AUTRES POEMES (2)

 

 

 

TU FRISSONNES, SOLEIL...

 

Tu frissonnes, Soleil, et me regardes vivre,

Comme s'il n'y avait au fond de l'air que toi

Pour réapprendre au coeur de mort ce qui l'enivre, -

Lorsque vers où tu vas personne ne te peut suivre

Et que l'ombre te plonge en le désert du froid!

Le Soleil qui descend frissonne avec effroi; -

Comme s'il regardait la Mort à travers moi!

 


 

 AMAZONES

 

Soumises, sous le poids des étalons vainqueurs,

Elles vont, par les temps de ruts indélébiles,

Ouvrir à tout jamais leurs nudités fertiles

A ceux qui leur prendront leurs âmes et leurs coeurs!

 

 


 

VAUTOUR

A ceux-là que je sais.

 

Tremblez de ce qui vient vers vous comme une lame

Dont rien n'arrêtera la force et la clameur,

D'un Destin qui déjà dévaste la pauvre âme

De votre forme d'être où flotte la Douleur! -

Car rien ne sera plus en vous que face blême

Et que béance immense offerte au seul malheur,

Quand, pire que la Mort et toute sa douceur,

Par l'Orage promis aux fous qui le vent sèment,

Le Vautour brusquement vous rongera le coeur!

 

 


 

SE SAISIR DE LA BETE...

 

Se saisir de la Bête ainsi que d'un Coursier

Dont serait le galop nocturne meurtrier; -

Et terasser sa force au gré du sombre Vent

Qui dévaste le coeur des Astres au Levant!

 

 


 

 

COCCINELLE,

Orange et noire, sur ma main

Ta flamme vive, sans savoir

Par quel mystérieux pouvoir

Le ciel déjà d'un pur miroir

Te piègera d'Amour demain!

 

 


 

 

 

QUEL JOUR...

 

 Quel jour - en moi - profond comme l'eau du rocher

Se disperse à la cîme éclatante des arbres!

Ah! s'en aille ma flamme enfin se détacher

De la froide splendeur de mort de tous ces marbres!

Soleil dur! deuil fécond! et sacrificateur

De l'angoisse mortelle et dont l'absurde étreinte

Nous saisit à la gorge obscure de ce coeur

A faire rendre l'âme à toute chair éteinte!

 

 


 

...MAIS JE SAIS...

 

Mais je sais que le vent emporte

Nos coeurs, avec les feuilles mortes;

Toutes les feuilles du chemin,

Ce sont les oeuvres des humains;

Poète ou Paysan, qu'importe,

Que ton oeuvre soit grande ou forte,

Le temps l'emportera demain...

 

 

 


 

VIGNE VIERGE

 

Sang de la vigne et de la vierge:

Automne folle qui s'éprend

De vierge pâle comme cierge,

De vigne rouge comme sang!

 

 


 

NON!

 

Si vous mêlez le sang des morts à votre esprit,

De ceux-là que jadis un sombre éclair surprit,

Leur silence emplira vos tombes comme un cri!

 

 


 

 

EURYDICE

 

Si vous mêlez le sang des morts à votre esprit,

De ceux-là que pour l'âme un sombre éclair surprit,

Leur silence emplira vos tombes comme un cri!

 

Eurydice! Eurydice! au fond du labyrinthe,

Entends monter vers toi mon indicible plainte! -

Par le feu qui dévore au sein des univers

Et la mort du soleil et l'âme dans les airs!

 

 


 

NUAGES...

 

Nuages emportés par ce grand souffle noir

Surgit soudainement du fond de l'Atlantique , -

Vous embrumez le jour de tout ce faux miroir

Epris du sombre éclat du songe pathétique

D'un soleil qui se meurt dans l'oeil qui le vient voir!

 

 


 

TRANSPARENCES

 

Vous avez traversé la vérité profonde

De ce temps par le flot des songes déserté,

Pour en faire sugir, comme la source l'onde,

A travers la détresse immense de ce monde

Quelque chose d'un rêve encore de Beauté!

 

 


 

 

 MA PAUVRE ENFANT...

 

Ma pauvre Enfant perdue en la tempête affreuse

Qui te brise l'esprit par cette mer houleuse, -

Mon cri transperce l'ombre où le regard vient choir

Dans le gouffre qui s'ouvre en l'âme avec le soir!

