retour à la page d'accueil

 

AMOUR

de mon amour

 

Burin

d'Albert DECARIS

 

GM

 

Pour

GINE,

éternellement.

 

 

Ta soif mortelle est dans mes mains illuminées

Comme un flambeau vivant qui monte de la nuit !

 

 

AMOR

 

COMME SOLEIL RAYONNERAIT

AU FOND D'UN CIEL QU'IL BRÛLERAIT

D'UN FEU MORTEL QUI LE TUERAIT, -

AINSI MOI-MÊME JE SAVAIS

QUE SEULEMENT JE NE POURRAIS

SAVOIR ENFIN SI JE T'AIMAIS

INFINIMENT ET POUR JAMAIS,

EN MÊME TEMPS QUE J'EN VIVRAIS,

QUE DU JOUR MÊME OU J'EN MOURRAIS !

 

 

Qui ne meurt d'aimer, n'aime pas.

Mais qui meurt d'aimer mourrait, celui ou celle qu'il aime, de ne l'aimer pas.

 On ne meurt finalement d'aimer que ce que l'on ne pourrait cesser d'aimer sans en mourir.

 La vie et la mort, en Amour, ne font qu'Un.

 L'absolu ici-bas de l'Amour vient de ce que l'Amour est le plus formidable baiser que l'éternité puisse donner, par nous et en nous, au temps, comme le temps à l'éternité.

 Où tu n'es pas, pour moi, le temps, et l'éternité avec lui, est absent.

 

 

DIAMANT

 

Comme d'un feu de toute part

En mille feux perpétué

S'imprime en ton vivant regard

L'or même en diamant mué,

Ainsi d'étoile la plus dure

Et la plus précieuse aussi

Surgisse et dans mon coeur perdure

Diamant tel que nul souci

N'en ternisse la beauté pure

Au ciel jamais d'Amour transi !

 

 

CETTE ROSE...

 

Cette Rose, comme un regard

De pur silence, qu'elle pose

Sur ton attente, quelque part

Au fond de ta chère Ame, n'ôse

Te révéler sa flamme haute, à cause

De son irrémédiable dard !

 

 

SONGE, A LA FIN D'UN JOUR...

 

Songe, à la fin d'un jour saignant comme un beau fruit,

Chère Amour, à genoux dans l'ombre coutumière,

Mais l'âme tout entière offerte à la lumière,

A respirer encore, en sa splendeur dernière,

Le visage empourpré des roses de la nuit !

 

 

SCINTILLEMENT DE LA LUMIÈRE...

 

Scintillement de la lumière

Sur le rivage déserté ;

Marque ton rêve d'une pierre

Brûlante encore de l'été.

S'éclaire toute la promesse

D'un Automne aux multiples fruits :

Son ruissellement d'or te blesse

De tous les souvenirs détruits ; -

Et ton immortelle détresse

Plonge d'Amour au fond des nuits !

 

 

LES MOTS DORÉS...

 

Les mots dorés qui sortent de tes lèvres

Et vont se perdre au fond du songe mien,

Me semblent dire à mes tremblantes fièvres

Qu'il n'est au ciel d'ange musicien

Plus que ne l'est cette tendresse folle

Qui m'a rendu par ton silence pur

Esclave au bord fuyant de ta parole, -

Comme se fond dans le plus calme azur

Dont s'éternise en l'âme la corolle,

La pulpe chaude encore d'un fruit mûr !

 

 

AIGUE-MARINE

 

Par la clarté de cette eau vive

Qui te révèle ton visage,

Ah ! qu'elles aillent, ton image

Et l'âme frêle qu'elle rive

A son impatient voyage,

Se perdre un jour, de rive en rive,

Au coeur d'un Océan sans âge !...

 

 

L'ADORÉE

 

Au plus secret de la marée

De l'âme tout à découvert,

Je t'ai surprise, l'Adorée

De mon grand paysage vert,

M'envahir comme, d'une mer

Absente enfin de la durée

Se précipitent, à l'orée

Des gouffres même de la chair,

Des flots d'ivresse dévorée

Par quelque inapaisable aber !

 

 

L'ENDORMIE...

