Correspondance
Serge Brindeau

Michel Manoll

Antoine Ristori

Jean Rivière

Leopold Senghor

Jean Thomas

Jean-Claude Coiffard

Aude de Kerros

Pierre-Yves Trémois

 


Serge Brindeau-Maurice Courant

 

 

Serge Brindeau à Maurice Courant (1983)

le 31 janvier 1983

Cher Maurice Courant,

Même en quelques mots je voudrais vous dire avec quel intérêt j'ai lu vos notes à propos de Robert Ganzo. C'est bien le plus difficile et le plus rare, de paraître rechercher nulle surprise et de surprendre à ce point.

C'est bien ce qui se passe avec vos propres poèmes. "De moire en moire", on se laisse porter par les eaux, calmes ici. On dirait que vous avez apprivoisé les forces qui poussent l'âme, depuis le fond des temps, hors des limites si souvent rappelées, inlassablement franchies.

" A travers d'incroyables îles", le rêve et la raison tracent un chemin auquel il faut bien croire. Ce qui se laisse entendre ici me touche au plus secret.

Croyez, Cher Maurice Courant, à ma vive amitié.

Serge Brindeau

 


 

 Serge Brindeau à Maurice Courant (1984)

Le Raincy, le 17 janvier 1984

Cher Maurice Courant,

Plusieurs fois j'ai eu l'occasion de vous dire le plaisir que j'éprouvais à vous lire : plaisir de dire à voix haute les poèmes. L'arrangement des syllabes donne une impression de perfection. Les mots, dans la bouche qui ne les pouvait pourtant prévoir, viennent à leur place nécessaire, imposent leur évidence. J'aime aussi la mesure avec laquelle vous liez aux notations concrètes, essentielles, les termes qui portent trace de la méditation d'une vie. Avec vous, Maurice Courant, la poésie est "lumière exacte".

J'avais bien reçu, vous le voyez, Que l'on dirait d'un ange...

S'il est une poésie où la joie du verbe se mêle intimement à la qualité de la pensée métaphysique, c'est bien celle-ci : j'en prendrais volontiers pour exemple cette "Nudité blanche" où l'éclatante intuition de l'être soudain se trouble, comme pour mieux attester ce qu'elle révèle...

Serge Brindeau


Serge Brindeau à Maurice Courant (1986)

à propos du recueil Amour de mon Amour

le 2 janvier 1986

A lire Amour de mon Amour, que j'ai bien reçu, je ne m'étonne pas que Louis Leviennois ait particulièrement apprécié votre oeuvre, votre pensée. Louis Leviennois nous a fait l'amitié de venir parler en Alienor, à la brasserie Lipp, de Maurice Scève et de Pernette du Guillet. Sa conférence, solidement articulée sur une étude parallèle des oeuvres des deux poètes, était d'une rare qualité. Or votre célébration de l'Amour me fait penser, dans le ton qui est le vôtre, à la pureté de l'Idéal chanté par Maurice Scève. J'espère ne pas vous heurter en vous disant que la façon dont vous constituez la structure du poème, dont vous laissez se développer la pensée selon le chant de la phrase et de subtils contours n'est pas sans me rappeler le plaisir que je prends à la souplesse savante d'un Mallarmé - mais d'un Mallarmé moins hermétique qui aurait pu passer peut-être, par l'école romane.

Oui, vous savez rendre la lumière "impérissable".

 


 

Serge Brindeau à Maurice Courant (1987)

Le Raincy, le 28 janvier 1987

Cher Maurice Courant,

Patrice de La Tour du Pin et vous-même dîtes tout de ces Dons que je vous remercie tout particulièrement de m'adresser. Vous savez que la poésie m'apparaît de moins en moins comme un simple jeu. On ne saurait se satisfaire de multiplier les reflets des apparences. "Je vis en tel Amour que nul ne le conçoit". Il s'agit là d'un "autre ordre", eût dit Pascal. Mais on ne saurait parler rapidement, superficiellement, de cette ouverture de l'âme à ce qui la transfigure - une âme "en lumineux amour élue". C'est un livre qu'il faut relire lentement et méditer - au sens religieux (philosophique aussi chez un Descartes bien compris) de la Méditation. Même si l'on se pense, sans entêtement, agnostique!

