Serge Brindeau,
à propos du recueil
Amare doloris amor (1992)
La douleur n'est pas aimée pour elle-même, mais, dans les blessures que laissent les amours - et le plus haut Amour -, elle est révélatrice d'être.
Amare doloris amor... Ici, la chair fait corps avec l'esprit, dans l'expression comme dans l'exigence spirituelle dont ne cessent de témoigner la profondeur et l'élévation des poèmes de maurice Courant.
L'amour humain, de l'origine à la mort - cette mort que l'effacement du soleil laisse pressentir sans que la nuit anéantisse l'espoir, la certitude du jour qui va renaître - s'épanouit dans la Lumière, depuis le fond des âges et jusque dans les instants - si proches de l'étenité - où les ténèbres menacent de nous terrasser.
Si la poésie de Maurice Courant se présente sous un aspect classique - on pourrait penser à Racine où à Jean de Sponde - c'est par esprit de rigueur, aspiration à la perfection, dans le sentiment (au sens pascalien d'une intuition confortée par la foi) de l'harmonie qui unit l'homme à la femme, l'âme individuelle à l'Ame du monde, la beauté de la forme - jamais figée, jamais routinière - à la célébration d'un univers en devenir.
Le feu qui brûle en ces poèmes comme "un long cri" de l'âme au travers des épreuves, des joies, demeure quête d'Absolu, recherche de l'"inaltérable"
Serge Brindeau , Les Saisons du Poème, été 1992.
Serge BRINDEAU
à propos du recueil
"Insaisissable", 1996
L'Insaisissable de Maurice Courant est composé de vingt-six poèmes courts, de deux à sept vers, obéissant à une métrique traditionnelle, et présentant l'originalité, à l'exception du distique liminaire, d'être construits, avec une grande richesse syntaxique, rigoureuse et unitaire, sur un système de deux rimes seulement.
L'Insaisissable, dans l'ultime poème, n'est pas nommé. Mais toute la pensée des poèmes s'oriente dans la lumière - c'est le mystère de la Foi - vers l'Ombre à laquelle l'âme aspire. Le Nom est prononcé dans un quatrain qui dit l'essentiel :
"Ce n'est pas de croire à la mort
Qui t'a fait connaître Dieu, -
Mais, au fond de l'âme qui dort,
La naissance même du Feu!"
Insaisissable est suivi du texte d'une conférence prononcée par Louis Leviennois au cercle Alienor, à la Brasserie Lipp, le 10 octobre 1987, sous le titre entièrement justifié : Universalité de Maurice Courant. Louis Leviennois, pour qui la poésie n'est, en son essence, ni croyante, ni agnostique, voit en Maurice Courant un poète hanté par le "sacré". Partant toujours du concret, le poète doit vaincre le mal omniprésent, lutter contre la blessure inhérente à l'existence, vaincre l'obstacle de la mort, pour tenter de répondre à son désir d'Infini. C'est dans le rapport vivant qu'il entretient avec les mots que Maurice Courant accède à l'universel.
Voici un livre qui nous procure un double plaisir. la qualité de l'analyse, qui établit une relation étroite entre les moyens techniques et la finalité de l'expression, s'ajuste en tout point à la perfection du poème.
(Les saisons du Poème, hiver 1996)
Serge Brindeau :
Compte-rendu critique de l'essai de Maurice Courant sur la revue Points et Contrepoints.
Les animateurs de la revue Points et Contrepoints se sont toujours présentés comme les mainteneurs d'une grande tradition de la poésie française. " Quarante années d'existence au service d'une certaine idée de la poésie" : c'est ainsi que Maurice Courant présentait, en 1975, l'oeuvre de ses amis. Formule assez fière, un peu gaullienne ("une certaine idée de la france"), un peu platonicienne (il suffit de la transcrire en lettres capitales pour que l'I de IDEE se pense majuscule). Ne s'agit-il pas de préserver, contre toutes les menaces de destruction qui pèsent sur notre civilisation, l'essence immuable de la Poésie?
