as quelque jour,
d'un mouvement sublime,
Sauvé du gouffre et
l'âme de l'abîme !
SI J'AI BLESSÉ TON
AME...
O Toi, qui ne m'es rien que
ce par quoi j'existe
Et par quoi dans mon
âme infiniment persiste
Ce même feu qui vient
détruire à chaque
instant
Ce qui meurt de vivre au
coeur de l'existant ! -
-
Si j'ai blessé ton
âme au-delà du
désir,
C'est que peut-être
alors la force de mourir
L'emportait dans mon
âme au point que nul
détour
N' y venait consacrer les
feux de mon Amour !
_
Je demande à ton
âme infiniment présente
Le pardon que je dois au
coeur de mon Amante, -
Si je n'ai su donner comme je
l'aurais dû
Ce coeur mème
où son coeur lui-même s'est perdu
!
-
J'arrache au temps mortel les
immortelles flammes
Qui faisaient se lever la
gloire dans nos àmes
Et délivraient nos
coeurs de ces mortels destins
Que les mortels soleils
déversent dans nos mains !
-
Le soleil qui s'en vient
mordre l'Automne pure
Illumine d'un ciel sans ombre
ta figure
Et plonge au plus secret de
ton plus clair regard
Cette absence de Mort en Toi,
- de toute part !
-
Ah ! sentir, par la
gràce extrême de ton
être,
Mon être d'un seul coup
sous le soleil renaître
Et dépasser la mort
dans ce qui ne meurt pas
De cependant mourir de vivre
à chaque pas !
-
Et qu'elle aille se perdre en
la cime des Cieux,
Cette fleur de soleil qui
brille dans tes yeux, -
Afin qu'il ne soit rien, dans
le désert du froid,,
Que le Ciel pour sauver le
Soleil clair du Roi !
MEME LES GRANDS
OISEAUX:::
Nous ne fûmes jamais
sous le regard des vents,
Que deux songes épris
de rêves émouvants !
Et le désir se meut
dans le désert du soir
Comme si nous n'etions que
seuls à le savoir !
-
Le feu brûlant qui
passe et prend dans la forèt,
Détruit ce qu'il y
trouve d'ombre et disparaît, -
Ne laissant qu'une cendre
éparse au vent qui vient
Faire de ce néant
désert son plus grand bien !
-
Mème les grands
oiseaux perdus dans la tempête
Ne savent plus non plus
où donner de la tète,
Qund l'aile du Malheur les
prend d'un tel pouvoir
Qu'elle brise leur vol avant
l'éclair du soir !
-
Ah ! tandis que
l'éclair traverse la
nuée
Et que s'active au loin des
vagues la ruée,
Ce fleuve en nous des ombres,
à l'orée
Des derniers feux
brûlants du jour, - mon Adorée
!...
La vague sur la vague, en son
ultime errance,
Est comme notre Amour sans
fin qui recommence
A se plonger dans l'or d'un
éternel Soleil
Qui le tire à jamais
des rives du Sommeil !
-
Renaître en ce qui
meurt est la suprême chance
De ce qui meurt de vivre au
Coeur de l'Ame Immense
Et prête à
recevoir le coeur qui la poursuit
De toute son ardente et
pénétrante Nuit !
SI TON PLUS HAUT
DESIR...
Aspire infiniment l'essence
de mes jours,
Gouffre où
l'eternité se mêle à mes
Amours !
Quelque chose de toi
m'échappe à tout moment
Qui déchire mon
âme et cause mon tourment !
Si je te cherche en vain, mon
Amour se détruit, -
Pour ne devenir plus qu'une
insondable nuit !...
Je ne vis que du feu vivant
de ta présence :
T'abandonner serait quitter
ma propre errance !...
Que m'importe le feu des
songes d'ici-bas,
Si celui de ton coeur, je ne
le connais pas ?
*
Ah 1 comment donc mon
àme, en son désert de
flamme,
Pourrait-elle saisir
l'essence de ton âme, -
Si ton plus haut désir
n'est qu'un désert de feu
Qui dévore la terre et
va se perdre en Dieu !