 

Soleil de givre,

- O lèvre Amie ! -

Désir s'enivre

De l'âme unie

Au mal de vivre

De l'Endormie...

 

 

L'ENSOLEILLÉE...

 

En ton âme même je me regarde,

A mesure que de tes yeux la clarté monte

Et que de tes lèvres glisse comme une fonte

De neige sous un long soleil qui tarde...

 

 

L'INEFFABLE CONTRÉE...

 

L'ineffable contrée

Vaporeuse de l'âme,

L'aurai-je désirée, -

Comme, au coeur de la Femme

Et du Mal ignorée,

La lumière adorée

D'éternité parée,

Que sa ténèbre clame !

 

 

L'ESPACE NI LE TEMPS...

 

 

L'espace ni le temps n'épuiseront jamais

L'océan de ton âme aux profondeurs d'abîmes,

Où s'en viennent sans fin les mouvements ultimes

De mon être poursuivre, en d'enivrantes cimes,

Et comme en l'autrefois de nos ferveurs intimes,

Cette absence de mort en toi, - que tant j'aimais !

 

 

GLISSENT LES SONGES...

 

 

Glissent les songes de la nuit

Sur ton visage d'ombre encore ; -

A mesure que nous poursuit

L'heure après l'heure qui nous fuit

Au fond de l'âme sans un bruit

Vers quelque inconcevable aurore...

 

 

COMME ON BOIT À LA SOURCE...

 

 

Comme on boit à la source immense au fond d'un puits,

Me plonger en l'espace extrême de ton être,

Afin de mieux te voir et mieux te reconnaître,

De mieux surprendre encore en l'ombre du paraître

Ce qui donne à ton coeur la force de renaître,

Et, par soif de n'avoir d'autre désir pour maître,

De reconnaître en toi l'abîme que je suis !

 

 

VERRAI-JE UN JOUR MOURIR...

 

 

Verrai-je un jour mourir les fleurs que j'ai semées,

Et, solitaire au bord des mortelles années,

Ce fémissement d'astre en nous, quand, désarmées

Par le vent qui voulut les voir toutes calmées,

Les heures ne sont plus que futiles fumées

Qu'emporte un long regret d'ivresses surannées,

Et cet ultime songe aux promesses fanées

Que ma tristesse avive aux rives jamais nées ?...

 

 

LES PLUS BEAUX FRUITS DU JOUR...

 

Les plus beaux fruits du jour meurent avant la nuit...

O Tendresse attentive au geste le plus tendre,

Et le plus clair désir de l'arbre est de suspendre

Entre le ciel sans ride et l'ombre où meurt le bruit

D'une mortelle fleur le plus durable fruit

Dont puisse encor ta lèvre avec ferveur s'éprendre, -

Lorsqu'en ton Ame, où vient toute fraîcheur descendre,

Et tremblante en secret soudain de les attendre,

Se révèlent déjà les songes de la Nuit !...

 

 

JE CHANTERAI NOTRE AMOUR...

 

Je chanterai notre Amour

Aux fenêtres de l'espace,

Où le vent fugace passe

Et de l'ombre fait le tour !

 

*

 

Pour lui dire qu'il n'est de fleur fanée

En ce coeur fidèle et tendre

De tristesse ni de cendre

Au souffle nu de l'année,

Mais que silence et clair de terre,

Comme au plus fou de la saison,

Lorsqu'au secret de la maison

Nulle flamme jamais ne reste solitaire,

Et qu'il n'est plus qu'ivresse folle dans l'air doré

Par l'incessante sarabande des abeilles,

Où rien ne vibre encore entre les treilles

Que cette force en l'air d'azur subtilement paré,

Et que cette magnificence

De ce qui bruit sans le savoir

Et de son aile fait valoir

Le coeur tranquille du silence !

 

*

 

A la chute, au point du jour,

Aux fenêtres de l'espace,

Sans que de lui rien ne passe,

Je chanterai notre Amour !