 

 


 

MOUETTES,

 

- Vos cris, en la lumière ardente de l'Automne,

En mon âme infinie infiniement résonnent

Et me disent qu'il n'est rien d'autre si profond

Que le bruit que vos cris dans l'air vivace font!

 

 


 

DEVASTE-MOI

 

Dévaste-moi du fond vivant de ta blessure,

Toi qui traverses l'ombre et l'âme comme un cri !-

Rends-moi le goût, dis-moi, de cette Source pure

Dont le rêve d'y boire en songe me surprit!

 

 


 

"HERCULE"

 

Ah! quand donc finiront tous ces "Travaux d'Hercule"

Qui te brisent le coeur et te cassent les dents ; -

De tout ce pauvre corps toujours qui gesticule,

- Avec la mort dedans !

 

 


 

LA MORSURE DU VENT...

 

La morsure du vent dans la ténèbre claire

A fait jaillir enfin les sources de la terre

Et pénétrer de gloire au sein des astres fous , -

Ce Mal qui s'en venait mordre le ciel en nous!

 

 


 

LE SOLEIL...

 

- Le soleil qui s'éprend des sources de la mer,

Songe-t-il à celui qui meurt dans le désert ,-

D'une semblable soif à celle de la chair ?...

(De la terrible soif en l'âme de la chair?...)

 

 


 

MEUGLEMENT

 

Le meuglement des bêtes folles de douleur,

Quand le soir, d'un parfum de mort, les environne,

Il m'étonne qu'en toi ce meuglement t'étonne; -

Car l'angoisse t'enserre et le tonnerre tonne

Jusqu'au fond d'une chair où le désir résonne

D'un tourment qui pénètre en toi comme en personne;-

Et ne meugles-tu pas en l'ombre aussi, mon Coeur?...

 

 


 

AUTANS

 

Et je suis cet infirme entre les bras du temps, -

Qui marche et ne sait pas vers quelle ultime cible,

Avec des soubresauts d'éternité terrible,

Et qu'emporte, au-delà de toute soif visible,

La furieuse fougue, en l'âme, des autans!

 


 

LA MER N'EST PLUS LA MER!...

 

La mer n'est plus la mer!... La mer au rythme sombre!

La mer toujours semblable, avec son flot amer!

La mer toujours amère, en mon silence, sombre

Au-delà de l'esprit lui-même et de la chair!

La mer s'en va rejoindre, et son désir sans nombre,

En l'ombre sans retour, de l'Innocence, l'Ombre! -

La mer s'en va de moi!... La mer n'est plus la mer!...

 


 

LE VENT FRAIS QUI SE LÈVE...

 

Le vent frais qui se lève au fond de ma mémoire

Me délivre des feux torrides de l'été; -

Que dirai-je de moi, si l'on ne peut y croire,

Toi qui connais si bien le fond de mon histoire:

De l'avoir, quelque jour, à tous les vents jeté!

 


BELLE

 

Belle, dans le vent,

Brusquement s'allume

Et te jette, écume,

Dans la folle brume

D'une mer qui fume

Au Soleil levant!

 


 

SI LE GRAND VENT DU LARGE...

 

Si le grand vent du large environne mes tempes,

L'air me cherche à travers le rêve des jours vains:

Le jour qui fuit se mêle à ceux des lendemains;

Du feuillage tremblant vois l'ombre sur mes mains;

L'astre dans mon regard met des millions de lampes; -

Mais que de clairs soleils en moi se sont éteints!

 

 


 

ORAGES PROFONDS...

 

- O nuages profonds qui balayez la nue,

Comme si vous n'étiez que seuls à concevoir

Ce qui dérive en nous d'éternité perdue

Dans l'immense lointain des jours que l'on peut voir,

Et, traversant les feux brûlants de l'étendue,

Quelle force vous fait vous perdre en l'âme nue,

Quand la mer plonge en nous les feux de son miroir!

 


 

INEXTINGUIBLE

 

Le malheur est entré dans l'âme par la mort

De ce qui reste en nous de force inextinguible; -

Lequel sera des deux, dans l'âme le plus fort:

De l'éternité vierge ou du temps pris pour cible?...

 


 

NOCTURNE

 

La nuit s'enfonce en moi comme un poignard de mort

Que le vent du désert rend plus terrible encor;

Tellement le visage unique de la nuit

Fait trembler mon visage au fond du temps qui fuit!

