TU FRISSONNES, SOLEIL...
Tu frissonnes, Soleil, et me regardes vivre,
Comme s'il n'y avait au fond de l'air que toi
Pour réapprendre au coeur de mort ce qui l'enivre, -
Lorsque vers où tu vas personne ne te peut suivre
Et que l'ombre te plonge en le désert du froid!
Le Soleil qui descend frissonne avec effroi; -
Comme s'il regardait la Mort à travers moi!
Soumises, sous le poids des étalons vainqueurs,
Elles vont, par les temps de ruts indélébiles,
Ouvrir à tout jamais leurs nudités fertiles
A ceux qui leur prendront leurs âmes et leurs coeurs!
A ceux-là que je sais.
Tremblez de ce qui vient vers vous comme une lame
Dont rien n'arrêtera la force et la clameur,
D'un Destin qui déjà dévaste la pauvre âme
De votre forme d'être où flotte la Douleur! -
Car rien ne sera plus en vous que face blême
Et que béance immense offerte au seul malheur,
Quand, pire que la Mort et toute sa douceur,
Par l'Orage promis aux fous qui le vent sèment,
Le Vautour brusquement vous rongera le coeur!
Se saisir de la Bête ainsi que d'un Coursier
Dont serait le galop nocturne meurtrier; -
Et terasser sa force au gré du sombre Vent
Qui dévaste le coeur des Astres au Levant!
Orange et noire, sur ma main
Ta flamme vive, sans savoir
Par quel mystérieux pouvoir
Le ciel déjà d'un pur miroir
Te piègera d'Amour demain!
Quel jour - en moi - profond comme l'eau du rocher
Se disperse à la cîme éclatante des arbres!
Ah! s'en aille ma flamme enfin se détacher
De la froide splendeur de mort de tous ces marbres!
Soleil dur! deuil fécond! et sacrificateur
De l'angoisse mortelle et dont l'absurde étreinte
Nous saisit à la gorge obscure de ce coeur
A faire rendre l'âme à toute chair éteinte!
Mais je sais que le vent emporte
Nos coeurs, avec les feuilles mortes;
Toutes les feuilles du chemin,
Ce sont les oeuvres des humains;
Poète ou Paysan, qu'importe,
Que ton oeuvre soit grande ou forte,
Le temps l'emportera demain...
VIGNE VIERGE
Sang de la vigne et de la vierge:
Automne folle qui s'éprend
De vierge pâle comme cierge,
De vigne rouge comme sang!
NON!
Si vous mêlez le sang des morts à votre esprit,
De ceux-là que jadis un sombre éclair surprit,
Leur silence emplira vos tombes comme un cri!
EURYDICE
Si vous mêlez le sang des morts à votre esprit,
De ceux-là que pour l'âme un sombre éclair surprit,
Leur silence emplira vos tombes comme un cri!
Eurydice! Eurydice! au fond du labyrinthe,
Entends monter vers toi mon indicible plainte! -
Par le feu qui dévore au sein des univers
Et la mort du soleil et l'âme dans les airs!
NUAGES...
Nuages emportés par ce grand souffle noir
Surgit soudainement du fond de l'Atlantique , -
Vous embrumez le jour de tout ce faux miroir
Epris du sombre éclat du songe pathétique
D'un soleil qui se meurt dans l'oeil qui le vient voir!
TRANSPARENCES
Vous avez traversé la vérité profonde
De ce temps par le flot des songes déserté,
Pour en faire sugir, comme la source l'onde,
A travers la détresse immense de ce monde
Quelque chose d'un rêve encore de Beauté!
MA PAUVRE ENFANT...
Ma pauvre Enfant perdue en la tempête affreuse
Qui te brise l'esprit par cette mer houleuse, -
Mon cri transperce l'ombre où le regard vient choir
Dans le gouffre qui s'ouvre en l'âme avec le soir!