 

 

SAPHIR

 

Au doigt brillant d'une eau de nuit

Surgit l'unique transparence

De cette pierre d'ombre où luit

Le pur secret d'une présence

Que nulle force ne détruit ; -

Et que ravive l'Innocence

Du Songe d'Or qui nous poursuit

De ce Pays de Commaissance

Dont pour toujours - dans le silence

D'une immémoriale Absence,

Par l'immortelle Survivance

D'une parfaite Connivence -

Jusqu'en notre âme meurt le Fruit !

Nuit de la pierre où git l'esprit

De la matière inanimée,

Mon regard tendre te surprit

Au doigt fragile de l'Aimée ; -

Magnificence des plaisirs,

Voici, comme d'une eau dormante

A satisfaire les désirs

De la plus difficile amante

En ses irrévélés soupirs,

Que se libère de ton onde

Comme l'éclat d'un devenir

Si proche de ma soif profonde

Qu'il n'est tristesse par le monde

Qui jamais puisse, l'inféconde,

Où l'ombre même surabonde,

Venir encore la ternir !

 

 

TON CORPS,

 

L'aurai-je aimé jamais comme je l'aurais dû :

Aussi profondément que la clarté profonde

Et virginale ainsi qu'aux premiers jours du monde

Envahit l'Océan vivant qu'elle féconde

Au beau milieu d'un ciel où l'âme surabonde -

Sauf en ce trouble en moi que la ténèbre sonde,

De tout le mouvement d'un grand Désir perdu !

 

 

TENDRESSE

 

 

Lorsque le grand soleil s'emplit de mort virile

Et solitairement s'engouffre dans la mer,

Semblable à quelque dieu superbe d'être une île

Et que vient battre un flot impénétrable et clair, -

Par cette soif d'un songe où ton regard s'exile

Et t'emporte au-delà des souffles vains de l'air,

S'il se révèle encore en toi quelque subtile

Et souveraine extase d'âme et de la chair,

O Tendresse, à jamais entre mes bras docile,

Ton destin d'être Deux te semble moins amer !

 

 

PAR MON OREILLE OFFERTE...

 

Par mon oreille offerte au songe qui t'a prise

L'âme toute elle-même en son filet vainqueur ;

Au long d'une existence incomparable ou grise ;

Dans une immense paix comme dans la douleur ;

L'aurai-je tant de fois secrètement surprise

La respiration nocturne de ton coeur !

 

 

JE T'AIME...

 

Je t'aime au-delà des flots sans retour ;

Je t'aime au-delà des mots de la vie ;

Je t'aime au-delà des lueurs du jours ;

je t'aime au-delà de l'âme ravie ; -

Je t'aime au-delà même de l'Amour !

 

 

JE TE CHERCHE...

 

 

Je te cherche partout

Comme dans un désert

Où mon être toujours

Infiniment se perd ; -

Sans connaître jusqu'où

Ta vérité vivante

Et follement absente

Entraînera ma chair ;

Ni quel silence clair

Au fil des âpres jours,

Par cette soif ardente

Encore qui me hante,

Me rendra mon Amante

Immensément présente

Au coeur de mes Amours !

 

 

DÉCHIREMENT

 

Abîme : cîme ! - Vérité

Que nul apaisement n'élude !

Déchirement de l'altitude

Au plus secret de l'unité !

En nous se meurt l'espace nu

Dont s'exaltait la survivance,

A coeur désert, à corps rendu,

Livrés au vent de la démence

D'un songe d'astre suspendu

Au ciel rêvé de l'innocence !

Le mal à mort met la mouvance

De l'un en l'autre reconnu,

Mais qu'un abîme de souffrance

Pousse toujours, comme en errance,

Et comme son ultime chance,

A retrouver le temps perdu !

 

 

TE SOUVIENT-IL...?

 

Te souvient-il du paysage

Où nous eûmes les yeux blessés

Par la douceur du seul rivage

Qui dans notre âme sut passer ? -

Le fleuve allait d'un tel délire

Lorsque la brume du matin

Nous fit rouler tout un empire

De pièces d'or au bord du Rhin,

Que nous restâmes sans comprendre

Par quel miracle ce jour-là

Quelque chose, sans se défendre,

Que le soleil nous révéla,

Mourait en nous, - que nous vécûmes

Au plus profond de la raison,

Quand tout le ciel n'était que plumes

D'aurore blanche à l'horizon...