Merci mille fois d'avoir senti que ce livre me serait important, comme tout ce qui se rapporte de quelque façon à votre pensée.

Ma propre aventure poétique aurait pu paraître éloignée de ces préoccupations. Vous savez, vous, qu'il n'en est rien. Et c'est une des chances de Doué-la-Fontaine, pourquoi, de vous y avoir rencontré...

 

 


 

Serge Brindeau à Louis Leviennois (1987)

le 14 novembre 1987

Cher ami,

Ce samedi matin, me préparant à accueillir Jehan Despert au Cercle Alienor, je me sentirais bien ingrat si je ne vous remerciais de votre excellent méditation sur l'oeuvre de notre grand ami Maurice Courant. Je lui ai écrit il y a quelques jours pour lui dire quel plaisir fut le nôtre de vous suivre dans une analyse si méticuleuse et si fidèle à l'essentiel de ce que porte la parole d'un tel poète.

Sans doute exprimé-je mal ce que je souhaitais vous dire. Le mot "essentiel" qui m'est venu sous la plume ne signifie pas : les grandes lignes, mais quelque chose comme : ce qui va au plus profond - et qui, en même temps, s'élève qu plus haut, à la cime de la spiritualité. Je disais: "essentiel". Je pensais à l'"essence" de cette poésie.

J'ai la chance de posséder ce texte que vous m'aviez adressé: "Universalité de Maurice Courant". Ce texte, si vous me permettez de m'en tenir à un point de vue personnel, me fait comprendre comment il se fait que, très attaché aux différentes aventures du langage que nous aurons connues depuis un siècle, séduit par des formes d'expression qui, à beaucoup, paraissent encore un peu trop étranges, je me sois peu à peu laissé conquérir par la poésie, d'apparence fort classique, de Maurice Courant. Sans doute mon goût de la poésie dite "moderne" ne m'a jamais paru incompatible avec l'amour de la poésie qui s'écrivait avant Rimbaud! Mais ce que me révèle la lecture de votre étude - et ce que j'ai perçu à travers votre conférence - me permet d'aller plus loin dans le sens de la conciliation des poètes trop souvent encore séparés. c'est la quête même du poète, sa démarche spirituelle, son sens du sacré qui m'ont fait aimer également - je devrais dire: qui m'ont fait reconnaître comme également indispensables - des oeuvres d'aspect si différent mais qui se rejoignent par le lien qu'elles établissent entre les réalités vécues, le langage de tous, et les chemins de lumière qu'elles tracent en nous, au-delà de nous....

 


 

 

Serge Brindeau,

à propos du recueil

"Dans la clarté d'un ciel qui tremble"(1995)

Maurice Courant construit les poèmes qui constituent "Dans la clarté d'un ciel qui tremble", en alexandrins le plus souvent, plusieurs fois en octosyllabes ou en décasyllabes, sur un système de deux rimes seulement, parfaitement régulières. Une telle rigueur n'entraîne jamais monotonie, tant la syntaxe, complexe, du poète, enlaçant les images, épouse la souplesse d'une pensée saisie dans le développement même de la méditation. Elle contribue à l'impression de sérénité dans la glorification du monde créé, la célébration d'une Vérité - " Soleil de gloire immarcescible" - révélée, intensément vécue malgré le tremblement avoué de l'esprit au seuil des plus hautes certitudes comme devant la menace qui "est en nous comme l'orage aux cieux", devant les "désirs de mort" qui "se mêlent à la vie". Il me semble trouver dans la spiritualité de Maurice Courant comme un écho contemporain de la grande poésie baroque, dite aussi métaphysique, d'un Jean de Sponde.

Serge Brindeau, Les Saisons du Poème, septembre 1995.

 


 

Maurice Courant à Serge Brindeau

Le 17-12-89

 

Cher Serge Brindeau, Cher ami,

L'autre soir, chez Lipp, sans que je m'y attende, vous m'avez saisi à la gorge de mon âme, au point que les mots n'en pouvenaient plus à sortir de la gorge de mon corps.

