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Autres poèmes

 

 

 

 
Papillon mort...

 

Papillon mort en plein soleil:

Tes ailes battent dans le vent

Comme si tu étais vivant; -

Ah! vers quel songe sans pareil

Te mène ton dernier sommeil,

Ou vers quel pur Soleil levant?

 

 


 

 Tu vis au fond de moi...

 

Tu vis au fond de moi comme personne au monde:

Comme le gouffre au fond de l'eau la plus profonde,

 

Tellement il n'est rien dans mon fragile espace

Qui ne vienne de toi sans y laisser de trace

 

Et n'y fasse surgir le signe sans pareil

De ce qui meurt de vivre au coeur du s(S)oleil!

 

 


 

 La pente du feuillage...

 

La pente du feuillage est celle de la terre

Qui l'attire vers elle en son pouvoir puissant.

O bel arbre toujours vers l'astre renaissant,

Tu penches vers le sol où l'ombre tutélaire

T'irrigue pour jamais de cette force altière

Qui te fait rejaillir sans cesse en la lumière, -

Comme l'âme s'épuise à boire l'or du sang!

 

 


 

 Quand se brise le vase...

 

Quand se brise le vase où le parfum respire,

Le parfum se répand par tout le vaste empire

Et rien ne reste plus de fort et de caché,-

Comme une source incluse au centre du rocher!

 

 


 

 Ciel sans nuage...

 

Ciel sans nuage, ô ma p(P)atrie,

Qu'as-tu fait de ce qui voyage?-

Vers l'incessant fuyant nuage

Mon âme impatiente crie!...

 


 

 Toute la mer...

 

Toute la mer tremble de voir

Les feux du ciel, le calme soir,

Le tourment d'âme dans le noir,

Et la Mort même et son pouvoir,

Tomber dans l'or de ton miroir!

 


 

 Je cherche...

 

Je cherche la fraîcheur des arbres dans le vent;

La lumière qu'un peu de tendre feuille avive;

Le lointain tamisé d'un songe captivant; -

Et cette eau, dans le coeur, qui, jusqu'à l'âme, arrive!...

 


 

Je m'en vais...

 

Je m'en vais vers la nuit végétale et profonde

Où le soleil des jours emplit le coeur du monde

D'une telle ferveur nocturene et sans appel

Qu'elle a pour l'âme seule seule un goût de l'éternel!

 


 

 Tu respires l'hiver...

 

Tu respires l'hiver qui s'avance vers toi,

Triste fleur automnale en l'or qui transfigure

Tout ce qui va mourir de gloire et l'aventure

D'une douceur si tendre en le soleil qui dure,

Qu'elle tremble déjà du grand désert du froid!

 


 

 A s'enfermer...

 

A s'enfermer sur son silence,

Le silence fait un tel bruit

Que la vie en la mort balance,

Comme si, de la moindre chance,

La seule mort était le fruit!

 


 

 La mer est verte...

 

La mer est verte sous les pins

Qui bordent le rivage; -

En quelles faims,

Avec mon coeur sans âge?...

 


 

 Pourquoi dans le désert...

 

Pourquoi dans le désert mon âme tout entière

Promise au feu pourtant total de la lumière; -

Et tout ce clair du ciel en l'air qui m'environne,

Lorsqu'en l'âme le vent de tant d'orages tonne!

 


 

 L'éternité...

 

L'éternité qui me dévore

Me vient des arbres que je vois,

Tristes et purs en leurs pavois,

D'un vert de nuit que l'astre dore

De rayons fulgurants et droits!

 


 

 Parfait Soleil...

 

Parfait Soleil, en l'altitude qui perdure,

Tu dévores l'Automne et tes rayons brûlants

Prolongent du ciel clair des heures l'envergure

Jusqu'au coeur même en nous des astres violents!

 


 

 Nous allons vers la mer...

 

Nous allons vers la mer de l'éternel retour; -

Rien ne demeure plus que la Mémoire ardente

De ce qui fut la Mer immense, mon Amante, -

Avec les oiseaux fous d'un rêve sans détour!

 


 

D'une Beauté tremblante...

 

D'une Beauté tremblante au bord d'une eau de Loire,

Saluant du Soleil des astres la Victoire,

Sur ta roche d'un jour de gloire tu ne fus,

Vierge, que ce Refuge où le désir vient boire,

Quand ne monte vers Toi de l'âme nul refus!...