-
Si ton âme vivait si
loin de mon désir
Que je ne puisse même
en l'âme la saisir, -
Alors il faudrait bien que
tout le Ciel ensemble
Rassemble en seul feu tout
notre Amour qui tremble
Pour n'en faire jaillir que
l'astre solennel
D'un coeur qui
brûlerait au Coeur de l'Eternel
!
QUEL
SOMBRE AMOUR,
AMOUR...
Mon Ange folle entre les bras
du temps !
Mon Ange folle en l'âme
des autans !
Triste espace de gloire et
d'ivresse diverse :
Quel trouble, ô mon
Amour, en ton amour je verse ?
L'été qui nous
brûlait de ses feux mal
éteints,
Faisait renaître en
nous la gloire des matins !
Qu'est-ce que ce printemps
qui nous brûle les
lèvres
De si terriblement
impénétrables fièvres
?
Le douloureux bonheur de
n'ètre rien qu'ensemble, -
Quand tout, autour de nous,
dans le vent triste, tremble !...
De tous les gouffres nus qui
brillent sur la mer,
Le nôtre, ô mon
Amour, n'est pas le moins amer !
Quel sombre amour, - Amour !
- vient battre la campagne
Quand le bruit de la mer au
loin nous accompagne !...
J'aurai cherché
partout sans le trouver jamais
L'inextinguible feu de
l'âme que j'aimais !
Les mots sont lourds de songe
et je m'en viens tout bas
Infiniment te prendre
à l'ombre de mes bras !
Le vent qui va, qui vient,
qui meurt, qui s'éternise : -
Le vent qui ne veut pas, dans
l'âme làcher prise !...
Te retrouver pareille
à ce lointain rivage
Où j'abordais un jour
au calme de mon âge !
Et rien n'effacera des rives
de la vie
La clameur de la mer par
l'âme poursuivie !
Jusqu'en ce coeur mortel au
fond d'un ciel mouvant
Où ne
s'engouffreraient l'espace ni le vent
!
Triste Amour qui se meurt de
ce qui ne meurt pas
De vivre en ce qui meurt de
vivre à chaque pas !
Il n'est rien qui survive en
nous de ce qui meurt
De survivre au néant
de notre propre coeur !
Semblable à l'ombre
éclose au sein de l'univers,
Ton silence navigue au sein
profond des mers !...
A cette heure mourante
où le désir vient choir
En notre âme
elle-même avide de s'y voir
!...
Notre âme tremble ainsi
qu'un astre sur la mer, -
Et l'ombre ressuscite en elle
son feu clair !
Rêve de sable ! Ivresse
folle ! Coeur fragile ! -
Et ton âme au milieu, -
tranquille, - comme une île
!...
La brume flotte en l'air
tranquille du matin ; -
Mais quels feux en secrets
brûlent dans le lointain !...
Le destin qui nous
mène en un chemin
désert
Nous ouvre les chemins aussi
d'une autre Mer !
Ah ! retourne en la Nuit de
l'Ombre sans retour,
Insupportable Nuit de Mort de
notre Amour !
Plus le soleil dérive
au fond d'un ciel d'hiver, -
Plus mon âme en ton
àme infiniment se perd !...
Et l'espoir crie en nous
comme si nous n'étions
Qu'un songe traversé
de fulgurants rayons !
Si ton être fuyait le
temps qui nous dévore,
Mon coeur t'appellerait plus
que jamais encore !
Par la force du songe et ce
désir de croire
A cette eau dans ton coeur
où je m'en allais boire !
Notre Amour est encor plus
fort que le désir
De survivre à la mort
de ce qui doit mourir !
Des soleils engloutis, de
l'ombre et de la houle,
Se pressent en nos coeurs les
souvenirs en foule !
Le soleil qui s'éprend
de nos plus tristes jours,
S'émeut d'être
toujours au coeur de nos Amours !
Qu'est-ce que le bonheur pour
des êtres qui s'aiment,
Si le gouffre à leurs
pieds s'ouvre toujours quand même
!
O destin plus profond que
l'Océan vivant
Où se perdent les
fleurs d'écume dans le vent !
Traversés par les feux
d'un si terrible hiver,
Vers quelle Source aller
boire dans le désert ?
Ton attente est en moi
brûlante à ce point
même
Qu'elle me rend sans fin
l'âme elle-même blême
!