Le premier numéro de la revue fondée par René Hener et Jean Romann en 1935 ( elle s'appelait alors Le Contrepoint) s'ouvrait sur un liminaire dans lequel on pouvait lire : nous n'avions pas le droit de laisser, sans agir, les jours s'écouler, à un moment où notre civilisation est en danger. Il nous parut nécessaire d'appuyer de toutes nos forces les idées que nous estimons capables d'assurer le salut". Défendre "la permanence et la qualité des valeurs françaises" apparaissait à ces jeunes héritiers de la Grèce antique et de la Rome chrétienne comme un double devoir : devoir de l'"homme de lettres", devoir du citoyen". Bien qu'on se voulût à l'écart de toute "chapelle" et de toute "coterie", et qu'on se gardât d'entrer dans les querelles de la "politique", il y avait du Barrès et du Charles Maurras - poète méditérranéen - dans l'air.
A ce que Maurice Courant appelle encore, pour en tenir grief aux surréalistes, la "désarticulation forcenée du langage", la "recherche constante de l'insolite pour lui-même", l'"accumulation plus ou moins gratuire des images", la "confusion soigneusement entretenue du sens commun des mots", la "désintégration de toute pensée", les auteurs du liminaire de 1935 entendaient opposer, dans le respect du "beau", du "bien", du "vrai", une recherche lucide de l'ordre et de l'harmonie. Une telle conception impliquait l'acceptation des règles d'une poétique conforme au génie de la langue et, plus profondément - dans l'esprit de René Hener et de ses collaborateurs -, la reconnaissance des lois sur lesquelles ces règles se fondent.
La collection de Points et Contrepoints comporte, en avril 1978, outre les vingt-six livraisons antérieures aux années de guerre et d'occupation, cent vingt-six numéros d'une grande homogénéité de contenu. La revue, toujours dirigée par René Hener, assisté de Jacques Marlet, a pour rédacteur en chef Jean Loisy, qui, de trimestre en trimestre, exprime dans un éditorial mesuré et nuancé, la fidélité des poètes qu'il aime réunir à l'exigence de qualité, de rigueur, dont se réclamait le projet initial.
Jean Loisy ne cache pas ses préférences, ni ses réticences. Son goût demeure délibérément classique. On ne lui fera pas admettre, malgré l'importance historique et les mérites personnels qu'il reconnaît à Tristan Tzara et André Breton, les tendances nihilistes qu'il dénonce dans le dadaïsme et le surréalisme. Il ne cessera de défendre la perfection du sens, la perfection du son - dans la structure du poème, de la phrase, du vers, dans le choix des formules prosodiques, des rythmes et des rimes -, il appréciera surtout cette perfection dans ce que Paul Valéry appelait l'accord du son et du sens. Mais il veille à éviter tout dogmatisme, tout sectarisme. Attaché au patrimoine culturel, il ne refuse pas la nouveauté. Au contraire, il aime rappeler, encore qu'il n'établisse pas de discontinuité entre la prose et la poésie, que le classicisme en poésie, n'est pas le prosaïsme. Professer que la poésie prolonge la prose par un langage plus élevé, plus imagé, plus harmonieux, plus digne encore de s'inscrire dans la mémoire des hommes et mieux approprié à cette fin, cela n'autorise pas à céder à la facilité des redites, des pensées conventionnelles, des sentiments vulgaires. La grande loi est celle de l'équilibre : équilibre entre la pensée et l'expression, entre l'idée et le sentiment, entre la tradition et l'évolution, ou - comme aurait dit Apollinaire, entre l'Ordre et l'Aventure. Jean Loisy n'ignore ni Claudel, ni Milosz, ni Saint-John Perse, ni Desnos, ni Henri Michaux, pas plus qu'il ne lui viendrait à l'esprit, dans les arts plastiques ou la musique, de rejeter Nicolas de Stael, Brancusi, Xenakis. L'art et la poésie "modernes" complètent l'art et la poésie traditionnels, les aident à s'accomplir.