C'est que Dieu est infiniment plus grand que ma voix, et que, pour cela, ma voix ne pourra jamais convenablement "défendre" Dieu, parce que, pour cela encore, Dieu est "indéfendable" Si je pouvais "défendre" convenablement Dieu, et donc, Le prouver, c'est que Dieu ne serait pas Dieu. Parce que, pour pouvoir prouver réellement, absolument Dieu, il faudrait être supérieur à Lui, plus grand que Dieu. C'est pour cela aussi que la présence de Dieu, par rapport à nous, ne peut être de l'ordre de la proximité épidermique mais de l'intériorité absolue. Et c'est ce caractère absolu de cette intériorité, qui la rend à la fois perceptible et infiniment insaisissable. On ne saisit pas ce que l'on pressent infiniment! On sait seulement que cela est. Et cela suffit - nous suffit - parce que le peu que l'on sait - si j'ôse dire - de l'Infini,, ne peut pas ne pas faire qu'il nous fasse participer tout de même, d'une certaine manière et d'une manière certaine, de cet Infini même. Lorsqu'on parle de Dieu, on ne peut pas ne pas se sentir complètement démuni. C'est si nous ne l'étions pas que ce serait inquiétant pour Dieu. Parce que Dieu Lui-même s'est rendu, d'une certaine manière, complètement démuni en face de la liberté dont Il nous a fait l'incroyable don. Au point que cet incroyable don nous rendrait même l'égal de Dieu - sans nos limites. - Heureuses limites, qui nous empêchent de nous prendre pour ce que nous ne sommes pas. - - Oui : " Dieu ne se prouve pas, Il s'éprouve". Parce que Dieu est non seulement l'Amour. Et oui : "La preuve par l'épreuve". - Puis-je vous faire une confidence: à la question: "Dieu EXISTE-TIL?, il ne m'a peut-être jamais été donné de plus fulgurante et bouleversante réponse que celle que je reçus, lorsque ma femme et moi nous vîmes Gustave Thibon, ce grand esprit, un jour, chez nous, pleurer en parlant de Lui.

 

 

 

Maurice Courant à Serge Brindeau....

Cher Serge Brindeau, Bien Cher Ami,

Si, pendant les belles heures des Grands Prix de Poésie de la Rose d'Or, à Doué-la-Fontaine, nous nous tutoyions, veuillez me permettre aujourd'hui, comme lors de notre première rencontre, de vous dire vous, à cause de la distance que la mort a mise entre votre âme et moi.

De quoi vous parlerai-je, en ces quelques mots qui seront les derniers qu'il me sera donné de vous écrire ici-bas, sinon précisément de cet Insaisissable au coeur du temps et sans lequel, vous le saviez mieux que personne, l'Univers lui-même ne serait rien.

Car cette Poésie, que vous avez tant aimée et qui vous doit tant, ne fut jamais pour vous, comme vous me l'avez dit, qu'un tremplin privilégié capable, à travers une certaine musique des mots et par les jeux profonds de la mémoire, de soulever l'homme au-dessus de lui-même et de la projeter dès maintenant en cet au-delà de la durée en lequel toute chose ineffablement s'éternise.

Toute cime - de la profondeur de l'altitude à l'altitude de la profondeur - vous attirait. Et vous aviez le sens des mots qui portent en eux-mêmes l'au-delà même de ce qu'ils sont.

Et c'est ainsi que je garde en moi comme un talisman que j'emporterai jusque dans mon éternité, cette bouleversante parole que j'ai reçue un jour de vous et qui est l'une des plus extraordinaires que l'on puisse imaginer jamais en poésie :

"Oui, vous savez rendre la lumière "impérissable"

Admirable parole, en vérité, frappée de métal pur, non seulement parce que, pour moi, bien sûr, elle me touche directement au coeur, mais aussi, et peut-être plus encore, par tout ce qu'elle révèle de cette irrépressible soif en vous - jusqu'au cri ! - à travers toutes les périssables lumières du temps, de l'inaltérable Lumière !

Mais les jours sont comme l'eau de la rivière qui ne remonte jamais vers sa source, et ma gorge se serre en songeant à cette promenade que je fis en voiture au printemps dernier dans notre campagne des Mauges, où je vous écoutais, avec une très reconnaissante et profonde émotion, dire quelques-uns de mes poèmes de cette voix lente qui était la vôtre, en martelant doucement chaque mot pour en exprimer tout le sens et en liant tous les éléments de la phrase d'une manière si musicalement juste que je m'en trouvais comblé, - alors que pourtant déjà, mais sans que je le sache encore, vous n'étiez plus. (1)

S'il est vrai cependant que le sentiment de la beauté dans l'art vous délivrait dès ici-bas de la limite et libérait votre âme de la mort, comment pourrais-je ne pas vous redire, à cette heure où toutes choses deviennent transparentes dans la lumière, ces quelques paroles fulgurantes de Gustave Thibon sur l'essence même d'un art qui vous était particulièrement cher et qu'elles éclairent de mille feux :

"La poésie est marquée des chiffres entrelacés de la mort et de l'éternité : son royaume se situe sur cette frontière indécise qui s'étend entre la tombe déjà dépassée et la résurrection encore inaccomplie."