Dans l'ombre solitaire et
sombre où le vent noir
Nous traverse le corps et
l'âme sans nous voir !
Je te cherche sans fin dans
ce désert sans voix
Où mon être
égaré s'est perdu mille fois
!
Comme le feu s'éteint
quand la cendre se meurt,
Mets toujours un peu plus ton
coeur contre mon coeur !
On épuise le temps
à force de survivre
A la mort du soleil en nous
qui nous délivre !
Je ne respire plus que l'or
d'un songe épars
A travers la lumière
éparse en tes regards !
Que d'angoisse parmi les
roses qui s'en vont
Briller sous le soleil avec
de l'or au front !
Comme l'écho sans fin
résonne à travers l'air,
-
Ainsi ta voix remue en moi
toute la chair !...
Si ta chair est toujours
tremblante en ma mémoire,
C'est par la source
d'âme où l'âme s'en vient
boire !...
Rien ne fera jamais, au fond
d'un ciel qui tremble,
Que mon âme ne tremble
avec ton âme ensemble !
La mer ! toujours la mer ! le
mer vivante et vraie !
La mer - et son
désastre en nous ! - qui nous effraie
!...
Que m'importe l'orage et
l'ombre où le jour meurt, -
Si je sens battre encor ton
coeur contre mon coeur !
Il n'est de ta Beauté
que les ultimes larmes
Pour délivrer les feux
de tes ultimes charmes !
Nulle trace d'errance folle
sur le sable :
Notre âme seulement en
nous reconnaissable !...
Je t'enferme avec moi dans la
nuit de la mer
Que déchire en secret
l'éclat du seul éclair
!
Entendre en moi ton coeur
battre comme j'entends
L'éternité
battre en le coeur du temps !
Tout le ciel redevient
tranquille, ô ma Douceur,
Lorqu'il est à l'image
ultime de ton coeur !
Si mon Amour n'était
qu'un peu de cendre au vent,
T'aimerais-je aujourd'hui
sans cesse comme avant ?
Un jour, nous ne pourrons
sans cesse plus nous voir
Que dans
l'éternité d'un éternel
Miroir !
Mon adorable Enfant de gloire
et de fumée,
Et de silence d'Astre en
l'âme, - ô Bien-Aimée
!...
Si l'heure, en s'enfuyant, ne
laissait qu'une image
En moi, - ce serait celle
encor de ton visage !...
Comme de blancs oiseaux
frôlant la blanche écume,
-
Notre Amour sur les flots
aussi de l'amertume !...
Un jour, il fut un jour, en
notre coeur mortel,
Où les choses avaient
un goùt de l'èternel !
Ton visage a pour moi cette
douceur fragile
Que le temps me vient rendre
en l'âme indélébile
!
Te voici, transparente en
l'or qui s'en vient choir
En l'abîme
éclairé par l'astre du miroir
!
Parmi l'ombre vivante
où mon regard t'implore,
Quel Songe, Amour, surgit du
songe que j'adore ?
Et nous voilà
tremblants devant les rêves
fous
D'un soleil qui ne
brûle encore que pour nous !
La tristesse des jours n'est
pas la moindre chose
Qui donne son éclat au
coeur mortel des roses !...
Et l'àme s'en alla
d'un seul coup d'aile vivre
Où le regard de
l'homme, seul, ne la peut suivre !...
Le désert est en moi
profond comme la mer, -
Et comme l'est
l'éclair de l'âme dans la chair
!
Et qui sauve les nuits et qui
sauve les jours
De ce qui forme en eux les
éternels Amours !
O destin plus profond que
l'Océan vivant
Où se perdent les
fleurs d'écume dans le vent !
Je te regarde vivre et ton
regard sur moi
Tremble comme un soleil qui
brille sur du froid !
Même le sombre jour se
fait de douceur tendre, -
S'il ne me reste encore,
Amour, que de t'attendre ...
Mer étrangement belle
et follement vivante, -
Et tellement pareille au
coeur de mon Amante !
O l'indicible éclair
des feux qui s'approchaient
Quand seulement nos
âmes folles se touchaient !...
Ce qui m'angoisse en toi
quand je t'embrasse encor,
C'est que le Mal un jour
puisse être le plus fort !