Voici, de Jean Loisy, une déclaration qui nous semble exemplaire : "On peut se demander si le principal progrès que réalise un homme, et même un critique, au cours de sa carrière, n'est pas de comprendre, d'admirer, d'aimer ceux dont les tendances ou la technique, au départ, le heurtaient. Le rejet violent de ce qui ne nous ressemble pas est bien plus un signe de faiblesse que de force et l'on éprouve de grandes joies aux découvertes tardives" (Points et Contrepoints, n° 91)
Nous admettrons aisément avec Jean Loisy que la lignée Nerval-Baudelaire-Rimbaud ne devrait pas nous faire oublier d'autres cheminements de la poésie : Racine-Mallarmé-Valéry, Villon-Corbière-Apollinaire, La Fontaine-Jammes-Supervielle, Chénier-Moréas-Toulet.
Venus de lieux si différents, il est sans doute une zône où les poètes pourront plus facilement se rencontrer. Un Jean Rousselot trouve sa place à Points et Contrepoints comme il la trouve tout naturellement, avec sans doute un certain décalage dans le choix des textes, au Pont de l'Epée - les lecteurs de cette revue savent pourtant avec quelle verdeur l'ami Guy Chambelland oppose sa sensibilité poétique à tout ce que représente à ses yeux la revue dont nous essayons aujourd'hui de parler objectivement.
La sympathie de Points et Contrepoints pour des poètes tels que Jean-Claude Renard, Pierre Emmanuel, Charles Le Quintrec, ou comme Paul Fort, Vincent Muselli, Maurice Fombeure, ou encore comme Marie Noël, ou Jean Cocteau, - j'ajouterai, au hasard des pages, Claire Laffay, Jean Bancal, Pierre Loubière, cette sympathie nous aidera-t-elle à rejoindre, de proche en proche, des auteurs à distance plus ou moins grande desquels nous nous sentions retenus - sinon tenus?
René Hener et les animateurs qu'il a groupés autour de lui, Jean Loisy, Elisabeth Borione avec ses vivantes "Images" des poètes, André Blanchard, Jean Pourtal de Ladevèze, Jean-Baptiste Morvan ont voulu faire, selon le titre de l'Anthologie de Points et Contrepoints, un...certain choix de poèmes. Ce choix contestataire à sa manière, sera contesté à son tour. Disons, avec une ambiguIté qu'excuse peut-être la difficulté de justifier en quelques lignes un choix différent - ou plus largement complémentaire -, qu'il mérite de l'être.
Serge Brindeau
Elisabeth BORIONE
A propos du recueil
L'ECLAT DU JOUR QUI MEURT (1988)
(Art et Lumière - Paris)
Les yeux levés vers la lumière, indissociable de l'ombre puisqu'elle peut devenir "ténébreuse" selon le titre d'un précédent recueil, Maurice Courant évoque les rayons du crépuscule qui n'est certes pas le sien. Cette heure permet au poète de prendre ensemble le jour et la nuit comme il le fait pour la présence et l'absence, la vie et la mort. Tout est contraste dans l'unité ; c'est ce qu'il constate en lui et il se demande "De l'un ou l'autre visage / lequel des deux est le plus vrai". Car le poète s'interroge sans cesse sur lui-même et son mytère qui le fait soupirer "le flot qui me décole est celui qui m'enivre ; il est vrai que c'est là navrante ivresse / du pauvre coeur que nul ne blesse / d'un vrai bonheur". A la recherche de vrai bonheur qui vient seulement de la Lumière Essentielle le poète nous entraîne avec lui au long de ces poèmes qui ne sont qu'un long poème d'Amour.
Même en partant d'un point de départ extérieur, que ce soit une sauterelle ou une statue antique (car chez lui tout devient Poème) Maurice Courant nous fait pénétrer au tréfond de lui-même avec une extraordinaire pudeur et il me plaît que Gustave Thibon ait déclaré : "Ces poèmes replendissent comme des secrets ciselés".
Délicates ciselures en effet que ces poèmes la plupart très brefs où les mètres les plus courts s'enlacent pour enclore parfois l'idée et le sentiment en une seule phrase : et cette mélodie mystérieuse conduit au secret malgré la simplicité des mots.
Mais en gardant le secret du poète elle nous permet de pénétrer le nôtre en regardant nous aussi "le plus lointain paysage/ de notre inaltérable coeur".