 

 

LIERRE

 

Comme ce lierre

En le temps profond,

Surgi d'une pierre,

Monte et se confond

Avec la lumière

Du soleil levant, -

Ainsi, dans l'espace,

Mon être vivant

Pour toujours t'enlace,

Ame dans le vent,

Qui jamais ne lasse

De ta pure grâce

Mon regard rêvant

De ta folle trace

Et que rien n'efface -

En mon ciel d'avant !

 

 

MA CHANCE

 

Ne serais-tu que silence

Par-delà le geste offert

D'une charnelle présence

Au fond de mon coeur désert,

Que j'entendrais la rumeur

Pareille au bruit de la mer

Que me ferait la douceur

A travers heur et malheur

Jusqu'au centre de ma chair

De l'intime connaissance

D'Amour au plus fort de l'air

Que j'aurais de toi, ma Chance

D'être enfin cet univers

De ciel calme, de science,

De beaux fruits les plus divers,

Qui se rit de l'apparence

Et m'emplit de songes clairs,

Toi qui n'es que transparence,

Après tant de maux soufferts.

 

 

NI TES LARMES...

 

Ni tes larmes, ni ton sourire,

Ni le ciel de ton âme en toi ;

Ni ton regard, ni son empire

Sur mon immense désert froid ;

Ni cette flamme qui n'aspire

A ne survivre en son délire

Que de l'ivresse de ma foi,

Ne cesseront de me redire

Sous un soleil qui me déchire

De son irrémédiable loi,

Leur propre soif que ne respire

Plus du malheur la force pire

Que toute la ténèbre, - en moi !

 

 

SOMMEILLEUSE

 

Intensément présente et cependant pareille

Au monde enseveli sous la ténèbre basse...

O ma sollicitude ! O ma tendresse lasse,

Et ma source de rire calme, quand s'éveille

Le soleil aux rayons tendus comme une nasse !...

Le jour qui t'a surprise en ta rêveuse absence

A dissipé pour toi les rives endormies

De ce lac de silence où tu puisais ta chance

De survivre à ce temps de mort et de démence

Jusqu'au sein d'un réel aux rives ennemies. -

Ah ! dis-moi ce qui pleure en toi de solitude

Ou de tremblant regard parmi la multitude,

A l'écart de ce coeur qui ne voudrait briser

Plus rien de ce qui meut l'Amour en l'âme lente

A retrouver toujours l'intimité dolente

Et soumise aux sursauts de ses désirs d'amante,

De corps à la merci tragique d'un baiser !...

 

 

TOI

 

Te rejoindre où ton coeur jamais ne fut absent,

Où plus rien de mortel encore ne persiste ;

Où du mal que l'on sait qui ronge notre sang,

Nulle force ne dure plus et résiste

A l'assaut d'un désir, immense et traversant

Du terrestre désert la ténébreuse piste,

Qui sans cesse me porte, en l'ombre renaissant

Du fond le plus secret de l'âme la plus triste,

A ne plus te rêver, lorsque le jour descend,

Que vivant sous un ciel que nul sommeil n'attriste,

Et comme d'un soleil le songe incandescent,

Que d'être en moi plus que moi-même, quand j'existe !

 

 

PARFAITE SOIF !...

 

Parfaite soif ! Espace inexprimable !

Tremblante chair, à mon désir surpris !

L'esprit te meut, promesse véritable,

A fendre l'âme, à perdre les esprits !

Dresse ta flamme au centre de l'espace,

Où le soleil, d'ivresse, resplendit !

Ta flamme toute droite, ô ma Vivace !

Et parel peu : les songes que l'on ditt,

En l'âpre vent, plus que l'espace, passent,

Pour n'être plus que souvenir détruit.

 

*

 

Impatient désir ! O connivence pure

Où va la solitude, à deux, se définir,

En cette place même où puissent devenir

L'ardeur apaisement, l'apaisement brûlure,

Le désir plus ardent de n'être que blessure,

Et le vivre à la fin pareil à du mourir !

 

 

ATTENTIVE...