(Béhuard)

 


 

Peupliers vifs...

 

Peupliers vifs au vent du soir

Vous frissonnez sans le savoir

Comme des astres dans le noir!

 


 

Comme un feu...

 

Meuglement de la bête au fond de l'été triste,

L'odeur de l'herbe ardente et folle se répand

Comme un feu qui suivrait la désertique piste

Tout alentour de l'air où le soleil persiste, -

Et l'âme de survivre à l'ombre se surprend!

 


 

J'interroge le temps...

 

J'interroge le temps qui s'ouvre devant moi

Et ne puis m'empêcher, dans mon désir de vivre,

De lui redemander sans cesse qu'il me livre

Le comment de mon existence et le pourquoi!

 


 

De la cime...

 

De la cime jusqu'au feuillage

L'ombre s'étend jusques au coeur

De cet ultime paysage

Qui détruit tout sur son passage

De ce qui reste de malheur

En ce particulier rivage

Pour mieux en devenir vainqueur!

 


 

O coeur brisé...

 

O coeur brisé par la douleur qui monte

Du fond de toi comme d'un gouffre amer,

Comme une force de pure neige haute dans la mer!...

 


 

Quelques feuilles...

 

Quelques feuilles sur l'escalier

Témoignent que l'hiver arrive

Et que sur la terrestre rive

Soleil et mort vont se lier!

 


 

Marguerites...

 

Marguerites dans le vent folles

Se balancent comme paroles

Au gré mouvant de leurs corolles!...

 


 

 Et l'eau...

 

Et l'eau de la rivière

Et l'âme de ce lieu

S'en vont vers la lumière

Immobile de Dieu!

 


 

A la limite extrême...

 

A la limite extrême en l'être de l'Epure,

Le cri de la mouette intense transfigure

L'universel silence inscrit dans la blessure

Du seul mortel secret qui dans ton coeur perdure, -

En un parfait instant de conscience pure!

 


 

La mer dévore...

 

La mer dévore le rivage,

Et toi, mon seul amour, sais-tu

Ce qu'il advient du paysage

Où ton silence s'est tû?

 


 

 Ta main...

 

Ta main de naufragée

En la mienne s'égare, -

Comme l'or d'un navire

En la douceur d'un phare!

 


 

 Comme il allait...

 

Comme il allait vers l'ombre

Où s'engouffrait la nuit,

Il vit, dans la pénombre,

L'âme du temps qui fuit!

 


 

 Je ne respire plus...

 

Je ne respire plus que l'or d'un songe épars

A travers la lumière errante en tes regards!

 

Mon Amour adoré dans l'ombre du soir clair!...

 

Et je vis, ramassé dans l'ombre qu'il éclaire,

Le feu de mon cerveau rouler comme un tonnerre!...

 


 

 Aucun nuage...

 

Aucun nuage: tout est nu.

Rien ne respire que le vent.

Quel est, du fond de l'inconnu,

Cet astre fol, à coeur perdu,

Qui va, dans l'âme se levant?

 


 

 Le grand vent...

 

Le grand vent qui balaie en moi toute la vie

Respire de survivre au feu de mon désir, -

Quand la clarté des jours est par la mort suivie

De ce qui retenait notre âme d'en mourir!

 


 

 Pierre lucide...

 

Pierre lucide et d'angle au front

D'un ciel vivace qui s'efface

Sous les nuages qu'un vent menace!

 


 

 Passe, Soleil...

 

Passe, Soleil, en moi, de grâce,

Lorsque l'orage nous menace,

Que vibre un ciel que rien n'efface

Et que nul songe ne corrompt!

 


 

 L'horizon s'agrandit...

 

L'horizon s'agrandit devant tes yeux d'airain;

Le soleil vers ton ombre en vain se précipite;

Tout ce qui vit encore au fond de l'air t'invite

A te perdre en l'espace même qui t'étreint:

Il n'est plus dans ton coeur de songe souverain

Que la vague n'emporte, en sa tristesse, - vite!...

 


 

 Je n'étais rien...

 

Je n'étais rien qu'un souffle fou sur la mer folle,

Et le vent qui passait comme une parabole

Emporta jusqu'au fond des songes ma parole!...

 


 

 Le lac

 

L'horizon déchiré d'éclatante lumière

Plonge dans l'or des jours la solitude entière!

 

Lac prisonnier des berges de la nuit;

Lac dont le flot dans mon silence bruit!