Elisabeth Borione : Cahiers de Littérature et de Poésie, avril, mai, juin 89
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Elisabeth BORIONE
IMAGE DE MAURICE COURANT
Quel monstre ténébreux, étranger en moi-même...
Dévore dans mes traits le visage que j'aime,
Et livre à mon regard cet autre que je suis?
M. Courant.
A chaque fois que je commence une nouvelle "image" une inquiétude me vient, que le portraicturé ne se trouve pas ressemblant. Aujourd'hui il ne devrait pas en être ainsi puisque Maurice Courant m'a déclaré "qu'il n'était jamais sûr de son propre visage" et soyez certains que s'il ne se reconnaît pas dans le portrait que je lui présenterai il ne m'en fera point reproche mais se blâmera de ne pas m'avoir offert une apparence qui le révèle mieux. Pourtant nous comprenons bien que ce ne peut être un masque, ce visage mobile et frémissant, aux yeux clairs reflétant la lumière frisante des Mauges, au sourire franc, dont la subtile malice se fond soudain en mélancolie.
La crainte de n'être pas lui-même n'ajoute qu'un scrupule de plus à ce scrupuleux. Approchons-nous de sa table de travail. Regardez la pile de feuillets entassés où s'inscrit le dernier poème; et je dis bien la pile de feuillets quoiqu'un poème de Maurice Courant n'ait souvent que quelques vers : à chaque correction l'oeuvre est réécrite en entier et les versions multiples se superposent - différentes parfois d'un mot, voire d'une syllabe - jusqu'à celle qui satisfaira enfin, ou presque, cet éternel insatisfait.
Ne croyez pas pour autant que l'art soit son souci majeur; sa sincérité reste entière, et pour lui la beauté et la vérité ne se peuvent séparer.
Bien rarement un cri lui échappe :
Je suis ce que je suis,
Douleur et plaie ouverte,
Il préfère recommander la discrétion la plus hautaine:
Couvre-toi d'un triple rempart,
cela ne change rien à sa vérité. Seulement il ne pense pas que l'inspiration perde de son authenticité à un travail minutieux, au contraire; il voudrait, me dit-il, "une oeuvre consciente du premier au dernier vers" une oeuvre construite comme un temple grec dans sa perfection rationnelle.
C'est que, pour Maurice Courant, rien n'est vrai, rien n'existe hormis la perfection. Il a beau dans la glace étincelante de l'étang voir
De la fange, toute surprise
Naître la face d'un miroir.
il souffre de la fange invisible et la dualité humaine lui est une douleur incessante. Jamais content de soi le poète franchit dans son analyse pénétrante
Le rivage imploré de connaissance extrême
pour faire tendre toute son oeuvre vers l'Absolu, vers Dieu. Poésie de l'âme, poésie de lumière que celle-ci. Il suffit à Maurice Courant des jeux d'une lueur dansante pour rêver d'un amour spiritualisé :
Deux yeuxs de flamme
Sur le plafond,
Venus de l'âme,
Tournent en rond.
Maurice Courant pourrait par là être amené à une poésie métaphysique tout abstraite, ce n'est point le cas : le poète est toujours présent, bouleversé du mystère de l'homme, bouleversé du mystère du poète puisque par un curieux paradoxe se fait entendre en cet être si faible
L'étrange aveu d'un dieu qui dort.
Ce destin du poète, il le nierait volontiers tant il a peur comme il me le dit "de se prendre pour ce qu'il n'est pas". Il est plus étonné qu'effrayé d'être appelé à dispenser la mystérieuse vertu de la Poésie. Et cependant il lui faut bien admettre que ce qu'il apporte le dépasse lui-même :
Si mon visage
A découvert
T'offre l'image
De mon désert,
A toute course
Abreuve-toi
D'une autre Source
A travers moi !
Il paraît à quelques-uns surprenant que de telles méditations s'inscrivent en tout petits vers. Pour qui sait le goût de Maurice Courant pour la densité d'écriture, rien de plus naturel. Il a beau connaître toute la valeur du langage :
Il n'est empire
Sans bouche d'or
Il cherche à aller plus loin, et aspire à "la dernière chance"
De cueillir enfin ce fruit : le silence.