Malgré moi, je m'en
vais où ton désir
m'emporte,
Chaque fois que ton âme
en l'âme est la plus forte !
Regarde l'aube claire en
l'âme se levant
Sur notre Amour frileuse et
calme comme avant !...
J'emporterai ton Nom, ton Ame
et ta Mémoire
Jusqu'au coeur d'une mer
où ne meurt pas l'Histoire
!...
MON BEL AUTOMNE
DESOLE
Aucun bruit que le sourd
déferlement
Qui martèle le sol
interminablement...
Et l'âme se sent prise
en un piège de nuit,
Quand le fleuve du ciel
implacablement bruit.
Pleure sur nous, mon bel
Automnse désolé
Par le rire des jours
à nos désirs volé
!
Ah ! cette odeur d'humus qui
monte de la terre,
Quand vient lui rendre l'eau
sa force élémentaire !
Reverrons-nous jamais au ciel
le soleil luire,
Tant la plus triste pluie en
la forêt vient bruire ? -
Mon Amour, dans la nuit de la
forêt mouillée
Que s'abreuve de ciel notre
âme agenouillée
Devant le flot qui vient d'un
ciel qui ne respire
Que d'etendre sur nous son
incroyable empire
De lumière
peut-être où nul ne viendra
voir
Quelle tendresse en nous se
glisse avec le soir,
A mesure que l'ombre en nos
désirs troublés
Frissonne comme un vent
d'ivresse sur les blés
Et nous plonge au plus clair
d'un jour où le jour meurt
De n'être que celui de
notre propre coeur !
VOIS : LES
ETOILES...
Dans le feu de l'Amour et de
la Mort ensemble, -
Quelle Flamme
éternelle en ton Silence tremble
!
Vois : les étoiles
vont une à une s'éteindre
:
Ah ! pouvoir follement ton
âme seule étreindre !
Les soleils endormis dans nos
silences froids
Se réchauffent au feu
des songes d'autrefois !
Feuillage qui frissonne au
petit vent glacé, -
Comme notre âme
même au souffle du passé
!
Le masque de la mort sur les
temps révolus
Ressuscite l'éclat des
jours qui ne sont plus !
Ne pourrai-je jamais, dans le
silence tendre,
Ton ètre inviolable un
instant seul surprendre ?...
Ces feux de phare en la nuit
noire !... - O mon Amour
Qui ne brille jamais si fort
que loin du jour !
Qu'est-ce que ce vent
là qui nous glace la face
Et nous force sans cesse
l'âme à crier grâce
?...
N'acceptons plus, dans
l'ombre ultime, de hasard :
Tout contre moi, viens, mon
Amour, il se fait tard !
Il n'est pas de Silence au
coeur de la Beauté
Qui ne soit le fruit pur de
l'Immortalité !
Mon paysage d'âme
à tes yeux découvert :
Et ton Amour en moi monte
comme la mer !...
Les clameurs de la mer nous
mènent vers l'obscur
Et lumineux
frémissement du geste pur !
Le feu, le vent, le sel de
mer : tout nous dévore
De mortelle brûlure et
d'éternelle encore !
Comme le flot qui roule une
rumeur d'orage, -
Toujours mon en toi vient
battre davantage !...
Le sommeil est en toi comme
la mer profonde
Illumine sans fin l'espace
clair du monde !
Solitude éternelle
où nous brûlons tous
deux
De contraires soleils comme
de mêmes feux !
Cette mer qui s'engouffre en
l'âme avec ses gouffres,
N'est-elle pas semblable aux
gouffres dont tu souffres ?...
O Vivante ! O Secrète
! O folle destinée !
O Lumière - en nos
mains toutes - abandonnée !...
L'Automne resplendit sur le
désert des Rois :
Et le jour qui se meurt, se
meurt entre nos doigts !
L'ARCHANGE
Le mensonge effrayant des
gouffres de l'Abîme
Et qui mène certaines
âmes jusqu'au crime, -
S'empare d'un Soleil
privé de sa puissance
Pour tenter d'en briser
l'incomparable essence
Et fqire qu'il ne reste en
l'Univers vermeil
Que la Mort à jamais
vivante du Soleil !