Pour, sublimement, ajouter :

"La beauté est le dernier voile de Dieu."

Ce Dieu dont la pensée vous fascinait, auquel je crois de toutes mes forces et en lequel je vous retrouve par l'âme , - en cet instant même où je vous parle, au-delà de ce pouvoir des mots qui nous unissaient et sans lesquels ces quelques lignes elle-mêmes ne seraient pas, - pour éternellement.

Car si, comme le dit George Bernanos, "tout est grâce", c'est peut-être bien finalement aussi que le Coeur de l'Etre, visiblement ou secrètement, en ce temps même comme en l'au-delà même du temps, est Amour !

A Dieu !

Maurice Courant, Les Saisons du Poème

 

1 - Il s'agit de l'enregistrement de la dernière participation de Serge Brindeau au Club de Poésie de la Bibliothèque du Raincy, à l'initiative de mademoiselle Chantal Viart, le Samedi 19 Avril 1997.

 


 

Michel MANOLL(note)

3 janvier 1981

 

Cher poète, vous n'avez pu penser un seul instant, j'en suis persuadé, que je me montrerais insensible à une poésie si voisine des sources où nous la captons, l'un et l'autre. Comment imaginer qu'une voix comme la vôtre, d'une si ample tessiture et qui contient des accents inimitables, ne saurait toucher tous ceux qui ont le privilège d'en percevoir les vibrations? Si nous vivions à une époque où tout ce qui est vrai et pur a droit de cité, on vous saluerait, à juste titre, selon vos mérites, qui ne sont pas minces, car vous avez retrouvé le grand courant lyrique que l'on a voulu tarir, mais qui n'en reste pas moins le véhicule indispensable et naturel de cette secrète musique intérieure qui nous tient captifs des mystérieux enchantements que nous suscitions et sans lesquels nous ne serions que les magiciens du néant. Gustave Thibon a bien raison de parler d'une "densité sans pesanteur" - car sans allègement, sans l'essor qui nous entraîne hors d'une sphère où nous nous sentons à l'étroit, nous éprouverions les rigueurs d'une stagnation qui nous enlise dans les sables mouvants du quotidien. Vous avez oeuvré, Cher Poète, avec une noblesse digne de tous les éloges et, à chaque instant, notre sensibilité s'émeut devant tant de beaux vers, éblouissants comme des joyaux. J'admire le parfait ouvrier du vers, la probité de l'artiste, qui ne se satisfait jamais d'une image incertaine et s'obstine à aller jusqu'au bout de lui-même. Lorsque l'on sait ce que représente un poème - fragment de notre vie profonde, relié de toutes ses fibres à notre humanité la plus frémissante - on ne peut voir en vous qu'un de ces "Kalenders" - fils de Rois, portant le sceptre de la poésie.

Merci de tout coeur : vous m'avez bouleversé, touché au coeur.

Que cette année vous soit douce et puissiez-vous demeurer longtemps dans les parages de ces constellations, où vous brillez de mille feux.

Des deux mains.

Michel Manoll

 


 

Antoine Ristori

(à propos de Serge Brindeau, peu après sa mort) 1997

le 5 septembre 1997

Cher Maurice Courant,

L'un des tout premiers, sinon le premier, vous m'avez écrit, en des termes qui n'appartiennent qu'à vous, votre affliction à l'annonce de la mort de Serge, affliction encore aggravée par le fait qu'il lisait de vous des vers enregistrés dans le cadre d'une lecture organisée par Chantal Viart...

