retour à la page d'accueilDÉSIR DE MON DÉSERT
A mes enfants.
Si mon visage
A découvert
T'offre l'image
De mon désert,
A toute course
Abreuve-toi
D 'une autre Source
A travers moi !
Le calme du site
En dehors de moi,
Mais quel, sous mon toit,
De mes dieux s'agite ?
Dans la mer où tout sommeille
Sous la liquide apparence,
Quelle consomption danse
Au feu de mon coeur pareille ?
Si fort me touche
Ton verbe en moi
Quand d'or ta bouche
Parle d'un roi,
Que j'ôse dire
D'un verbe encor
Qu'il n'est empire
Sans bouche d'or !
Pour un jeune moniale qui se meurt seule dans un couvent
Et le printemps, et le printemps,
Et les orgues de barbarie
Avec les airs qui sont dedans,
Et les roses quand le vent crie,
Et la douceur des soirs aimés,
Les nuits de folle inquiétude,
Et les matins pour vous calmer
Dans votre amère solitude,
Les jeux, les ris et hélas,
Toutes ces choses de la terre
Qui vous gonflent le coeur tout bas
De façon grave ou plus légère,
Ah ! qu'est-ce donc que tout cela,
Qu'est-ce que tout cela peut faire,
Je vous le damande ma Mère,
Quand vous mourez entre vos bras ?
Parfait tourment qui nous dévore !
Le temps s'enfuit comme l'aurore
Aux bords glacés de la prison
Dont l'âme obscure retient l'ombre... -
Mais qu'est-ce, l'ombre la plus sombre,
Aux coeurs mordus par les saisons,
Si de nos jours encor le nombre
Laisse flotter sur les décombrtes
Un peu d'azur et de raison ?
Deux yeux de flammes
Sur le plafond,
Venus de l'âme,
Tournent en rond ;
Se cherchent, s'aiment,
l'instant profond
Où nul quand même
Ne les confond ;
Leur double quête
tremble, repart
A la conquête
Du seul regard ; -
Feu qui s'égare
De ma raison
En quel bizarre
Objet que font
Ces flammes miennes
Qui viennent, vont,
Et se souviennent
Sur le plafond !
DÉSIR DE MON DÉSERT (Ecriture)
Désir de mon désert !
O songe illimité
De l'âme qui se perd
Au fond de ta clarté !
Une constante loi
D'un univers torride
Me hante, par l'effroi
De la pâleur du vide.
Soleils en moi liés !
Nulle eau rafraîchissante
Ne baignera les pieds
De ma nature errante.
Je suis ce que je suis :
Douleur et plaie ouverte -
Ouverte sur les nuits
De ma maison déserte.
Du vivre et du mourir,
Dans l'ombre tout s'effrite, -
Où je me précipite,
Désert mon désir !
Quelque mirage que poursuive
En l'ombre même de ma chair
Un tel remous de source vive
Qu'il la supporte, encor dans l'air,
Vogue, mon coeur, à la dérive
Sur une impérieuse mer
A la recherche d'un désert
Où rien jamais ne se survive
Que la douceur d'avoir souffert !
Par les volets et la fenêtre
Tu te glisses démesuré
Jusqu'à l'être de nuit muré
Qui saura bien te reconnaître.
Qu'apportes-tu dans tes rayons
Qui me percent de tant de flèches
Que j'en revis ? Soleil, dépêche !
Et toi, mon âme, appareillons !...
Appareillons, la belle affaire !
Mais sous quel vent et pour quels cieux ?
Le départ est délicieux,
S'il suffit de quitter la terre.
Arriver est le bien profond !
Au-delà de l'embarcadère
On s'aventure pour Cythère, -
Quand l'amertume gît au fond.
"Fuir ! là-bas fuir ! " Chère fumée
En quoi se fond le devenir !
S'il n'en reste du repentir
Jusque dans l'âme consumée...
De la chimère en mouvement
Ainsi dans l'or se transfigure
La merveilleuse architecture -
Et s'évapore en un moment...
Hors donc, Soleil, de ma mémoire !
Si tous ces jeux de feux divins
Ne sont qu'un peu de rêves vains
Et fruits d'une impossible gloire,
Le front plongé dans l'oreiller,
Je veux, non plus pour tes mirages,
Mais enfin seul et mon image,
Dans ma nuit même appareiller !...
Me voici nu, me voici mort ;
Me voici tel que dans mon corps
J'étais, sans le vouloir paraître :
Rien que néant sous le décor,
Etre aux limites du non-être ;
Mais paradoxe de mon sort :
L'étrange aveu d'un dieu qui dort...
Lorsque la glace sera prise
Sur les étangs empoisonnés,
En ces jours de froidure grise
Et de soleils emprisonnés,
Reconnaissant de quelle crise
Le vent, du fil de son rasoir,
Tranche le noeud, tu pourras voir
De la fange toute surprise
Naître la face d'un miroir !
Par cette chair qui t'emprisonne
Dans les limites de l'instant,
Ne rêves-tu, nombre ou personne,
Avec ce coeur qui va battant
Contre le temps qui déraisonne,
D'aller te perdre, en maints détours,
Au plus profond d'une onde amère
Ou te plonger dans la lumière
D'une musique pour toujours ?
Te voilà donc, coeur d'homme,
A battre à l'unisson
De ce monde, vieux comme
Sa plus vieille chanson ;
Les vers dessous la terre
T'attendent sans remords, -
Que reste-t-il à faire
Encore chez les morts,
Sinon de croire à l'âme
Plus que jamais, plus fort
Que l'on croit à la flamme
La nuit, quand le sel mord
Toute chair consumée
Par l'ancien désir
D'où monte la fumée
D'encens du repentir,
Jusqu'à ce clair poème
En soi, toujours vivant,
Qui bat comme Dieu même
Au coeur de son enfant ?
Rien ne dure (plus que paille
A jamais dans le feu vif)
Que cette âme - coeur, entrailles, -
Jusqu'au Dieu définitif !