 

Attentive au secret de la plus sourde chair -

Et comme d'une mer l'offrande primitive,

Ecoute en toi monter de la plus vaste rive

Dont le bruit immobile emplisse l'âme et l'air

D'un miracle déjà d'éternité pensive,

Cet appel douloureux et calme qui te prive

De poursuivre, à travers le fascinant désert

D'un univers meurtri par la détresse vive

De l'Astre foudroyé d'un ciel à la dérive,

L'illumination d'un songe qui te perd ...

 

 

DOUCE-AMÈRE

 

Le temps n'est plus, ma Douce-Amère,

Que survivance du divin,

Lorsqu'en notre âme l'éphémère

Inapaisable meurt de faim ; -

A moins que d'une soif légère

- Et, comme l'ombre, passagère -

Une dernière fois sur terre

Ne resplendissent nos destins :

Le temps n'est plus, ma Douce-Amère,

Qu'un peu d'ivresse dans nos mains !

 

 

Où T'ENVAS-TU COURIR AINSI ... ?

 

Où t'en vas-tu courir ainsi, ma Bien-Aimée, -

Comme fleur de soleil à vivre condamnée

Un peu plus que le jour et moins qu'une journée ?...

 

 

COMME SI...

 

...Comme si la soudaine mort

Bouleversant sur son passage

Infiniment le balisage

De notre intime paysage,

S'engouffrait jusque dans le port

Où nous avions pourtant cru sage

De fixer pour toujours l'ancrage

De notre insaisissable sort !

 

 

LA VAGUE SUR LA VAGUE...

 

La vague sur la vague, en son ultime errance,

Vient battre, ô mon Amour enfin désemparée,

La plage infiniment de l'ombre qui s'avance,

Insensible, du fond de l'éternel silence,

Et qui submerge tout d'une désespérance

Dont rien n'arrête plus en l'âme la marée...

 

 

 

ORAGE SUR LA MER...

 

Orage sur la mer vaste comme la nue ;

Orage dans les arbres fous du fol rivage ;

Orage, ô mon Amour, jusque dans l'inconnue

Présence de la mort au fond du paysage ; -

Comme en notre âme même - infiniment sauvage,

Friable, vulnérable, inconsolable et nue...

 

 

LES JOURS S'EN VONT!...

 

Les jours s'en vont !... Les jours vont vite !...

O ma tendresse à demi-mot !...

Le soir vers nous se précipite :

Quelle tristesse qu'il nous faut

Contenir toute, nous habite,

Lorsque des heures d'or la fuite

S'en va sans cesse, à notre suite,

Se perdre au loin - dans un sanglot !...

 

 

GINE

 

Rien d'autre à dire que des mots,

Mais ton visage à travers eux ;

Et ton âme comme pavots

Epanouis devant mes yeux ;

Et ton silence que révèle

Le mouvement de pureté

De l'existence temporelle

Du plus secret de ton été !

O patiente ! O merveilleuse !

Regard tendu vers le soleil !

Mon coeur ! Mon sang ! Mon amoureuse !

Soleil au vrai soleil pareil !

Course légère des rivières ;

Toi qu'apprivoisent les oiseaux !

Ma fleur de ciel ! Ma fleur des eaux !

Ma marguerite aux cent lumières !

Mon nénuphar dont l'âme d'or

Brûle en la mienne la plus tendre

Comme une lampe d'homme fort

Quand la nuit tente de descendre

En nous déjà comme la mort. -

Quelle âpre ivresse dans nos veines

Voile l'éclat de ce regard

Qui pénétrait de toute part

Le gouffre même de nos peines

Et délivrait nos soifs humaines

Du plus vertigineux hasard ?

Voici que dans le calme jour

Dont rayonnait l'ardente plaine

Du clair pays de notre Amour,

S'installe le désir, ma Reine,

De l'exaltation soudaine

De cette force souveraine

Qui saisit toute forme vaine

D'une détresse sans retour? -

O ma prairie évaporée

Dans le brouillard venu des bois,

Vois ma tendresse enamourée

Perdre le ciel avec ses voix

Et t'appeler, ma Soeur parée

De toute les splendeurs des rois,

De cette soif désespérée

Qui monte encor de ma contrée

A l'heure ultime des abois !