MOUETTES,
- Vos cris, en la lumière ardente de l'Automne,
En mon âme infinie infiniement résonnent
Et me disent qu'il n'est rien d'autre si profond
Que le bruit que vos cris dans l'air vivace font!
DEVASTE-MOI
Dévaste-moi du fond vivant de ta blessure,
Toi qui traverses l'ombre et l'âme comme un cri !-
Rends-moi le goût, dis-moi, de cette Source pure
Dont le rêve d'y boire en songe me surprit!
"HERCULE"
Ah! quand donc finiront tous ces "Travaux d'Hercule"
Qui te brisent le coeur et te cassent les dents ; -
De tout ce pauvre corps toujours qui gesticule,
- Avec la mort dedans !
LA MORSURE DU VENT...
La morsure du vent dans la ténèbre claire
A fait jaillir enfin les sources de la terre
Et pénétrer de gloire au sein des astres fous , -
Ce Mal qui s'en venait mordre le ciel en nous!
- Le soleil qui s'éprend des sources de la mer,
Songe-t-il à celui qui meurt dans le désert ,-
D'une semblable soif à celle de la chair ?...
(De la terrible soif en l'âme de la chair?...)
Le meuglement des bêtes folles de douleur,
Quand le soir, d'un parfum de mort, les environne,
Il m'étonne qu'en toi ce meuglement t'étonne; -
Car l'angoisse t'enserre et le tonnerre tonne
Jusqu'au fond d'une chair où le désir résonne
D'un tourment qui pénètre en toi comme en personne;-
Et ne meugles-tu pas en l'ombre aussi, mon Coeur?...
Et je suis cet infirme entre les bras du temps, -
Qui marche et ne sait pas vers quelle ultime cible,
Avec des soubresauts d'éternité terrible,
Et qu'emporte, au-delà de toute soif visible,
La furieuse fougue, en l'âme, des autans!
LA MER N'EST PLUS LA MER!...
La mer n'est plus la mer!... La mer au rythme sombre!
La mer toujours semblable, avec son flot amer!
La mer toujours amère, en mon silence, sombre
Au-delà de l'esprit lui-même et de la chair!
La mer s'en va rejoindre, et son désir sans nombre,
En l'ombre sans retour, de l'Innocence, l'Ombre! -
La mer s'en va de moi!... La mer n'est plus la mer!...
LE VENT FRAIS QUI SE LÈVE...
Le vent frais qui se lève au fond de ma mémoire
Me délivre des feux torrides de l'été; -
Que dirai-je de moi, si l'on ne peut y croire,
Toi qui connais si bien le fond de mon histoire:
De l'avoir, quelque jour, à tous les vents jeté!
BELLE
Belle, dans le vent,
Brusquement s'allume
Et te jette, écume,
Dans la folle brume
D'une mer qui fume
Au Soleil levant!
SI LE GRAND VENT DU LARGE...
Si le grand vent du large environne mes tempes,
L'air me cherche à travers le rêve des jours vains:
Le jour qui fuit se mêle à ceux des lendemains;
Du feuillage tremblant vois l'ombre sur mes mains;
L'astre dans mon regard met des millions de lampes; -
Mais que de clairs soleils en moi se sont éteints!
- O nuages profonds qui balayez la nue,
Comme si vous n'étiez que seuls à concevoir
Ce qui dérive en nous d'éternité perdue
Dans l'immense lointain des jours que l'on peut voir,
Et, traversant les feux brûlants de l'étendue,
Quelle force vous fait vous perdre en l'âme nue,
Quand la mer plonge en nous les feux de son miroir!
Le malheur est entré dans l'âme par la mort
De ce qui reste en nous de force inextinguible; -
Lequel sera des deux, dans l'âme le plus fort:
De l'éternité vierge ou du temps pris pour cible?...
NOCTURNE
La nuit s'enfonce en moi comme un poignard de mort
Que le vent du désert rend plus terrible encor;
Tellement le visage unique de la nuit
Fait trembler mon visage au fond du temps qui fuit!