 

Pierre dans l'eau, qui la recouvre;

Ainsi l'abîme, en l'âme, s'ouvre!...

 

Le lac, le vent: l'eau qui frémit:

Et mon propre désert, parmi!

 

Châtaigne vive, en sa rousseur; -

Ne l'es-tu pas aussi, mon coeur?

 


 

 Mortellement blessé...

 

Mortellement blessé par l'éternité pure

D'un soleil qui déserte en l'âme la blessure

Et l'entraîne à se perdre au plus secret désert

Qui se puisse former par elle dans la chair!


 

 

 Tumultueuses eaux...

 

Tumultueuses eaux qui rongent le rivage;

Comme dans ma mémoire folle, les autans!

La barque ne peut pas perdre à son tour courage

Sans faire disparaître en elle le printemps!

 


 

 Soleil glacé...

 

Soleil glacé comme une eau froide,

Tu prends ma gorge dans tes rêts -

A rendre l'âme toute roide

D'être attentive à tes attraits!

 


 

 Cher Arbre...

 

Cher Arbre qui me vois et dont l'architecture

Ressemble, à s'y méprendre

A celle de mon âme au fond de ma figure,

Que sais-tu donc de moi, toi dont les bras profonds

Font briller du soleil la conscience pure?

 


 

 Beauté!

 

La beauté même te dévaste :

Tout n'est qu'un masque plus ou moins; -

Et la détresse la plus vaste,

Te couvre l'âme de ses soins!

 


 

 Sombres arbres...

 

Sombres arbres, vêtus d'innocente parure

Mais profonde à mourir au coeur d'un rêve fou,

Que me redites-vous qui ne soit d'ombre pure,

Quand le vent seulement incessamment murmure

Qu'il n'y a d'autre ivresse en l'âme qui perdure

Que celle qui nous vient d'un Dieu qui contient tout!

 


 

 L'herbe...

 

L'herbe s'accroît de l'air qui vibre

Autour de toi comme un désert; -

Et de mon âme aussi la fibre

Au coeur de sa mortelle chair!

 


 

  Immortel silence...

 

Immortel silence au coeur du printemps;

Le coeur se balance au coeur des autans;

Et rien ne persiste en l'univers clos

Que d'un ciel la piste au coeur des sanglots!

 


 

 Les jours sans fin...

 

Les jours sans fin qui s'amenuisent;

Les amitiés qui se défont:

L'éternité n'a plus de prise

Sur les gouffres d'Amour sans fond!

 


 

 Creuse...

 

Creuse en sa profondeur

Ce que la source vive

T'apporte jusqu'au coeur

Du feu qui la captive!...

 


 

 Criant Visage...

 

Criant Visage où la Vérité tremble

D'être la Force et la Tendresse ensemble,

Pénètre-moi de ce Désir de Feu

Qui nous fera renaître infiniment en Dieu!

 


 

 O mer, indifférente...

 

O mer, indifférente au bruit que font les vagues,

A tes lames de fond qui nous blessent le coeur,

Et de l'éternité la troublante rumeur; -

En l'âpre certitude et folle de ces dagues

Dont brille, dans l'éclair de l'âme, la lueur!

 


 

Toujours la feuille...

 

Toujours la feuille qui frissonne

Dans le vent pur qui s'abandonne

Au jour que le soleil te donne!

 


 

Papillon fou...

 

Papillon fou de vague errance,

Comme les fleurs de Saadi,

L'illusion qui te perdit,

Est celle-même, en plein midi,

Qui mit mon âme folle en transe!

 


 

Où je marche...

 

Où je marche, va ma personne,

De la manière que je suis;

Et mon pas seulement résonne

Comme au fond d'un unique puits!

 


 

Je déambule...

 

Je déambule sur la terre

Des Rinfillières au grand jour; -

Et le soleil que rien n'altère

De ma lumière a fait le tour!

 


 

On a roulé...

 

On a roulé la moisson blonde

Dessus les prés couleur de feu, -

Et la glèbe au soleil féconde

Ce même pain de par le monde

Qui peut aussi devenir Dieu!

 

Fougère et chardon bleu se mêlent

Dans un frisson de clarté frêle!...

 


 

Les arbres dépouillés...

 

Les arbres dépouillés sont comme des squelettes

En attente au printemps de toutes les tempêtes

De lumière féconde et de jaillissement

De sève intérieure inexorablement!

 


 

La nuit...

