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Les pages suivantes sur l'"Ame de la Vendée" furent pour la plupart écrites et toutes rassemblées par Maurice Courant à l'intention d'un ouvrage collectif réalisé par la Mairie de Cholet à l'occasion du Bicentenaire du Grand Soulèvement Vendéen de 1793, à la demande et sur l'initiative de monsieur Maurice Ligot, Ancien Ministre et Député-Maire alors de cette ville, - et l'Ami du Foyer du Poète.

 

 

A L'AME DE LA VENDÉE

 

 

 

Il couve sous la cendre ici qu'un vent ranime

Dès que s'exalte au ciel un peu de pureté,

Quelque chose de fort ensemble et d'unanime

Et qui ressemble en l'âme à de l'éternité.

 

 

 

L'Âme

d'un Pays

en sa part

la plus irréductible

et la plus haute,

ne se sauve pas

une fois pour toutes :

elle se sauve,

comme celle d'un être,

à chaque instant

de son existence,

jusqu'à la consommation

de la durée.

 

 

L'ÉPOPÉE VENDÉENNE NE FUT UNE "GUERRE DE GÉANTS"

QUE PAR L'ESPRIT QUI L'ANIMA.

 

ENLEVEZ L'ESPRIT,

IL N'Y A PLUS DE "GUERRE DE GÉANTS".

 

MAIS IL Y EUT L'ESPRIT.

 

 

 

A

tous les vendéens de chez nous,

nos Aïeux,

 

et, par eux, à tous ces "vendéens" de la terre qui, comme eux, ne se sont un jour finalement soulevés - jusqu'au sacrifice même de leur sang - que pour sauver leur âme, dans le sentiment profond qu'ils avaient alors qu'on voulait leur voler leur âme, et qu'en voulant leur voler leur âme, on voulait aussi leur voler leur éternité.

 

 

LA BLESSURE DU SONGE EST LE PLUS FOL DÉSIR

DONT SE PUISSE ÉMOUVOIR LE COEUR DE L'AVENIR !

 

 

QUEL SONGE...?

 

QUEL SONGE EN MON PAYS FIT SE LEVER DES LARMES ;

QUELLE TRISTESSE D'OMBRE ET SOMBRE EN SES ALARMES

ET JUSQU'AU PLUS PROFOND DE SON PLUS CALME COEUR

TRANCHA SON EXISTENCE MÊME AVEC DES ARMES

ET LE PLONGEA D'UN COUP DANS L'ORBE DU MALHEUR ?

 

 

ALORS,

 

L'ÂME N'EUT D'AUTRE SOIF, EN SA DÉTRESSE ALTIÈRE,

QUE DE S'EN ALLER PERDRE EN LA CLARTÉ PLÉNIÈRE

D'UN FEU QUI LUI VENAIT TOUT DROIT DE LA LUMIÈRE !

 

 

FILS DES MAUGES

 

A Élie Chamard

In memoriam.

 

Fils des Mauges, de race fière

Et solitaire en ses secrets,

Enraciné dans la lumière

Mystérieuse et sans apprêts

De ce Pays de lourde terre

Et d'âme vive en ses sommets,

Monte vers toi cette prière

Des coteaux calmes, des forêts,

Des étangs abreuvés d'eau claire

Et de l'offrande des guérêts,

Qui te redit qu'il n'est de Mère

Inépuisable en ses bienfaits

Et dans son ordre la première

A lier l'homme à ses attraits,

Comme la force tutélaire

D'un sol que, libre désormais,

Le coeur d'un être - ce lierre -

D'Amour enserre à tout jamais !

 

 

TOUT, ICI,

 

Respirait dans le flot de la lumière blonde

D'un printemps rayonnant d'éternelle douceur,

Quand un souffle, venu comme d'un autre monde,

S'engouffra brusquement dans la forêt profonde

Des âmes qui vivaient au rythme de leur coeur,

Et, comme un sombre vent vient de la mer qui gronde,

S'empara d'un Pays dont toute la ferveur

Intérieure autant que de splendeur féconde

Suscitait tellement de mortelle fureur

Qu'il s'en prit à cela dans l'âme qui la fonde,

Pour la précipiter, comme en son gouffre l'onde,

Et sans qu'il n'en retarde rien d'une seconde,

Dans les abîmes du malheur !

 

 

C'EST ALORS...

 

 

C'est alors qu'il advint que ce pays sans âge

Fut traversé des feux d'un si funeste orage

Que la chaleur du jour dans l'ombre s'y perdit ; -

Et l'on n'entendit plus que le grand vent sauvage

Qui passa sur le font blessé du paysage

Et transperça si fort son Ame en grand voyage

Que la mort du Soleil en elle resplendit !

 

 

VENDEENNE RUMEUR...

 

Vendéenne rumeur au fond de l'ombre amère

D'où sélèvent les cris d'âmes désemparées

Par la terreur qui vient faire mourir sur terre

Cet univers secret de gloire et de misère

Et de tendresse humaine au coeur de l'éphémère, -

Dont, pour se préserver des feux de la Chimère,

Et comme d'une armure à leurs transports légère,

Elles s'étaient toujours infiniment parées !

 

 

L'HOLOCAUSTE...

 

L'Holocauste a fermé le songe pour y boire

Tout le sang déferlant sur l'âpre odeur des prés ;

Qu'êtes-vous devenus, silences adorés

Où se forgeait l'éclat secret de notre Histoire ? -

Il ne reste plus rien sur terre pour y croire,

Tant l'orage fait rage au coeur de la Mémoire

Que traverse le vent de l'heure la plus noire,

A nous rendre le ciel si tendre dérisoire

Et l'âme à la merci des Rires abhorrés !