Il me semble que rien n'est encore arrêté quant à votre participation à l'hommage que nous rendrons à notre ami dans le numéro de décembre. Car, je ne doute pas un seul instant de votre intention de vous y associer. Vous le connaissiez depuis si longtemps et vous aviez tant de souvenirs communs. Et puis, il est permis de le dire aujourd'hui, il avait pour vous plus que de l'amitié. Il vous aimait, certes, comme il aimait des tas de gens mais il avait pour vous quelque chose qui ne s'appliquait pas à tout le monde, une profonde estime, ça va de soi, qui devenait, lorsque nous en parlions, une sorte de vénération. Je crois que l'admiration qu'il vouait à votre talent, lui qui en matière d'écriture poétique semblait se situer à des années lumière de vous et le respect dont il entourait votre foi, lui qui se défendait de croire, n'était pas étranger à la place particulière et priviliégiée qu'il vous accordait.

Vous avez certes mille anecdotes qui feraient le ravissement des lecteurs et mon propos n'est pas de vous proposer - a fortiori de vous imposer - un thème. Mais en fin de compte, pourquoi ne nous parleriez-vous pas de ce retour en voiture au cours duquel vous entendiez la voix de Serge dire vos vers qu'il aimait tant...

 


 Jean RIVIERE (note)

Jeudi 2 avril 1987

Cher Maurice,

"Sérénité de l'ombre étroite" : une bonne surprise! La voix du poète se lance encore comme si c'était la première fois. Le coeur n'en finit pas de se déclarer surpris de la brièveté de la vie, avec véhémence, d'une manière qui m'interdit toute réplique. J'écoute cette plainte comme s'il n'y avait pas d'autres thèmes possibles.

J'ai vu dans la liste des oeuvres, que je les avais toutes près de moi, et dédicacées. Ces recueils m'ont beaucoup marqué. Je n'arrive pas très bien à définir pourquoi, parce que ce n'est pas un rapport avec les mots. C'est peut-être à cause de la respiration, du souffle qui opprime le verbe et l'exprime à cause du ton de la voix aussi (je vous entends lire).

Je disais autrefois que je trouvais en vos poèmes la présence du temps. Mais je crois que c'est plutôt la liquidation du temps. Oui c'est peut-être cela : votre conscience récapitule tout avant de prendre congé; elle laisse un ultimatum.

Merci cher Maurice de donner à comprendre cette souffrance secrète. Cela tient compagnie à ceux qui sont déjà dans ce pays-là.

Merci. A plus tard encore. Avec d'autres pays.

Jean Rivière

 



 Léopold Sédar Senghor

Verson, le 12 avril 1984

 

Mon cher Confrère,

Je vous suis très reconnaissant de m'avoir remis trois de vos receuils de poèmes.En les lisant je me disais, en pensant au "Grand Prix des poètes français 1984" : "Il le méritait bien !".

Bien sûr, vous respectez les règles de la prosodie classique française, singulièrement celle des rimes. Et pourtant, ce n'est pas cela qui m'a séduit, mais votre style, qui m'a révélé un grand talent. j'ai admiré, en particulier comment, par-delà la prosodie classique, vous répondiez à l'esthétique de ce XXème siècle, selon laquelle le poème est un ensemble d'images analogiques, mélodieuses et rythmées.

Veuillez croire, mon cher Confrère, à l'assurance de ma fraternelle admiration

L. S. Senghor

 


 Jean Thomas

16 mai 2003

 

Mon cher Maurice,

J'ai reçu hier "Les Grands Lévriers".

Je les ai abordés puis lus avec grande piété, car tout est piété dans cette édition: le grand format, le papier somptueux, l'avance lente vers le texte lui-même au travers d'une dédicace à Gine, puis du sigle GM comme d'une signature une et double à la fois. Et puis, après le texte, la mention du lieu et de la date, la précision et l'inachèvement volontaire... Tout cela forme, autour du joyau, un écrin de tendresse et de respect. Tout cela nous conduit à ce qui est le plus sacré d'un secret peut-être répandu (par l'édition même) mais non pas divulgué. On est placé devant ce qui est, et doit rester, et restera à jamais, pour Gine et pour toi, le centre même de votre indicible union, donc devant de l'"essentiellement privé".

On est admis toutefois à l'effleurement de ce qui ne peut être dit que dans le silence parce que tu as entouré ce silence de ton chant mystérieux. On sait qu'on est admis à la plus haute confidence de ta part et qu'il est de la nature de cette confidence de ta part et qu'il est de la nature de cette confidence de demeurer scellée. On sait que tu nous fais le plus bel honneur en nous tendant cette confidence scellée, mais que, quelles que soient ton amitié et ta confiance, tu ne pouvais pas faire un pas de plus vers nous.