D'une adolescence solitaire, d'une jeunesse qui a appris difficilement à accepter le rude contact du monde, Maurice Courant a gardé un sens extraordinaire de la solitude. Autrement, comment eût-il pu peindre cette jeune moniale au seuil de l'infini, mourant dans l'isolement de ses bras refermés? Maurice Courant, cet ami entre les amis, ne supporte pas la foule. Cela ne l'empêche pas de communier avec la douleur humaine et il peut s'écrier :
Te voilà donc, coeur d'homme,
A battre à l'unisson
De ce monde, vieux comme
Sa plus vieille chanson.
Mais si d'aventure vous rencontrez Maurice Courant dans le métro vous ne reconnaîtrez pas dans ce visage crispé et lointain, le Vendéen souriant qu'une marche en forêt rend à son climat naturel et vous comprendrez pourquoi il est tourmenté par le désir de son "Désert" qui n'est pas stérilité affligeante mais dépouillement et nudité, comme la vérité.
Point et Contrepoints, Septembre-Octobre 1965
Michel CANAVAGGIO (note)
En hommage à Gine et Maurice Courant
Au grand orgue de la poésie lyrique et mystique française et à son égérie :
A l'âme d'une parole inspirée
depuis "Désir de mon désert" jusqu'à "Elégie pour Gine"...
Poète du Tourment et de la grâce,
Des eaux tranquilles et des marées sauvages
Quand refluent sur le roc lumineux
D'un amour indicible et fidèle
Ces torrents d'écume
Et la vague lacérée par un éclair de joie !
O Miracle, en ces heures d'accalmie!
Un souffle endort le vent du Soir,
La houle du coeur lentement s'apaise
Comme au premier jour où leurs yeux souriaient
Au miroir d'un long regard cerné d'ombre et d'or,
Et de mystère...
L'Aimée rayonnante et l'Amant transfixé
Nourissaient le rêve d'une Source infinie
Quand l'Aube silencieuse a tremblé
Sur les rivages d'un Océan d'Amour
Qui étanche au fond des nuits obscures
- Où meurt la trace d'un éclair -
La Soif inassouvie du Visage
Visage de l'Indicible
(21 Novembre 2002)
Jean HOURLIER : (note)
Extrait d'une lettre adressée à Maurice Courant au sujet d'Elégie pour Gine
Je me rappelle tout d'abord ma découverte du livre, de l'objet : un grand format sobre et élégant. Puis, je me revois le feuilletant, et percevant par transparence, lorsque je m'arrêtais à une page vierge, des portées de distiques : "C'est une partition", me disais-je...
Après, je suis entré dans un livre sismique.
L'exclamation sans fin de votre Amour y retentit et s'y répercute en échos répétés : c'est une secousse ininterrompue, une ardente litanie, une brûlure continue. Plusieurs pages atteignent des sommets, d'où l'on prend des leçons d'abîme. La souffrance et l'amour, qui nouent chez vous une si décisive alliance, y conjuguent l'intensité de leurs forces si curieusement fraternelles...
Aujourd'hui, le livre refermé, l'Elégie... m'apparaît comme un arbre immense, comme un jardin foisonnant, comme une forêt des âges rocailleux et baroques, vigoureuse et tout agitée du renouvellement permanent de sa force et de la perpétuation douloureuse des cimes de son propre vertige.
------A propos de "l'Immobile et le mouvant" :
Maurice Courant... est un poète majeur, trop discret, qui a produit une oeuvre éminente, à contre-temps, dans une superbe indifférence aux modes d'écriture et de pensée.
Sa pensée, profondément et à l'altitude la plus haute une variation sur le Temps et l'Eternité, s'exprime, entre autres lieux, dans des "Notes", rassemblées en 1980 sous le beau titre "L'Immobile et le mouvant";
S. J. MARTIN (note)
AUX EDITIONS DE LA REVUE MODERNE
40 ans de recherche de la forme et de la vérité profonde de l'être par le poète choletais Maurice Courant
Parait aujourd'hui aux Editions de la Revue Moderne, sous le double titre "Ténébreuse lumière" - poèmes - et " L'immobile et le mouvant" - notes - un ouvrage consacré au poète choletais Maurice Courant, à qui l'on doit depuis ces vingt dernières années six recueils de poèmes publiés aux Editions Point et Contrepoint.
