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Eau-forte par ANDRÉ JACQUEMIN
GM
A
notre Ami
de
haute mémoire,
Gustave THIBON,
dont la pensée
nous apparut
comme la lumière
d'un grand Arbre
émerveillé.
Ex imo corde.
Ginette et Maurice COURANT.
Les grands arbres, surgis des ronces de la nuit,
Se dressent comme un feu dans le soleil superbe !
De quel songe végétal
Éclaté d'écorce dure,
Surgis-tu, bel Animal,
Mi-licorne mi-cheval
Et tragique à faire mal, -
Dont nous fixe l'oeil brutal
De briller, contre nature,
Dans un jour - phénoménal !
Enchevêtrement d'ombres ! Signe
Où s'organise le détail
D'une nervure de vitrail, -
Quand ne circule en chaque ligne
Que le sang pur d'un noir poitrail !
De désir architecturée
Jusqu'en ta pointe la plus fine ; -
Toute pourtant de nuit murée,
Crève, d'espace et de durée,
Absence d'air qui t'assassine,
Dans un silence que domine,
Des ailes mortes, la curée !...
Intransigeance de l'idée !
Brûle, sombre linéament,
De gloire tout élucidée,
Coeur privé d'astres brusquement,
Comme d'or, négativement,
Vers quelque immense ciel dément,
S'exprime l'âme, - d'air, vidée !
Arbre de fer ;
Silence ; exil.
O froid péril
D'Amour amer ! -
En ce désert
De sombre chair,
Le calme et fier
Espace clair
Du coeur d'hier,
Où donc est-il ?
Mordu de lumière exacte :
Excroissance du mouvant
Qui scelle avec l'ombre pacte ;
Vivant mort et mort vivant ;
Tel que dans un songe l'acte
D'un rameau sans gel ni vent.
Déchaînement de l'envergure
Où s'emprisonne le décor
D'un azur dont la démesure
Se saisissait de l'âme encor,
Comme si toute la nature
Amassait dans ton geste fort
De sève folle et de ramure -
Pour le fixer d'une blessure
Au plus haut point de ton essor,
Ce gouffre enfin d'ivresse pure
Où s'en venait mourir la mort !