Quelle incroyable Force, au
fond d'un coeur désert,
Vint installer la mort de
l'âme dans la chair -
Et d'etruire, au secret de
notre plus grand bien,
Ce Soleil sans lequel elle ne
serait rien !
-
Insondable frayeur d'un Jour
qu'on assassine, -
Comme un arbre en plein vent
que l'Ombre déracine !
Et le Désert s'abat
sur nous comme l'éclair
Qui franchit d'un seul coup
les bornes de l'éther !
-
O ce tumulte en l'air, -
épouvantable à croire !
O ce tumulte en l'âme,
- et toute son histoire !
Et ce gouffre, à
l'affut de tous les astres clairs,
Pour qu'y sombre la soif de
vivre en l'Univers !
-
O Présence ! O
tendresse ! O pure Destinée
O Douceur de la mer par
l'Ombre assassinée !
La Mer étincelait,
terrible, sous l'azur, -
Et jusqu'au plus profond
secret du Serpent pur !
Mon Amour a touché la
cime de l'Abîme,
Comme l'éclair d'un
Mal au coeur de l'être ultime,
-
Lorsau'à mes yeux
surgit, de ta Douleur la Cime
Et, - par-delà, -
l'éclat de la splendeur du Crime
!
-
Mais l'Archange qui veille
aux Portes du Silence
Transpercera le coeur de
l'Ombre d'une lance
Qui précipitera, d'un
geste solennel,
Au-delà des tourments
d'un devenir mortel,
Le Mal et le Malheur du
Monde, sans appel,
Pour éternellement,
aux pieds de l'Eternel !
J'ai laissé mon Amour
au bord du Fleuve Noir
Où le vol des Vautours
crève les yeux du soir !
MA DOUCEUR...
Comme la vague au coeur des
flots :
Notre âme pleine de
sanglots !
De notre âme a surgi,
jusqu'en la vaste chair,
Le cri d'une douleur vaste
comme la mer !...
La mer, cette berceuse
effrayante de cris,
Nous fait chavirer
l'âme et perdre les esprits !
Nous dérivons sans
cesse à la face des mers, -
Comme, dans l'infini des
temps, les univers !
O ces terribles jours de
vagues et d'écumes
Où solitairement dans
le désert nous fûmes !
Nous avons
côtoyé l'impitoyable mer,
-
Jusqu'à ce que se
lève en nous le fol hiver !
Semblables à
ceux-là d'une mer en furie :
N'écoute pas mes
gouffres d'ombre, - je te prie !
Ton regard de noyé
dans l'ombre m'épouvante,
Coeur de l'Etre ! -Si c'est
celui de mon amante !...
La mer tumultueuse emporte
les sanglots
Des mortelles frayeurs
humaines dans ses flots !
Tu croyais que la Mer montait
jusqu'à ton coeur, -
Lorsque tu descendais vers
Elle, ma douceur !...
TES MAINS...
O mon Amour, au fil des jours
sans lendemains,
Se libère mon
âme folle entre tes mains !
Tes mains si bellement et si
follement frêles
Qu'elles tremblent au vent
léger comme des prêles
!...
Tes solitaires mains, dans le
désert du soir,
Me transpercent le coeur, -
transi de le savoir !
Je caresse tes mains commme
un fleuve d'eau vive,
Pour que ton sang par lui
jusqu'à mon âme arrive
!...
-
Ton adorable main de gloire
indélébile
Prend mon âme en ses
rêts, - comme la mer une île
!...
Ta main silencieuse
écoute bruire en soi
L'intérieur soleil
d'un ciel dont il est roi !
O main pareille au songe
où la lumière affleure
A cette source d'ètre
en l'être, où l'être pleure
!...
O toi que j'adorais dans sa
clarté première
Et qui n'es plus pour moi -
dans l'ombre - que lumière !
Ta main, comme un feu clair,
au fond de ma pensée ! -
Ta main, par la
Lumière , infiniment blessée
!...
Ta douloureuse main s'imprime
dans mon âme, -
Comme, d'un glaive pur,
l'irrémédiable flamme !
Ta main, vivant soleil perdu
dans les étoiles ! -
Ta main qu'une tristesse
d'âme - seule - voile !...