 

 

 

O MON AMOUR

 

 

Le jour dérive, ô mon Amour, le jour dérive...

 

Comme un vaisseau de haut lignage

Balance au ciel de clarté vive

Un coeur sans âge

Et plonge au sein d'un gouffre noir

Plein d'amertume

Sa belle voile en encensoir

Que le vent hume !...

 

Le jour dérive, ô mon Amour, le jour dérive...

 

Et rien ne reste plus en nos mains folles

Du clair désir

De se saisir du sel léger de nos paroles

Comme à loisir,

Pour en extraire la semence

Qui monte aux lèvres

Du plus profond de ce silence

D'or de nos fièvres !

 

Le jour dérive, ô mon Amour, le jour dérive...

 

Autour de nous, en nous, si frêle

Et pâle encor

Que va s'y perdre la nacelle

De ce grand rêve de haut bord,

Qui n'a de cesse qu'il n'écrive

Sur une mer belle comme elle;

Où le vent dort,

L'ultime page, au mal rebelle,

Et solitaire comme une aile -

Jusqu'à la mort !

 

 

 

PAR-DELÀ...

 

Au-dessus des vents, des marées ;

Par-delà cette onde mouvante

Où le mal en l'âme s'invente

Et dans le flot qui la tourmente

Plonge ses forces démarrées ; -

Je t'aimerai malgré l'atroce

Ténèbre folle d'une noce

De lumière que l'ombre affame ;

Malgré le rire de l'hiver ;

Malgré ce fer ; malgré la flamme

Epouvantable d'un désert

Qui s'enracine dans la trame

De jours terribles jusqu'au drame

Qu'un abîme insondable clame,

De l'homme même dans la femme,

De l'esprit même dans la chair !

 

 

NI LE DÉSERT...

 

Ni le désert, ni le vent froid ;

Ni les abîmes de la mer ;

Ni le silence d'un effroi

Qui désagrège le ciel clair ;

Ni l'ombre même dont s'accroît

La solitude dans ma chair ;

Ni cette force trouble en quoi

Mon être impatient se perd ;

En quelque soif de quelque endroit

Qui soit à mon visage offert ;

Au-delà du seul geste amer

Qui jette l'âme en désarroi ;

Ni la présence de l'hiver, -

N'aboliront ton être en moi !

 

 

JE FERMERAI MES BRAS...

 

Je fermerai mes bras sur ton seul silence,

Au-delà des plus calmes nuits et des jours,

Au-delà de la transparente apparence

De ton corps paré de si mortels atours ;

Et je t'enserrerai d'âme la plus vive

Au-delà des mouvements nus de la chair,

Où plus rien n'existe en l'être qui le prive

De vivre les plus purs songes de l'éther, -

Comme d'un vaisseau d'Amour à la dérive

L'or même plonge et soudainement se perd

Au centre ultime de ton plus clair désert,

Et qu'enserrent les bras tendres de la mer...

 

 

PREMIÈRE PAROLE...

 

Pareille aux mots repris, par les mots recouverts,

- Ma belle Aventureuse au-delà de la mort

Mais vive de survivre à la douleur encor

De ce mal dans le temps qui rend les coeurs déserts, -

Se réveille en ton sein de chair et d'âme folle

En soi-même à jamais d'avoir si fort souffert,

Cette première, unique et lointaine parole

Et si proche pourtant de la couleur de l'air

Comme l'est du regard sa native corolle

Attentive à saisir l'éclat d'un rayon clair,

Qu'il te semble à travers ta lèvre indélébile

Qu'elle laisse dans l'âme où se fond toute chair

Ce haut goût de tendresse où vient mourir l'argile

Quand les flots de ton coeur battent comme la mer

A l'appel insondable et vain des sombres îles,

Et telle à l'infini de tous les univers

Qu'une étoile au milieu des songes immobiles...

 

 

O MA PURE ÉTENDUE !...

 

O ma pure étendue ! O ma tendresse ardente !

O, de tous mes démons, l'effacement de feu !

Ma chance temporelle et, d'ombre, désirante !