 

La nuit trempe ses yeux

Dans l'océan des larmes

De ce coeur qu'entreprend

Le rire des alarmes!

 


Comme le cerf...

 

Comme le cerf qui s'en vient boire

L'eau de la source au coeur du pré,

L'âme se plonge en la mémoire

De son inaltérable histoire, -

Jusques aux rives du sacré!

 


Le pré...

 

Le pré respire devant moi, d'un calme vert,

Et le vent qui m'apporte un songe, à découvert,

Me berce de la voix lointaine de la mer!

 


 

 Comme l'ombre...

 

Comme l'ombre s'inscrit au coeur du calme jour, -

Ainsi de la douleur au coeur de notre Amour!

 

 


Que serais-je...

 

Que serais-je sans Toi sur terre devenu, -

Dans l'effrayant désert de mon silence nu?...

 

 


 

Tu viens...

 

 Tu viens détruire en moi l'essence de mes jours,

Ciel où l'éternité se mêle à mes Amours!

 

 


 

 

HOMME :

DÉSERT ! IMMENSITÉ !

 

Homme : Désert ! Immensité !

Fleuve de sable où surabonde

Et jusqu'en l'âme vagabonde

En sa diversité féconde

Cette extrême fragilité

Qui la rend folle comme l'onde ! -

"Je suis ton Maître, dit le Vent ! -

D'un seul souffle que nul ne sonde

Et qui ne cesse une seconde

De mouvoir ineffablement

En un flot de lumière blonde

Le cours des astres à la ronde ;

Sans comprendre sur quoi se fonde

Ton suprême balancement ;

Que ton âme s'apaise ou gronde,

Par l'espace ou dans l'eau profonde,

Je te promène par le monde , -

Comme un Abîme en mouvement !"

(Vignes, le 4-04-2002)

 


 

 

JE BOIS LE VENT...

 

Je bois le vent qui vient boire mon âme vive,

Comme la berge boit l'eau vive sur sa rive,

Et comme vient le souffle fou des vains espoirs

Boire l'âme du vent dans l'or des reposoirs !

 


 

JE FERMERAI MES BRAS...

(1ère version de SOLEIL DE MA MEMOIRE) Dans un autre recueil)

 

Je fermerai mes bras sur ton seul silence,

Au-delà des plus calmes nuits et des jours,

Au-delà de la transparente apparence

De ton corps paré de si mortels atours ;

Et je t'enserrerai d'âme la plus vive

Au-delà des mouvements nus de la chair,

Où plus rien n'existe en l'être qui le prive

De vivre les plus purs songes de l'éther, -

Comme d'un vaisseau d'Amour à la dérive

L'or même plonge et soudainement se perd

Au centre ultime de ton plus clair désert,

Et qu'enserrent les bras tendres de la mer ...

 


 

JE RESSEMBLE...

 

Je ressemble à ce vent qui frôle mon visage

Comme un souffle de main qu'on n'ose déranger

Et qui nous ferait croire, à l'ombre du rivage,

Que pour vivre à l'abri du monde et de l'orage

Il n'y a plus soudain sur terre de danger !

 

 


 

LA VILLE

 

A

Celui

qui nous sauva de ces murs

 

Dévore , son Coeur, tout ce qui s'écoule

D'humaine tendresse et d'âme en son bord.

Elle avalerait même de la mort,

Pourvu qu'en son sang les soleils qui roulent

Transforment alors la mort même en or !

 

J'attends de mourir pour ne plus surprendre,

Tout au fond de moi, ce désert de feu

De murs si profondément de couleur de cendre

Qu'ils m'empêcheraient même de voir Dieu !

 

L'aveugle muraille où les jours s'en vont

Finir de mourir avec le soleil,

Te frappe le coeur avec l'âme au front

D'un silence même à la mort pareil !

 

Le ciel est mangé par cette muraille

Qui dresse sa forme âpre devant moi :

Mon esprit se trouble et mon coeur défaille

Que le ciel n'y puisse être plus le roi !

 

Je m'enfonce en l'ombre où l'ombre n'existe

Que pour mieux sonder l'âme en sa douleur ;

Et l'âme de l'âme en moi qui persiste

N'est que la présence en moi du malheur.

 

Ah! que me délivre, à l'heure certaine

Où je m'enfuirai de ces lieux cernés

De plus qu'il ne faut d'ombre souterraine,

Cette immensité de chaleur humaine

Des jours qui jadis m'y furent donnés !