SOUFFRANCE
O présence vivante en
nos regards blessés,
De la souffrance en nous des
gouffres traversés !
*
Tellement l'ombre immense
emplit le coeur des jours
Que surgissent les pleurs au
coeur de nos Amours !
Il n'est d'âme
inquiète autant quer l'est mon âme,
-
Lorsau'en moi ta souffrance
inexprimable clamme !
-
Souffrirais-je ici-bas jamais
ce que je souffre,
Sans ta blessure ouverte en
l'âme comme un gouffre ?
Lorsau'en moi brusquement
pémètre la douleur, -
C'est ton âme d'un coup
qui m'entre dans le coeur !
Si ton coeur devenait
blessé comme une armure, -
Coulerait de ton sang le flot
par la blessure !
-
Si le Malheur t'assaille en
ta vérité pure,
Il n'est pire souffrance, -
en l'âme, - que j'endure !
Ta Douleur, -
Lorsau'en toi le seul Malheur
respire ! -
Brûle plus en mon coeur
que l'or en son empire !
Les tourments de la nuit
naviguent sur la mer, -
Comme les mouvement s de
l'âme dans la chair !
Sous un ciel longuement battu
des sombres flots,
Je t'apporte la mer immense
des samglots !
-
La souffrance ressemble au
feu de la forêt
Qui détruit tout sur
son passage et disparaît,
Ne laissant que de l'ombre en
nos regards épars,
Comme si ce n'était
que l'âme des hasards !
-
Ah! Qu'est-ce que l'Amour
pourtant sans la souffrance ?
Et qu'est-ce que l'Amour sans
la présence
D'une soif telle que l'on
n'en peut guérir ? -
La souffrance est un lien
plus fort que le désir !
*
Ton Amour envahit le fond de
ma Douleur
De telle sorte enfin qu'il
m'en per a le coeur !
LE FROID QUI VIENT DE
L'AME...
Nous vivons l'un et l'autre
et ne savons pourquoi
Notre âme par moment si
follement a froid, -
Comme si, par le flot qui
coule dans nos veines,
Nos âmes
n'étaient plus que de tristesses
pleines
Et comme si le ciel où
s'enfuyait l'espoir
Ne brillait plus des feux que
d'un seul Astre noir !
La terrible douceur des
vagues de la mer
Nous rend l'âme, le
coeur, le corps et l'esprit clair !
La blessure des jours que
nous croyions heureux
Creuse en nous la tristesse
immense de nos yeux.
Ton feu comme un soleil,
brille sous ta paupière,
De tout le tendre
éclat de la clarté première
!
O soleil désolé
des gloires qui s'en vont
Se perdre en l'ombre immense
avec de l'or au fond ! -
-
Tandis que s'enfuyaient au
loin de grands oiseaux
Dont les ailes couvraient
notre âme sur les eaux !...
La lumière diffuse en
l'âme s'atténue
A mesure que l'ombre emplit
de mort la nue !
Tout bascule et
l'été se cherche à travers
l'or
De tout ce qui n'est plus
pour l'âme qu'un décor !
Le feuillage s'éteint
dans le désert du froid, -
Comme si le soleil mourait
à travers moi !
Viens vers moi, viens vers
moi, Silence qui m'oppresse
D'un surcroît de
douleur au fond de ma tendresse !
Vienne l'ombre fugace et
sombre pour n'y voir
S'engloutir que
l'éclat d'un grand Soleil du soir
!
Le tumulte effrayant
d'impénétrables eaux
Faisait fuir en nos coeurs le
vol des grands oiseaux !
Et nous ne savions plus alors
dans la pénombre
Quel était notre corps
et quelle était notre ombre,
Et si l'âme pouvait
encore devenir
Quelque chose de plus qu'une
âme, - ou d'en mourir !
Par un déferlement de
forces si tragiques
Qu'elles envahissaient notre
être sans répliques
Et plongeaient notre Amour en
l'univers secret
D'un tourbillonement dont
l'âme se mourait !
Dévore le
désert qui brûle dans ton
sang,
Solitude vers quoi tout mon
soleil descend !