Le criminel à petit feu dans l'ombre sourde
Fait trembler de malheur son âme triste et lourde
Et renaître le Mal où le plus calme coeur
Ne cherchait que la fuite ouverte du Malheur
Et ne rêvait jamais que de survivre enfin
A ce Mal qui l'étreint d'une si folle faim
Que l'or du clair soleil des jours se dissimule
En cette vérité vivante qui recule
Jusqu'au ciel préféré que les plus sombres chairs
Font mourir dans les airs au seins des univers!
(A Pierre Adeline)
O fulgurance de l'idée
Vertigineuse! Lorsqu'au coeur
De l'être même, enfin guidée
Par un prodige de ferveur,
De l'esprit plonge, - en ce malheur
D'une chair prise de la peur
De se voir d'avenir vidée, -
La flèche de l'éclair vainqueur
De la douleur élucidée!
Combien de fois verrai-je encor la mer mourir
A mes pieds incertains sur la sableuse rive,
Et sans cesse entendrai-je encor la source vive
De ce coeur à jamais battre d'un fol désir, -
Jusqu'à ce que la mort des astres clairs s'ensuive?...
Tu me lèches les pieds, marée effervescente,
Et tu me lèches l'âme aussi par le regard, -
Comme au corps de l'Amant le fait la pure Amante, -
Avant qu'il ne soit pas, pour tous les deux, trop tard!
Le vent fuyant parmi les rires du soir clair
M'emplit de la douceur lointaine de la mer!...
Je me resserre contre Toi, ma Bien-Aimée;
Contre Ton Coeur perdu pour un regard vivant; -
Mais non pas pour mon Ame ensemble désarmée
Et plus forte à jamais que de la Mort le Vent!
Les amis qui s'en vont, laisse-les tant partir
Qu'il ne t'en reste rien jamais en la mémoire; -
Qu'est-ce que tout le ciel avec la mer à boire,
Si tu n'en gardes pas en toi le souvenir?
Amande douce, ô douce -amande!
Ah! donne-moi ce que mon coeur demande:
Le feu brûlant et l'eau de ton regard
Particulier sur moi de toute part!
Le vent de Dieu qui souffle sur ma tête
A dispersé le trouble de la fête;
O Dieu, douce amande de regards verts!
Le monde rit (et) son regard est pervers.
Le monde se rit et (,il) folâtre, il joue;
Son souffle brusque a passé sur ma joue;
Se moque de Ta Face, Dieu très fort,
Et pleure, le regard sec, vers la mort.
.....
Christus! ah! danse, danse sur Ta Croix!
Descends, Dieu mort, afin que l'on Te croit! -
Et Dieu regarde avec des yeux étranges
Ce grouillement de larves et de fanges...
(vers 1945)
Le soleil: ses rayons se fichent aux croisées:
Flèches livrant au ciel de sanglantes rosées! -
L'Homme borgne, qu'un reste de lumière aveugle,
Levant, Cyclope énorme, aux prunelles glacées
Des astres, son front morne où germent ses pensées,
Dans sa nuit, à jamais, désespérément beugle.
(vers 1945)
Je me resserre contre Toi, ma Bien-Aimée;
Contre Ton coeur perdu pour mon regard vivant; -
Mais non pas pour mon âme ensemble désarmée
Et plus forte à jamais que de la Mort le Vent!
Vignes, le 4-09-03
Un grand vent balayait le Jardin pur des Morts; -
Le soleil rayonnait d'une lumière sainte
Et le ciel inondait de bleu la tendre enceinte,
- Pour notre âme, à l'abri de toute vaine crainte, -
De garder en son sein tant de si chers trésors!
Je suis dans un désarroi profond;
Tout ce qui me regarde est proche de l'abîme;
La terre avec le ciel et l'ombre se confond; -
Et rien n'est plus semblable au gouffre que la cime!