Cette fois, avec ces deux parties, poétiques et de réflexion, voici la synthèse de quarante ans d'aventure en poésie placés sous le signe de la recherche de la forme et de la quête de la vérité profonde de l'être. Voici également une sorte de "testament spirituel" par les notes composant la deuxième partie de l'ouvrage, dans lesquelles on trouvera les lignes directrices de la démarche autant littéraire que philosophique de l'auteur.
Nous laisserons au lecteur le soin de découvrir lui-même la préface du philosophe Gustave Thibon et l'introduction à ce recueil rédigé par un autre ami de longue date du poète, le Choletais Augustin Jeanneau. Il suffit de dire que le premier définit la démarche poétique de Maurice Courant comme l'expression de " la limpidité dans le secret" et que le second après avoir analysé les thèmes majeurs de son inspiration estime que cette poésie "se perpétue dans l'être au-delà des mots, par un subtil prolongement du sens et du son pour n'atteindre sa complète résolution que dans le secret infini de l'âme".
On ne saurait mieux résumer une oeuvre dédiée par le poète " à Celle sans l'ardente et silencieuse présence de laquelle ces pages ne seraient pas exactement ce qu'elles sont. Eternellement..." " à ma mère, à mon père et à tous ceux qui m'ont précédé dans le temps et dans l'eternité des miens". "A mes amis les plus chers et qui savent qu'ils le sont, sur terre et en Dieu". Rien de ce qui vibre au plus profond de chaque être n'est étranger à cette poésie frappée du sceau de la rigueur. En mème temps par sa musicalité, la pensée, telle un écho sonore, se prolonge par ondes de plus en plus amples, de rime en rime et d'allitération en allitération de la réalité qui l'a fait naître à la spiritualité vers laquelle elle tend, de celui qui l'a connue vers celui chez qui elle éveillera par le miracle des mots cet on ne sait quelle ténébreuse lumière qu'on pourrait appeler la communion des âmes. Ténébreuse selon le poète, parce qu'obscurcie ici-bas de toutes les limites humaines. Lumière parce que reflet et préscience, malgré ces limites dans le réel, de la définitive transfiguration à laquelle l'être est promis : "L'Art", pour Maurice Courant, " cette perpétuelle remise en question des Ténèbres par la Lumière".
" L'immobile et le mouvant" procède de cette réalité intérieure que l'on découvre lorsque, selon le poète "il descend en nous comme l'étrange sentiment d'une sorte de mûrissement qui se ferait lentement par le dedans - à la manière d'un fruit qui ne serait alors doré que par le seul rayon d'un soleil intérieur et dont la réalité intérieure seule de l'être serait la source".
D'où, à côté de l'affirmation d'une nécessaire forme dure comme le marbre pour perpétuer hors de l'instant éphémère, la "mémoire" qui "en éternisant ce qui a cessé d'être" sera alors "le perpétuel devenir de ce qui meurt", le besoin de "s'efforcer d'être de ceux par qui d'autres existent pour ne pas risquer d'être de ceux qui n'existent que par d'autres". Le désir aussi que le poème soit d'une certaine manière si amoureusement et profondément refermé sur lui-même qu'il garde indéfiniment en lui, comme son plus précieux bien, pour une infinité d'êtres à venir, les trésors intérieurs qu'il a été capable de dispenser une fois seulement déjà à quelques-uns".
Rien mieux que les admirables images inspirées à Maurice Courant par la mer ne saurait illustrer cette oeuvre où vie et mort entremêlées dans un "commencement sans fin", l'une de l'autre renaissant, mort perpétuellement sauvée par de l'éternité ; éternité perpétuellement délivrée de la mort", comme estime le poète, composent le dramatique et douloureux mystère de l'être jusqu'à ce qu'il ne soit plus "afin de ne plus cesser d'être" en Dieu.