 

Mais rien ne me reste, au fond de moi-même,

Que le souvenir de ces jours passés;

Les jours sont trop courts ici quand on aime

Et qu'à tous les vents les désirs qu'on sème

Sont par ces vents même un jour effacés.

 

Destin qui s'achève alors que l'espace

Surgit à jamais nu devant mes yeux;

Saurai-je jamais retrouver la trace

Au-delà des jours où le jour trépasse

Des jours abolis de tous mes aïeux ?

 

Le temps se resserre autour de ma gorge,

Et je n'entends plus battre, au fond de moi,

Que les longs coups sourds, comme d'une forge,

D'un mal qui me glace l'âme d'effroi !

("Cahiers Bleus")

 

 


 

 VIGNE VIERGE

 

Sang de la vigne et de la vierge:

Automne folle qui s'éprend

De vierge pâle comme cierge,

De vigne rouge comme sang!

 


DANTE

 

Qui sait ce que je sais, devrait relire Dante:

Il n'est pas d'autre Enfer ici qui ne me hante!

 


 

IL EST UN MOT...

 

Il est un mot qu'on ne prononce, tant il rime

Avec ce qu'il y a de pire dans l'abîme!

 


 

NON!

 

Si vous mêlez le sang des morts à votre esprit,

De ceux-là que jadis un sombre éclair surprit,

Leur silence emplira vos tombes comme un cri!

 


EURYDICE

 

Si vous mêlez le sang des morts à votre esprit,

De ceux-là que pour l'âme un sombre éclair surprit,

Leur silence emplira vos tombes comme un cir!

 

Eurydice! Eurydice! au fond du labyrinthe,

Entends monter vers toi mon indicible plainte! -

Par le feu qui dévore au sein des univers

Et la mort du soleil et l'âme dans les airs!

 


 

NUAGES...

 

Nuages emportés par ce grand souffle noir

Surgit soudainement du fond de l'Atlantique , -

Vous embrumez le jour de tout ce faux miroir

Epris du sombre éclat du songe pathétique

D'un soleil qui se meurt dans l'oeil qui le vient voir!

 

 


 

TRANSPARENCES

 

Vous avez traversé la vérité profonde

De ce temps par le flot des songes déserté,

Pour en faire sugir, comme la source l'onde,

A travers la détresse immense de ce monde

Quelque chose d'un rêve encore de Beauté!

 


 

REGARDE L'OMBRE...

 

Regarde l'ombre; et vois quel est au ciel ton signe; -

Et la place de l'âme en ton regard insigne!

 


 

MA PAUVRE ENFANT...

 

Ma pauvre Enfant perdue en la tempête affreuse

Qui te brise l'esprit par cette mer houleuse, -

Mon cri transperce l'ombre où le regard vient choir

Dans le gouffre qui s'ouvre en l'âme avec le soir!

 


 

MOUETTES,

 

- Vos cris, en la lumière ardente de l'Automne,

En mon âme infinie infiniement résonnent

Et me disent qu'il n'est rien d'autre si profond

Qu le bruit que vos cris dans l'air vivace font!

 


 

DEVASTE-MOI

 

Dévaste-moi du fond vivant de ta blessure,

Toi qui traverses l'ombre et l'âme comme un cri !-

Rends-moi le goût, dis-moi, de cette Source pure

Dont le rêve d'y boire en songe me surprit!

 


 

"HERCULE"

 

Ah! quand donc finiront tous ces "Travaux d'Hercule"

Qui te brisent le coeur et te cassent les dents ; -

De tout ce pauvre corps toujours qui gesticule,

- Avec la mort dedans !

 


 

LA MORSURE DU VENT...

 

La morsure du vent dans la ténèbre claire

A fait jaillir enfin les sources de la terre

Et pénétrer de gloire au sein des astres fous , -

Ce Mal qui s'en venait mordre le ciel en nous!

 


 

LE SOLEIL...

 

- Le soleil qui s'éprend des sources de la mer,

Songe-t-il à celui qui meurt dans le désert ,-

D'une semblable soif à celle de la chair ?...

(De la terrible soif en l'âme de la chair?...)

 


 

MEUGLEMENT

 

Le meuglement des bêtes folles de douleur,

Quand le soir, d'un parfum de mort, les environne,

Il m'étonne qu'en toi ce meuglement t'étonne; -

Car l'angoisse t'enserre et le tonnerre tonne

Jusqu'au fond d'une chair où le désir résonne

D'un tourment qui pénètre en toi comme en personne;-

Et ne meugles-tu pas en l'ombre aussi, mon Coeur?...