Soyez heureux, vous dont les armes
Vous tomberont des mains,
Car fleuriront toutes vos larmes
Au coeur des lendemains.
La nuit...Le sang rouge se fige!
O ma colombe poignardée,
Pourquoi ne t'es-tu pas gardée,
En ton dos, de ce grand vertige?
J'ai peur, dessous ta carapace,
Ventre froid de la probité,
De rompre l'infidélité
Qui court en tes veines de glace.
Réponds, mer sourde, réponds-nous
De ce grand rire dans la plaine,
Car nos fils ont mauvaise haleine,
Et dans les bois hurlent des loups.
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Pourquoi masquer le paysage?
Aux devantures de la pluie
Le dernier des Abencérages
Tourne un regard morne de suie
Vers les rieuses Amériques,
Leurs yeux déshydratés de pleurs,
Ici, l'on mange des colchiques,
On s'empoisonne avec des fleurs.
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(vers 1945-1946)
La mer est pareille au vent qui déchire
Les sources de l'ombre en son fol empire -
Et rien n'y sera comme avant -
Si la mer s'y mêle au souffle du vent.
O Désir! O grand Touble! O turbulence extrême!
O Servitude! O Force en la Beauté que j'aime!
O Gloire de l'Espace! O Soleil d'or béni!
O Mer! O Vigilance! O Flot que le vent sonde!
O Tendresse d'un mondeOù rêve l'Infini!
Nul horizon que l'homme atteint
N'abolira le charme étrange
Des chères Mauges, Augustin,
Où s'élabore, sans mélange,
Le calme nu de ton destin.
QUE T'IMPORTENT LES FEUX...
Que t'importent les feux qui brillent sur la mort
Si celui qui t'agite est le plus fort encor -
Quand il ne restera dans l'ombre que le vent
Pour faire fuir la mer dans le soleil levant!...
ET LA TERRE ET LE CIEL...
Et la terre et le ciel et la rose trémière
Et le coeur qui s'en va se perdre en la lumière,
N'en peuvent plus de croire au grand soleil levant
Qui viendra te livrer son âme comme avant!
LA MER
La mer toujours vivante
Et ses mortels embruns, -
Prend mon âme en amante,
Avec ses rochers bruns!
LAVANDIERE
Lave ton linge en le lavoir,
Et, pour garder pure ton âme,
Lave sa ténébreuse flamme
En l'eau lustrale du miroir!
ET LA MORT
Et la Mort, quittant l'or qui brille sur sa rive,
Lorsqu'éclate son coeur tragique dans le soir, -
S'installe en la mouvance d'ombre qui dérive
En l'âme où le désert des mortels jours vient choir!
A
L'Ile
Illiec
Ile Illiec! que n'as-tu vu
Gine et Maurice un jour s'y rendre,
Près d'une mer tellement tendre
Que nul oiseau qui s'y vient prendre
Ne s'y sente à jamais perdu!
(14-6-2004, près des peupliers, 17h 15)
RENARD
Au piège pris par la dent dure
Du bel acier plus fort que toi,
Je te regarde, - et ta morsure
Intérieure et sans souillure
M'arrache comme une blessure
Qui me glace l'âme d'effroi!
Je rêve d'un désert où passent des colombes
Fuyant l'épouvantable alignement des tombes!
Et l'émouvante Mer mourante à mes pieds nus
Ramène en elle l'or des horizons perdus!
Et le chant de la Source est pareil à celui
D'un Soleil plein d'un dieu qui va se perdre en lui!...
(Août 2004)
Plus précieuse, en moi, Ta Main de ne pouvoir
Quêtre Lumière et Force d'Ame dans le noir!
Tes deux Mains vers le Ciel immensément tendues, -
Tes deux si chères Mains à mon regard perdues!
Ta Main, comme un Soleil au fond de ma mémoire,
Eclaire mon Amour d'une éternelle Gloire!