 


Jean-Claude Coiffard

(19-08-2003)

 

D'abord, un grand merci pour votre beau recueil, "L'Immobile et le Mouvant".

sans céder à un très mauvais jeu de mots, je dirais, souvent si émouvant.

La lumière de St-Brévin, les ligne droites et noires des fins, la mer si proche, l'horizon si lointain voici bien le décor qu'il fallait pour écrire de telles beautés... Sur la Beauté.

Je ne sais si tout fut composé dans notre chère rue Mozart, mais je sais que là tout y prit, certainement, naissance.

Je sais, en tous cas, que c'est ici, plus qu'ailleurs, ici où tremblent les ombres de Michel Manoll et de Renè Guy Cadou, qu'il faut vous lire.

Cher Maurice Courant, ce livre suffirait à assurer la gloire de beaucoup.

Vous taillez des phrases dans la pierre qui dure.

Votre oeuvre s'inscrit dans le temps. Elle y prendra racines, car elle est classique.

Classique, dans une époque où tout se délite, se déforme et où, même la pensée devient informelle.

Oui, "l'art n'accroît pas le réel", il n'a pas besoin des hommes pour cela, un autre souffle que le nôtre l'a créé - et le crée -; mais l'art "l'éternise". c'est bien vu. C'est bien dit. Avant moi, et bien autrement que moi, d'autres voix ont assuré et assureront la pérennité de votre oeuvre.

 


Aude de Kerros

(15-08-2003)

 

Cher Maurice

Votre poème "Les Grands Lévriers" résonne très fort en moi car il me fait "voir" une réalité difficilement exprimable tant elle entourée de mystère.

Elle est là en deux pages que j'aime à lire en descendant et en remontant comme on regarde un tryptique qui nous ramène toujours au centre.

Au midi du poème est une présence qui nous intime d'être aussi une présence.

Vous l'avez nommée : espérance. J'y vois plus encore figuré le mystère qui entoure la création.

Ce pouvoir créateur que Dieu a donné aux hommes et qu'il n'a pas partagé avec les anges.

Ce mystère est aussi le mystère de la douleur : Création, désir, amour, douleur sont liés, ligaturés par l'espace et le temps qui sont aussi la matière, les outils de notre art.

Dans ce poème, toute une pensée sur l'art dans l'ombre de la pauvre doxa officielle qui fait de l'art une rupture permanente, une dénonciation sans appel du mal irrémédiable.

Mais dans ce temps particulier qui est le nôtre on ne peut que cacher notre pensée dans notre oeuvre et la mettre en images.

Je suis émerveillée par votre tryptique, pour cette sensation d'espace et de temps qui s'en dégage et surtout, par la présence mystérieuse qui y rayonne...

 


Pierre-Yves Trémois

(28-08-2003)

 

...

Vos pensées, cher Maurice Courant, sont une source, où l'on puise, chaque fois qu'on l'approche.

Tout Maurice Courant tient en ces mots que vous m'avez fait parvenir:

"Les mots me cherchent, et je les trouve".

"Le mot trop faible, c'est comme s'il n'atteignait pas sa cible; le mot trop fort, c'est comme s'il dépassait la cible sans la toucher: ce qu'il te faut, c'est le mot juste".. En remplaçant le mot par "le trait" alors, je devrais me trouver devant ce que je cherche encore! - cette ligne de fuite que je ne peux saisir, tant elle me fuit. Sur le mur de mon atelier j'ai punaisé cette formule que vous m'avez envoyée il y a déjà longtemps:

"UNE MATIERE SANS FORME SE DISSOUT DANS L'AIR DU TEMPS COMME UNE VIE SANS CONTOURS".

 

Essayer de "faire en soi le plein du Vide"...

 

Et vous avez ce privilège d'avoir rencontré DIEU, "Dieu, cette personne, sans laquelle personne n'est personne", dites-vous, et également ce privilège "d'aimer, c'est éterniser".

 

Bravo pour l'Avant-Garde!

"L'Avant-Garde : ce qui retarde toujours le plus par rapport à ce qui ne meurt pas". Cela pour certains de nos Chers Confrères!