Ma semence de force et mon superbe aveu !

Quoi te dire, Vestale, ô Femme singulière,

Et singulièrement promise à mon désir,

Comme la vague s'ouvre à toute la lumière

Du soleil qui la fait jaillir et rejaillir,

Transparente et pourtant profonde, à la manière

De cela qui sans fin survit de défaillir ! -

Pour mon âme, où toujours ton âme surabonde,

S'immobilise en toi tout l'avenir du monde

A l'instant de paraître au jour qui l'a conçu ;

L'univers se révèle en l'âme qui le sonde,

Et ma soif immortelle, en l'unité profonde

De tout ce qui l'avive encore et la féconde,

S'alimente du feu, par toi, que j'ai reçu.

O désirable Espace, entre mes doigts dociles

A faire s'émouvoir encor tes flots dormants,

- Comme nage en la mer aux flots indélébiles

L'âme du monde en peine avec ses fols tourments,

Jusqu'à n'apercevoir au loin comme des îles

Que ces soleils de songe aux devenirs fertiles

Et brusquement surgis des sombres éléments, -

Ne déserte la rive où le regard s'égare

A se perdre en des jeux mortellement vivants,

Puisqu'au-delà toujours d'un Mal qui nous sépare

Et nous livre sans cesse aux orages du temps,

Ressurgira pour nous l'ivresse la plus rare

Et la plus immuable au ciel qui se prépare

Dont se puisse bercer le rêve des amants. -

Ah ! que l'éclair, la mort et le désastre ensemble

De ce qui forme en nous la trame des jours vains,

S'abolissente au fond d'un ciel qui te ressemble,

Par ces enlacements de corps qui se rassemblent

Et d'âmes où toujours tant de détresse tremble,

Pour ne plus devenir que songes souverains,

Afin que ressuscite en la ténèbre claire

Où viennent se briser les forces du malheur,

- O Pureté sans borne et qui me désespères

De ne pouvoir t'atteindre au centre de ton coeur ! -

Cette immense Présence d'Astre solitaire

Et dévorante, ainsi que flammes sur la terre,

De l'insondable flot des ombres délétères

par quoi s'engouffre en nous le cri de la douleur,

Qui déchire à nos yeux ce voile d'un mystère

D'incandescence intérieure et d'or solaire

Que jamais nulle irrémédiable soif n'altère,

Et nous délivre de l'abîme, - quand tout meurt !

 

 

MORTELLE SOIF...

 

Mortelle soif des mortels jours !

Soleil se perd vers où tu cours

Comme en ta chute la dernière

A travers songes les plus courts

Quérir de l'ombre en la lumière

- Jusqu'en la part aventurière

De ta chère âme coutumière,

Irrémédiablement première -

Qui dore encore tes Amours !

 

 

LE SOIR S'EXALTE...

 

Le soir s'exalte ; le jour meurt.

Ne viendras-tu, dans l'ombre exacte

A susciter cette douceur

En l'âme folle de malheur

De survivre à la mort, ma Soeur,

Au plus secret de la ferveur,

Comme d'un songe ultime l'acte,

Renouveler enfin le pacte

Que ton coeur fit avec mon coeur ?

 

 

UN JOUR...

 

Un jour après une heure ;

Une heure après un jour...

A l'heure où ne demeure

Nul songe en nul séjour ;

Que toute l'âme pleure

Sur elle sans retour ;

Et que tout n'est qu'un leurre

A l'ombre de la tour ; -

Que le Soleil ne meure

Au fond de notre Amour !

 

 

TOUJOURS QUELQUE DÉSIR DE MOI...

 

Toujours quelque désir de moi

Frémit de vivre à la frontière

Du rêve et de la dure loi

De résister à la lumière

De ce désert intérieur

Qui désespère l'âme entière -

Et qui détruit comme vautour

Dépris soudain de la matière

Ce feu de solitaire jour

Dont s'illumine le meilleur

Du plus secret de la prière

De mon plus désirable Amour !

 

 

O SOLITUDE ARDENTE... !

 

L'éternité mouvante en tes yeux reconnue !

Immuable présence au coeur d'un coeur qui bat !