 


 

AUTANS

 

Et je suis cet infirme entre les bras du temps, -

Qui marche et ne sait pas vers quelle ultime cible,

Avec des soubresauts d'éternité terrible,

Et qu'emporte, au-delà de toute soif visible,

La furieuse fougue, en l'âme, des autans!

 


 

LA MER N'EST PLUS LA MER!...

 

La mer n'est plus la mer!... La mer au rythme sombre!

La mer toujours semblable, avec son flot amer!

La mer toujours amère, en mon silence, sombre

Au-delà de l'esprit lui-même et de la chair!

La mer s'en va rejoindre, et son désir sans nombre,

En l'ombre sans retour, de l'Innocence, l'Ombre! -

La mer s'en va de moi!... La mer n'est plus la mer!...

 


 

LE VENT FRAIS QUI SE LÈVE...

 

Le vent frais qui se lève au fond de ma mémoire

Me délivre des feux torrides de l'été; -

Que dirai-je de moi, si l'on ne peut y croire,

Toi qui connais si bien le fond de mon histoire:

De l'avoir, quelque jour, à tous les vents jeté!

 


 

BELLE

 

Belle, dans le vent,

Brusquement s'allume

Et te jette, écume,

Dans la folle brume

D'une mer qui fume

Au Soleil levant!

 


 

SI LE GRAND VENT DU LARGE...

 

Si le grand vent du large environne mes tempes,

L'air me cherche à travers le rêve des jours vains:

Le jour qui fuit se mêle à ceux des lendemains;

Du feuillage tremblant vois l'ombre sur mes mains;

L'astre dans mon regard met des millions de lampes; -

Mais que de clairs soleils en moi se sont éteints!

 


 

O NUAGES PROFONDS...

 

- O nuages profonds qui balayez la nue,

Comme si vous n'étiez que seuls à concevoir

Ce qui dérive en nous d'éternité perdue

Dans l'immense lointain des jours que l'on peut voir,

Et, traversant les feux brûlants de l'étendue,

Quelle force vous fait vous perdre en l'âme nue,

Quand la mer plonge en nous les feux de son miroir!

 


 

INEXTINGUIBLE

 

Le malheur est entré dans l'âme par la mort

De ce qui reste en nous de force inextinguible; -

Lequel sera des deux, dans l'âme le plus fort:

De l'éternité vierge ou du temps pris pour cible?...

 


 

NOCTURNE

 

La nuit s'enfonce en moi comme un poignard de mort

Que le vent du désert rend plus terrible encor;

Tellement le visage unique de la nuit

Fait trembler mon visage au fond du temps qui fuit!

 


 

AU SEIN DES UNIVERS!...

 

Le criminel à petit feu dans l'ombre sourde

Fait trembler de malheur son âme triste et lourde

Et renaître le Mal où le plus calme coeur

Ne cherchait que la fuite ouverte du Malheur

Et ne rêvait jamais que de survivre enfin

A ce Mal qui l'étreint d'une si folle faim

Que l'or du clair soleil des jours se dissimule

En cette vérité vivante qui recule

Jusqu'au ciel préféré que les plus sombres chairs

Font mourir dans les airs au seins des univers!

 

 

 


 

HOMME :

DÉSERT ! IMMENSITÉ !

 

Homme : Désert ! Immensité !

Fleuve de sable où surabonde

Et jusqu'en l'âme vagabonde

En sa diversité féconde

Cette extrême fragilité

Qui la rend folle comme l'onde ! -

"Je suis ton Maître, dit le Vent ! -

D'un seul souffle que nul ne sonde

Et qui ne cesse une seconde

De mouvoir ineffablement

En un flot de lumière blonde

Le cours des astres à la ronde ;

Sans comprendre sur quoi se fonde

Ton suprême balancement ;

Que ton âme s'apaise ou gronde,

Par l'espace ou dans l'eau profonde,

Je te promène par le monde , -

Comme un Abîme en mouvement !"

(Vignes, le 4-04-2002)

 


 

 

JE BOIS LE VENT...

 

Je bois le vent qui vient boire mon âme vive,

Comme la berge boit l'eau vive sur sa rive,

Et comme vient le souffle fou des vains espoirs

Boire l'âme du vent dans l'or des reposoirs !