S. J. Martin
Charles Le Quintrec
à propos du recueil Amour de mon Amour
Maurice Courant croit à l'amour , en sa transcendance. En des vers bellement classiques, il célèbre la femme aimée et cela est déjà assez rare dans la production contemporaine. Généralement, on rondelise, on ronsardise, on virilise pour l'amante, on porte la maîtresse aux nues. Maurice COURANT touche au manteau de son épouse sur lequel joue la lumière. Cette lumière danse dans les mots et laisse entrevoir une autre, éternelle celle-là. Il y a ici des réussites fulgurantes:
"Lorsque le grand soleil s'emplit de mort virile
Et solitairement s'engouffre dans la mer,
Semblable à quelque dieu superbe d'être une île..."
C'est l'incarnation à son plus haut niveau. C'est le langage sauvé par ses vertus. On est récompensé d'avoir su lire.
Robert Sabatier
Maurice COURANT (né en 1919) a une préférence pour le vers court et économe de mots. Il suffit de quelques-uns d'entre eux, suivis souvent d'une exclamation pour évoquer un état d'âme ou un paysage du coeur. Il y a chez lui un désir de nudité, de désert, mais aussi de miroir, d'ondes, de lumière, de soif rêvant de "Retour aux nuits fraîches de Dieu" et ce dépouillement n'est cependant pas aride car la poésie l'humecte à défaut d'une eau de joie sans cesse réclamée. Parmi ses livres : DIX POÈMES, précédés de RIGUEUR ET POÉSIE, par Augustin JEANNEAU, en 1961, UN RUISSEAU DE SEL DOUX, 1961, DÉSIR DE MON DÉSERT, 1963, QHAND L'HEURE SONNE, O DÉRAISON!..., 1966, TÉNÉBREUSE LUMIÈRE, poèmes, L'IMMOBILE ET LE MOUVANT, notes remarquables, 1980. Il y a là quelque chose de fort intéressant : une poésie nette et franche qui brise ses entraves sans en avoir trop l'air.
Robert SABATIER, HISTOIRE DE LA POSÉSIE FRANçAISE DU XXÈME SIÈCLE
Gustave Thibon
(Extraits de la première lettre de Gustave Thibon, en réponse à celle que Gine lui avait envoyée.)
Saint Marcel d'Ardèche, le 14 décembre 1950
"Je suis profondément touché par des poèmes comme "Les Jardins de la nuit",... Les Grands Lévriers... Postlude" et d'autres encore où l'originalité du rythme s'allie à la profondeur de la pensée...
Il y a quelque chose de douloureuxsement triste dans votre poésie, et, en même temps, le...le plus apaisant.
Cette antinomie est essentielle, je crois, à votre tempérament poétique. c'est elle qui vous donne ce sens de la Transfiguration, de la Rédemption, de la rédemption possible de toute chose...
Aurel TITA : (note)
La thématique de la poésie de Maurice Courant est assemblée dans le réel environnant, de près ou de loin, - paysages, choses, gens - qu'il fait élever par l'inspiration et par l'art longuement poli, à un état d'impondérabilité spirituelle. Les cosmonautes connaissent, au propre, seulement l'impondérabilité spatiale. Les poèmes d'une plus large inspiration du poète ont l'avantage d'un développement sans entrave du vol poétique. Les petits poèmes, d'une grande concentration, ont l'avantage de la densité suggestive de certains bijoux qui nous rappellent un vers inoubliable de Victor Hugo, pour l'évocation d'une émeraude: " Cette émeraude où semble errer toute la mer"
Ce n'est pas étonnant que Maurice COURANT, bien qu'écrivant à partir de neuf ans, n'ait pas commencé à publier ses recueils de vers, longuement pesés, qu'en pleine maturité artistique, vers 40 ans; mais il fut distingué de trois prix de l'Académie Française, trois prix de la Maison de Poésie et, dernièrement, du Grand Prix de la Société des Poètes Français, 1984. De ce prix avait été jadis couronné Paul Valéry. Il a, avec sa poésie, d'évidentes affinités artistiques, dans la ligne d'un classicisme en continuelle ascension, sans qu'on puisse parler d'une influence. Ci-contre quelques poèmes traduits en roumain du onzième volume du poète Maurice COURANT : Que l'on dirait d'un ange... (Paris, Art et Lumière, 1983.)
Aurel TITA, Journal "Horizon", de Bucarest