-
L'étincelant soleil
qui brille sur mes jours
Est le pire qui brille aussi
sur mes Amours :
S'il ne remplit d'un coup la
solitude entière
De l'étincellement
vivant de sa lumière
Et s'il ne détruit pas
la mort au coeur du temps
Qu'exalte dans ses flots la
gloire des autans ; -
Car tout alors est vain de ce
qu'il illumine ;
Il n'est d'âme qui soit
sous le soleil divine ;
Et plus rien ne
résiste au feu qui brûle en
moi
De l'hiver qui m'emporte au
songe clair du froid !
Le froid qui vient de
l'âme est le plus sombre foid
Qui puisse mettre l'âme
un jour en désarroi !
" J'ai froid, dit mon Amour,
et c'est comme si l'ombre
M'enveloppait d'un voile
impénétrable et sombre ;
-
Le ciel ni le soleil ne
viennent plus en moi
Me réchauffer un peu
l'âme et le coeur par toi ! "
Ah ! se peut-il qu'il soit en
l'univers possible
Que le soleil du froid prenne
ton coeur pour cible ?
"J'ai froid", dit mon Amour,
- Et c'est alors en moi
Comme si tout le ciel des
astres avait froid !
EURYDICE !...
Orphée, ô
follement mon Frère, en ton
regard
N'as-tu perçu trop
tôt ce que j'ai vu trop tard
?...
-
Eurydice ! Eurydice ! Au fond
d'un ciel qui meurt !
O mortelle immortelle et
Folle de Douleur !
Eurydice ! Eurydice ! O mon
Amour ! Ma soeur !
Quel Abîme s'engouffre
en l'Ame de ton Coeur ?
JE T'AIME
PAR-DELA...
Tout devient clair en nous :
le ciel et les étoiles ;
Le vent qui nous portait sur
d'invisibles voiles :
N'était cette blessure
au coeur de l'éternel,
Qui nous brisait le coeur
comme d'un coup mortel !
Si les mots ne sont rien
qu'un peu d'écume frêle,
La part d'âme qui vibre
en elle est immortelle !
Quelle tristesse va se perdre
dans le soir ?
Quelle tristesse va se perdre
en ton miroir ?...
Je ne recherche en toi que ce
qui transfigure
Ton visage immortel en
éternelle épure !
Comme je fus toujours sur
terre à ton côté,
-
Tu ne seras pas seule en ton
éternité.
Je t'aime par-delà le
vent dans les roseaux ;
Les mouvements du bruit des
effrayantes eaux ;
Les orages trouant et
déchirant les airs,
Comme le fait l'Amour
tragique dans les chairs !
Je t'aime par-delà les
rires de la mer, -
Et les mortelles soifs du
vent dans le désert ;
Et tout ce qui se meurt en
l'âme et qui respire, -
Et tout ce qui nous tient sur
terre en son empire !
Je t'aime par-delà le
Songe le plus fort
De ce qui brise en nous les
forces de la Mort !
Personne devant toi ne foule
le rivage
Que déserte la mer en
son reflux sauvage !
Si la Mort tremble un jour de
peur entre tes cils, -
Ses gouffres d'ombre folle en
l'âme, quels sont-ils ?...
Ne redoute de voir au fond de
ton désir
Ce qui meurt de survivre
à ce qui doit mourir !
O durable Visage où le
soleil vient boire
Le silence de l'ombre au
coeur de la mémoire !
La mémoire n'est rien
sans ce qui transfigure
L'éternel devenir en
l'éternelle Epure !
Je t'aime par-delà le
seul désir de vivre ; -
Je t'aime où la mort
même ne peut nous suivre !...
Que peuvent les soleils des
jours que le vent sème
En face d'un Soleil plus fort
que la Mort même ?
Ah ! qu'importe la nuit qui
nous prouve le jour,
Si le jour se prolonge encore
en notre Amour !
Comme un Fleuve soudain de
haute Soif arrive
Pour sauver ce qu'il reste en
l'âme encor d'eau vive !...
Telle est ma soif de toi que
je ne puis pas croire
Que je cesse à ta
source une heure d'aller boire !
Que se lève ton Jour
naissant d'entre les pleurs, -
O Beauté, qui te veux
maîtresse des douleurs !
Et que sans fin palpite en la
nuit ténébreuse
Ce Coeur qui fera fuir en
nous la mer peureuse !...