 


 

Emmaüs

 

Visage pénétré de haute Solitude

Et de Réalité plus brûlante que toi,

Ne crains-tu rien de ce grand gel intérieur

Qui nous prend l'âme aux rêts des drames de la peur,

Vivante et pourtant morte, quand s'élude

La connaissance même, et toute certitude,

Au fond d'un grand paysage de neige, - froid!

 

 


 

LE FLAMANT ROSE

 

Je suis le joli flamant rose:

Sur mes larges pattes palmées,

Je vais, je viens, je me repose ;

Et suis le roi de toute chose,

Quand le soleil met une rose

Dans le miroir des eaux calmées.

 

 


 

CHAPEAU DE PAILLE...

 

Chapeau de paille et coeur joli,

S'en vont tous deux par la campagne

Courir les fleurs de la montagne,

Et mon regard les accompagne

A travers le grand bois fleuri :

Chapeau de paille et coeur joli.

 


 

AJONC

 

Dans la pâleur d'un soir qui donne le vertige,

A faire perdre au coeur la force et la raison,

Tu surgis solitaire et ton ardente tige

Tourne vers le soleil qui peuple l'horizon

Le seul feu par lequel le triste hiver se fige !

 

 


 

 

 ELOGE DU MOUCHOIR

MIROIR DE L'ÂME

 

Triste - ah ! - de ne se pas savoir

Fait seulement pour si légères

Et fines larmes recevoir

Que nul regard comme étrangères

Les puisse même concevoir,

Toutes joyeuses de s'ébattre

A l'extrême pointe des cils

Clairs encor de leur eau bleuâtre

Qui va tomber au fond des fils,

Mais de ces sources singulières

- Comme de l'être le plus pur ! -

Qui font jaillir sous les paupières

Un incroyable deuil d'azur,

O réceptacle salutaire

Et digne enfin du souvenir

De l'oeil qu'une douleur altère

Au point de ne pouvoir sur terre

Le sel des larmes contenir,

Ouvre-moi ton sein qui me hante

De la blancheur d'un tel miroir

Qu'il n'est âme qui se lamente

Ou de quelque bonheur s'enchante

Qui ne s'y penche sans s'y voir,

Afin que, pâle dans le soir,

Se précipite pour y choir

L'ultime larme qui délivre

De tous les feux du désespoir

Et - fol moi-même d'y vouloir,

Au-delà de mes pleurs, survivre

Au charme à la fois tendre et noir

D'un songe encore qui m'enivre -

Que j'y plonge mon coeur, Mouchoir !

 

 

 


A JEAN THOMAS

 

Quel songe nous entraîne, en ce désert de l'homme

Où tu marches sans craindre rien de l'Ennemi,

Promenant ton regard de peintre où Dieu gémit,

Et ce Verbe qui parle humainement en somme

Un langage dont l'âme infiniment frémit ; -

Tandis que je m'en vais, avec mon pauvre somme,

A peine encor vivant, presque mort à demi,

Comme si déjà plus Rome n'était dans Rome,

La plus belle pourtant des Villes que l'on nomme,

Me perdre en le Pays profond de l'Endormi ?

 

 


EXIL

 

A l'éminent et très cher Ermite que je sais

 

O toi, qu'un vent profond de solitude avive,

Laisse tout ce qui meurt mourir à tes pieds nus ;

On ne change pas l'âme en la changeant de rive ;

L'esprit s'accroît des feux dont le désert le prive,

Pour un rayonnement qui ne s'éteindra plus ; -

Car, si loin que le coeur en l'univers s'active

A susciter l'éclat d'un songe qui le suive,

Lorsque l'âme n'est plus que de Dieu seul captive,

Le regard s'agrandit des cieux qu'il a perdus !

 

 


 

 TON CRI

 

Me transperce comme une lance,

Jusqu'à la cime de l'esprit,

En mon désert la survivance

De la secrète fulgurance

Du pur silence de ton cri.

(4 novembre 2002, 14h30)

 

 


 

  POUR LE RÉVEIL D'UN POETE

A mon ami, le Poète Roger-Jean Charpentier

 

Je n'ai pas soulevé la pierre où tu dormais,

Bel Ange, sans surprendre une autre solitude

Ni de mes doigts pliés aux longues habitudes

Sans susciter le rêve aux rives que j'aimais...