D'un espace qui l'a quelque temps retenue,

Aussitôt qu'en allée, en l'âme revenue !... -

O Solitude ardente et pour cela l'élue

De notre pauvre songe d'ombre qui s'en va

Déjà pourtant se perdre en l'éternité bue !

 

 

LE TEMPS REMÉMORÉ

 

Mon Amour égaré sur les ailes du temps,

Mon âme folle a bu le sang de tes paroles,

Et le temps qui s'écoule est le même pourtant

Que celui qui coulait entre nos lèvres folles !...

 

Le temps remémoré remonte vers sa source,

Assoiffé de rejoindre enfin le pur secret

De ce flux dont toujours l'impatiente course

Renouvelait en lui cela qui se mourait.

 

De l'espace troublé, qu'importe la figure ;

Qu'importe le silence d'ombre aux soirs défunts,

Si le temps qui s'en va retourne vers l'épure

D'un été dont il reste en nous d'obscures faims !

 

Car nous ne connaîtrons jamais la plénitude

De ce feu qui nous brûle encore d'être deux,

Qu'au-delà de l'amère et sombre solitude

D'un destin qui déjà nous prive de ses jeux

 

Et nous draine la coeur où toute force claire

Ne nous empêchera finalement d'aller, -

Plus loin que le désert d'angoisse et de misère

D'un soleil d'ici-bas mourant d'être voilé.

 

Traverse la mort même au sein de la durée,

Afin que de l'instant tout ce qui doit mourir

- O tendresse, d'ivresse et de désirs murée -

Flotte en l'éternité comme un beau souvenir,

 

Et suscite ce rêve en toi, qui seul perdure

De tout cela qui fut vivant de n'être rien

Que semence mortelle au gré de l'aventure,

De s'élever, pareille à quelque essence pure,

 

Jusqu'au Dieu d'un Amour seul digne d'être tien !

 

 

 

T'AURAI-JE DONC AIMÉE... ?

 

T'aurai-je donc aimée autant que désormais,

Lorsque le vent léger de la plus haute cime

Des songes sur nos fronts laisse flotter l'abîme

D'un avenir que rien n'épuisera jamais ?

 

Mais si fort contre toi mon âme la meilleure

Se drapera dans la chaleur de notre Amour

Que rien ne survivra de l'être qu'il ne meure

Comme soleil de glace à la chaleur du jour.

 

O mortelle immortelle ! éternellement claire !

A l'abri des frissons nocturnes du couchant !

Renaîtra le miracle encore de lumière

Dont s'inscrivit la marque unique dans mon sang.

 

Lorque, fuyant l'éclat de la confuse aurore

Qui blessera du temps les ultimes contours,

Se lèvera, plus calme et plus secrète encore,

La solitude d'ombre et d'or de notre Amour,

 

De celle-là qui fut de nos vingt ans la gloire

- Prisonnière, il est vrai, pour un si long moment,

D'une réalité si misérable et noire

Qu'elle nous étreignit le coeur de son tourment -

 

Pour ne connaître plus, dans la tendresse pure

D'un ciel toujours pour nous obstinément fermé

A ce Mal qui nous fit si dure la blessure

De ne jamais pouvoir cesser de nous aimer,

 

Que cet apaisement - au fond de la Mémoire -

Du seul Soleil déjà de notre seul grand Jour,

Quand rien ne viendra plus nous emp^echer de croire

A la sérénité sans fin de notre Amour !

 

 

A JAMAIS

 

A jamais disparaître

En l'éternel moment

D'un devenir sans maître,

Et ne te voir renaître

Perpétuellement

A mon regard d'amant

Dans l'accomplissement

Ultime de ton être,

Où nul désir dément

Ni conscience blême

Inexorablement

Jusqu'au frémissement

Secret de ce qu'elle aime

N'altèrent l'âme même

D'aucun mortel tourment,

Que pour ne te connaître

Enfin qu'ABSOLUMENT !

 

 

PLUS RIEN QUE LE SILENCE

D'UNE BOUCHE DE FEU

POUR DIRE LA PRÉSENCE

INFINIMENT INTENSE,

EN NOTRE AMOUR, DE DIEU !