Après la gorge
étroite et les sombres
allées,
Où donc seront,
Seigneur, nos âmes en allées
?...
Nous savons qu'au-delà
de notre ultime soir
Plus rien n'empêchera
nos âmes de se voir !
Le silence des jours et la
splendeur des nuits
Passeront sur ton âme
et l'être que je suis
Sans que la
Vérité suprême ne
désarme
Et ne fasse jaillir la
précieuse Larme
Qui viendra du
tréfonds de notre coeur mortel
Ressusciter en nous le feu de
l'Eternel !
Ah ! détruire des
ailes d'ombre l'envergure
Et mettre du soleil au fond
de la figure
De l'univers d'un coeur qui
tremble de pouvoir
Survivre à de la mort
fatale et de savoir
Dans le secret profond des
choses indicibles
Que les Soleils d'en-haut
sont toujours pris pour cibles, -
Tellement les Soleils qui
brillent dans le noir
Sont les seuls que notre
âme infiniment peut voir !
Ce pouvoir incroyable et pur
comme de l'or
De t'aimer pour toujours
après la mort encor !
Je n'abandonnerai ni
n'oublierai jamais
Les jours où follement
sur terre je t'aimais ! -
Et rien n'arrêtera mon
coeur dans la clarté
De t'aimer, plus qu'avant,
toute l'Eternité !
CE SOIR,
IL FUT UN SOIR...
Ce soir, il fut un soir
où plus nous ne
vécûmes
Que de désirer rien
que ce qu'alors nous fûmes,
Et sans que rien ne puisse en
l'âme nous guérir
De ce qui nous fit vivre en
l'âme d'en mourir ;
A mesure que l'ombre avance
vers nos pas
D'une façon souvent
qu'on ne reconnaît pas,
Comme un flux chaque jour de
grande mer sauvage
Qui dévaste un peu
plus la plage davantage. -
Te retrouver toujours
où le coeur sans défaut
Ne cessera jamais de battre
comme il faut,
De ce rythme profond que nul
malheur n'égare
Et qui brille en nos coeurs
comme le coeur d'un phare !
Et notre coeur se serre
encore en ne songeant
Qu'à ce qui fut notre
âme en l'Ame voyageant,
Plus loin que le contour des
formes
éphémères,
En leur secrètement
sérénités
amères,
Pour mieux appréhender
en nous de l'avenir
Ce qui nous gardera sans
cesse de mourir !
Le regard que je porte
à ton regard vivant,
Est plus fort que la Mort qui
règne comme avant ;
Si toujours le destin sur
nous se précipite,
Les forces de l'Amour plus
que la Mort vont vite,
Qui, traversant d'un bond les
rives de la mort,
Avant même le terme
inscrit de notre sort,
Nous précèdent
déjà dans l'or de ce qui ne meurt
pas
Au coeur de tous nos
rêves d'ombre d'ici-bas. -
Ne tremble pas devant la Mort
inévitable :
Il n'est rien qui ne soit
dans l'âme perdurable
Et qui n'emporte au fond des
insondables cieux
Le bonheur qui nous vint dans
l'âme par les yeux !
O Lumière, que rien
n'arrête dans sa course !
O Lèvre suspendue
à l'eau de quelle Source !
Lorsque par la fenêtre
ouverte sur l'abîme,
Nous ne sûmes d'un coup
vers quelle ultime cime
Nos silences, parmi tant
d'ombre reconnue,
S'en allaient retrouver
l'éternité perdue !
O lointain
préservé de tout fatal
malheur,
mais qui ne connaîtra
pourtant que la douleur -
A travers des éclairs
de passion si vive
Que la mer n'en connaît
d'égale sur sa rive,
Lorsque le souffle fou d'un
vent d'un âpre voix
Active les Chevaux d'un
Océan de Rois
Et que la force alors des
vagues dans les airs
Emplit d'une rumeur sans fin
les Univers !
Le Silence t'a prise entre
ses doigts tremblants
Et ton Visage d'ombre est en
pleine Lumière !...
AMOUR
PLUS FORT
QUE LE MAL,
QUE LE MALHEUR ET QUE LA
MORT, -
EN DIEU !