 

Quel songe, au plus secret de ton âme égarée

Par la sérénité trompeuse de son or,

Te retient de survivre en la chaleur dorée

D'un jour qui t'illumine à travers l'ombre encor?

 

Incroyable dormeur où règnent des merveilles!...

Ah! saurai-je éveiller, dans son antre sacré,

La déesse, ma soeur la Muse, quand j'irai

D'une insolente main lui tirer les oreilles

 

Pour lui dire qu'elle bourdonne en plein été

Dans ta cervelle ainsi qu'une abeille en délire

Et t'apporte - au milieu de ton calme enchanté

Sur ta pierre de proue en l'eau de mer - la lyre,

 

Les arbres, les fruits mûrs, les parfums, le ciel doux,

Le miel et la colombe et la grappe vermeille,

Et plus près de ton coeur, - adorable à genoux! -

Une larme d'azur ivre parmi les treilles!

(Juin 1950)

 

 

 

 


 

INSECTE VERT

 

Souffle sur toi la mort vivante,

Insecte vert parmi les prés ;

La mort vivante, ton Amante,

Avec tes ailerons dorés ; -

Insecte vert parmi la menthe,

Où les feuillages mordorés

Font pleuvoir cette mort savante

En laquelle, de flamme ardente

Et pour tout l'avenir, s'invente,

A mesure que le ciel chante,

Ton rêve d'or, parmi les prés !

 

 



 

 

Poèmes publiés dans le bulletin de

l'"Union de Prière"

 

A Louis Chaigne

 

Ah! dites moi, très cher Louis,

De votre coeur quel est le songe

Par-delà tous les aujourd'huis

Et quel miracle en vous prolonge

Ce Jour plus calme que vos nuits, -

Tandis que mon silence plonge,

En cet espace aux mornes fruits,

D'une tristesse qui me ronge,

Au pur secret des jours détruits?

(6 juillet 1975)

 

 


 

La grande paix...

 

La grande paix profonde, en l'âme, de l'absence;

Quand le songe n'est plus que morsure du feu; -

L'orage en toi, vivant, de toute la présence

De l'immobile Nuit solitaire de Dieu!

(Noël 1983)

 

 


 

In Memoriam

A Monsieur l'Abbé Félix Peccard

 

De la vague mortelle à l'éternelle errance

En nous de l'Océan qui n'a ni bords ni fin,

Qui jamais ne s'achève et toujours recommence

En notre âme à creuser l'inaltérable faim,

Votre lèvre tremblante encore et la plus pure

N'a cessé de redire, en la ténèbre dure

De ce mal en plein coeur soudain qui vous perdit

Et comme elle l'avait déjà souvent redit

A l'autel vénéré de l'Etre sans souillure,

Mais dans un souffle alors étreint par la blessure,

D'Amour: "Introïbo ad altare Dei!..."

 

 


 

Au

Très cher Henri

(Le grand Qheff')

In memoriam

 

Le grand Queff' est parti pour sa dernière errance,

Sur cette mer sans bord d'où l'on ne revient pas;

Et comme s'il savait vers quelle Survivance

Et quel ultime Port voguait son Espérance, -

Quand la Mer le tenait sur terre entre ses bras!...

 

"Ton regard éperdu, sur la Mer sans rivage,

Comme je t'écrivais, ce matin s'est posé; -

Quel songe poursuivait ton âme en grand voyage,

Quand l'aile de l'Archange, au centre de ton âge,

Et sans que rien ne puisse en détourner l'ombrage,

Sur ton coeur brusquement s'en vint se reposer?..."

(20-1-92)

 

 


 

Etre sans nom...

 

Etre sans Nom! Visage inexprimable!

Gouffre d'Amour en l'Océan des Nuits!

Forme sans Forme! O Songe délectable!

O Profondeur immense de ce Puits

Où vient surgir la Source inépuisable!

Splendeur sans fin qui dans l'abîme luit!

De toutes les soifs humaines, l'Habitacle!

Et de nos pauvres larmes, Réceptacle!

O, pour mon âme insatiable, Fruit!

 

 


 

O Sable déserté...

 

O sable déserté par ce qui le dévore!...

Le filet recule au fond de l'infini perdu!

Qu'est-ce de toi, pauvre âme, et qu'est-ce qui t'implore? -

De fond de l'horizon, quelle Tendresse encore

D'un Dieu peut-être en toi, dans l'ombre, reconnu?...