 

 


 

AU SEIN DES UNIVERS!...

 

Le criminel à petit feu dans l'ombre sourde

Fait trembler de malheur son âme triste et lourde

Et renaître le Mal où le plus calme coeur

Ne cherchait que la fuite ouverte du Malheur

Et ne rêvait jamais que de survivre enfin

A ce Mal qui l'étreint d'une si folle faim

Que l'or du clair soleil des jours se dissimule

En cette vérité vivante qui recule

Jusqu'au ciel préféré que les plus sombres chairs

Font mourir dans les airs au seins des univers!

 

 


 

LE DEMIURGE

(A Pierre Adeline)

 

O fulgurance de l'idée

Vertigineuse! Lorsqu'au coeur

De l'être même, enfin guidée

Par un prodige de ferveur,

De l'esprit plonge, - en ce malheur

D'une chair prise de la peur

De se voir d'avenir vidée, -

La flèche de l'éclair vainqueur

De la douleur élucidée!

 

 


 

 

COMBIEN DE FOIS...

 

Combien de fois verrai-je encor la mer mourir

A mes pieds incertains sur la sableuse rive,

Et sans cesse entendrai-je encor la source vive

De ce coeur à jamais battre d'un fol désir, -

Jusqu'à ce que la mort des astres clairs s'ensuive?...

 

 


 

TU ME LECHES LES PIEDS...

 

Tu me lèches les pieds, marée effervescente,

Et tu me lèches l'âme aussi par le regard, -

Comme au corps de l'Amant le fait la pure Amante, -

Avant qu'il ne soit pas, pour tous les deux, trop tard!

 

 


 

 

LE VENT FUYANT...

 

Le vent fuyant parmi les rires du soir clair

M'emplit de la douceur lointaine de la mer!...

 


 

 

A JAMAIS...

 

Je me resserre contre Toi, ma Bien-Aimée;

Contre Ton Coeur perdu pour un regard vivant; -

Mais non pas pour mon Ame ensemble désarmée

Et plus forte à jamais que de la Mort le Vent!

 


 

 

LES AMIS QUI S'EN VONT...

 

Les amis qui s'en vont, laisse-les tant partir

Qu'il ne t'en reste rien jamais en la mémoire; -

Qu'est-ce que tout le ciel avec la mer à boire,

Si tu n'en gardes pas en toi le souvenir?

 


 

 

AMANDE DOUCE,...

 

Amande douce, ô douce -amande!

Ah! donne-moi ce que mon coeur demande:

Le feu brûlant et l'eau de ton regard

Particulier sur moi de toute part!

 

Le vent de Dieu qui souffle sur ma tête

A dispersé le trouble de la fête;

O Dieu, douce amande de regards verts!

Le monde rit (et) son regard est pervers.

 

Le monde se rit et (,il) folâtre, il joue;

Son souffle brusque a passé sur ma joue;

Se moque de Ta Face, Dieu très fort,

Et pleure, le regard sec, vers la mort.

 

.....

 

Christus! ah! danse, danse sur Ta Croix!

Descends, Dieu mort, afin que l'on Te croit! -

Et Dieu regarde avec des yeux étranges

Ce grouillement de larves et de fanges...

(vers 1945)

 


 

 

CYCLOPE

 

Le soleil: ses rayons se fichent aux croisées:

Flèches livrant au ciel de sanglantes rosées! -

L'Homme borgne, qu'un reste de lumière aveugle,

Levant, Cyclope énorme, aux prunelles glacées

Des astres, son front morne où germent ses pensées,

Dans sa nuit, à jamais, désespérément beugle.

 

(vers 1945)

 

 


 

A Jamais...

 

Je me resserre contre Toi, ma Bien-Aimée;

Contre Ton coeur perdu pour mon regard vivant; -

Mais non pas pour mon âme ensemble désarmée

Et plus forte à jamais que de la Mort le Vent!

 

Vignes, le 4-09-03

 

 


 

Les Gardes

 

Un grand vent balayait le Jardin pur des Morts; -

Le soleil rayonnait d'une lumière sainte

Et le ciel inondait de bleu la tendre enceinte,

- Pour notre âme, à l'abri de toute vaine crainte, -

De garder en son sein tant de si chers trésors!

 

 


Vertige

 

Je suis dans un désarroi profond;

Tout ce qui me regarde est proche de l'abîme;

La terre avec le ciel et l'ombre se confond; -

Et rien n'est plus semblable au gouffre que la cime!

 


 

Soyez heureux...

 

Soyez heureux, vous dont les armes

Vous tomberont des mains,

Car fleuriront toutes vos larmes

Au coeur des lendemains.

 


 

La nuit...

 

La nuit...Le sang rouge se fige!

O ma colombe poignardée,

Pourquoi ne t'es-tu pas gardée,

En ton dos, de ce grand vertige?

 

J'ai peur, dessous ta carapace,

Ventre froid de la probité,

De rompre l'infidélité

Qui court en tes veines de glace.

 

Réponds, mer sourde, réponds-nous

De ce grand rire dans la plaine,

Car nos fils ont mauvaise haleine,

Et dans les bois hurlent des loups.

 

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Pourquoi masquer le paysage?

Aux devantures de la pluie

Le dernier des Abencérages

Tourne un regard morne de suie

 

Vers les rieuses Amériques,

Leurs yeux déshydratés de pleurs,

Ici, l'on mange des colchiques,

On s'empoisonne avec des fleurs.

 

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(vers 1945-1946)

 


 

La mer est pareille...

 

La mer est pareille au vent qui déchire

Les sources de l'ombre en son fol empire -

Et rien n'y sera comme avant -

Si la mer s'y mêle au souffle du vent.

 

 


 

O Désir!...

 

O Désir! O grand Touble! O turbulence extrême!

O Servitude! O Force en la Beauté que j'aime!

O Gloire de l'Espace! O Soleil d'or béni!

O Mer! O Vigilance! O Flot que le vent sonde!

O Tendresse d'un monde
Où rêve l'Infini!

 


 

 

 

Mauges

 

Nul horizon que l'homme atteint

N'abolira le charme étrange

Des chères Mauges, Augustin,

Où s'élabore, sans mélange,

Le calme nu de ton destin.

 

 


 

 

  QUE T'IMPORTENT LES FEUX...

 

Que t'importent les feux qui brillent sur la mort

Si celui qui t'agite est le plus fort encor -

 Quand il ne restera dans l'ombre que le vent

Pour faire fuir la mer dans le soleil levant!...

 


 

ET LA TERRE ET LE CIEL...

 

Et la terre et le ciel et la rose trémière

Et le coeur qui s'en va se perdre en la lumière,

N'en peuvent plus de croire au grand soleil levant

Qui viendra te livrer son âme comme avant!

 


LA MER

 

La mer toujours vivante

Et ses mortels embruns, -

Prend mon âme en amante,

Avec ses rochers bruns!

 


LAVANDIERE

 

Lave ton linge en le lavoir,

Et, pour garder pure ton âme,

Lave sa ténébreuse flamme

En l'eau lustrale du miroir!

 


 

ET LA MORT

 

Et la Mort, quittant l'or qui brille sur sa rive,

Lorsqu'éclate son coeur tragique dans le soir, -

S'installe en la mouvance d'ombre qui dérive

En l'âme où le désert des mortels jours vient choir!

 


 

A

L'Ile

Illiec

 

Ile Illiec! que n'as-tu vu

Gine et Maurice un jour s'y rendre,

Près d'une mer tellement tendre

Que nul oiseau qui s'y vient prendre

Ne s'y sente à jamais perdu!

 

(14-6-2004, près des peupliers, 17h 15)

 


 

RENARD

 

Au piège pris par la dent dure

Du bel acier plus fort que toi,

Je te regarde, - et ta morsure

Intérieure et sans souillure

M'arrache comme une blessure

Qui me glace l'âme d'effroi!

 


 

Balancement

 

Je rêve d'un désert où passent des colombes

Fuyant l'épouvantable alignement des tombes!

 

Et l'émouvante Mer mourante à mes pieds nus

Ramène en elle l'or des horizons perdus!

 

Et le chant de la Source est pareil à celui

D'un Soleil plein d'un dieu qui va se perdre en lui!...

(Août 2004)

 


 

(Plus précieuse,...)

 

Plus précieuse, en moi, Ta Main de ne pouvoir

Quêtre Lumière et Force d'Ame dans le noir!

 

Tes deux Mains vers le Ciel immensément tendues, -

Tes deux si chères Mains à mon regard perdues!

 

Ta Main, comme un Soleil au fond de ma mémoire,

Eclaire mon Amour d'une éternelle Gloire!