 

 

ARBRES DE MON PAYS...

 

Arbres de mon Pays, redites-moi mon Ame,

Redites-moi le feu brûlant de ce désir

Qui la fit basculer en un si brusque drame

Et si terriblement profond comme une lame,

Que, pour mieux en sauver l'irrécusable flamme,

Elle-même faillit, sur terre, d'en mourir !

 

 

CAR C'EST L'AME...

 

A Louis Chaigne

In memoriam.

 

Car c'est l'Ame qui fut l'enjeu de ce martyre,

Toute l'Ame elle-même et personnelle encor,

Parce que simplement, - sans même se le dire,

Et que rien jusqu'alors ne vienne la détruire, -

Tous ces "paysans"-là, qui n'ont pour seul empire

Que leur coeur et leurs mains à la place de l'or,

Savent confusément que, lorsque tout expire,

Elle seule franchit les portes de la mort !

 

 

CES LIEUX...

 

Tiffauges, Saint-Florent, Les Lucs, La Durbellière,

Cholet - qui vit sortir la mort de sa tanière,

Et tous ces autres lieux de gloire désormais

D'avoir si lourdement pesé sur la matière

Qu'ils en firent surgir comme de la lumière

Et que de tous ces corps rendus à la poussière

De leur élémentaire identité première, -

Infiniment s'élève encore une prière

Que nul vivant Néant n'abolira jamais !

 

 

 

VOUS TOUS...

 

Charette, Henri, Bonchamps, Cathelineau, Lescure,

D'Elbée et tous ceux-là qu'un rêve transfigure

Et projette au-delà des rives de la mort,

Par la Vierge puissante et sainte de Montfort,

Et l'Archange qui siège en haut du Mont Mercure,

De ce malheur sans fond dont toute la blessure

S'inscrit comme un soleil dans la mystique Épure

D'un Songe pour jamais dans l'âme qui perdure

Et lui fait prendre au ciel un fabuleux essor,

Il ne peut être dit que de votre aventure

N'ait à la fin jailli cette vision pure

Et comme libre alors de toute force obscure,

Qui nous plonge en le sein profond du seul Dieu fort !

 

 

O CROIX...

A Augustin Jeanneau.

In memoriam.

 

O Croix des chemins creux perdus dans ma mémoire,

Bras ouverts au-dessus des monts et des vallées,

Vers quel songe profond d'irrémédiable gloire,

Quand tout ne semblait plus sur terre qu'illusoire

Et formidable attente folle de victoire,

Vos âmes se sont-elles toutes en allées ?...

 

Il couve sous la cendre ici qu'un vent ranime

Dès que s'exalte au ciel un peu de pureté,

Quelque chose de fort ensemble et d'unanime

Et qui ressemble en l'âme à de l'éternité.

 

 

SANCTUAIRES

 

Au révérendissime

Père Dom Gabriel Sortais,

In memoriam.

 

Vous pouvez respirer encore à perdre haleine,

Sanctuaires bénis des heures d'autrefois :

Le Marillais ; Béhuard, près de la Loire pleine ;

Et Notre Dame sise en la Bellefontaine ;

Et Les Gardes, en l'air, au loin, comme un pavois ! -

Il n'est, dans ce pays, plus de souffrance vaine ;

La Vierge redevient, chez Elle, souveraine ;

Le mal ne nous tient plus esclaves sous ses lois :

Le grand soleil des jours ruisselle dans la plaine ;

Et l'âme de nouveau prend une forme humaine,

Quand le plus calme ciel a retrouvé des voix !

 

 

L'ESPRIT !

 

Et la lande, les prés dorés, la forêt sombre,

Le regard qui se perd au fond d'un coeur meurtri,

Et le jour qui ne fait au grand soleil point d'ombre,

Et les étoiles même en l'univers sans nombre,

Et le ciel qui s'égare en l'âme comme un cri,

Tout, dans l'éclair profond de ce désert qui gronde,

La lumière sans tache et l'air qui nous inonde,

Et ce désir de vivre en nous qui surabonde,

Se prend à vibrer d'éternité féconde,

Lorsque se lève encore et brille par le monde

La présence brûlante et rare de l'esprit !

 

 

GRANDS ARBRES !

 

Beauté des Arbres fous d'éternité, verdure

Qui frissonnez au vent de ce Pays profond ! -

Je vous prends dans mes bras mortels de créature

Et vous enlace tant, par toute la nature,

Et d'une telle force inexprimable et pure,

Grands Arbres, lorsqu'au gré des jeux d'une envergure

Insaisissable en l'air de flamme et de ramure,

Vient se répandre en moi par votre architecture

En un déferlement d'ivresse sans mesure

L'immensité d'un ciel qui dans mon coeur perdure, -

Que mon âme en la vôtre infiniment se fond !

 

 

NOEL DES MAUGES

 

Pour Gine.

 

Tous rayonnez,

Hommes de foi,

Qui cheminez

Parmi ce froid

De terre obscure :

Nulle aventure

Ne vaut, ce soir,

Ce feu d'espoir

Qui, dans le noir,

Vous transfigure !

Profonds pacages,

Belles forêts,

Étangs, bocages,

Rivières sages

Et ruisseaux frais ;

Et vous, ouvrages

Que l'homme fait

A son image :

Villes, villages,

Dormez en paix ! -

Dormez en paix,

Mauges ! Courage !

Car désormais

Votre héritage,

Au plus secret

Du paysage,

Comme il dormait

Au coeur des âges,

Dort le Dieu vrai !

 

 

Lire aussi le poème inédit intitulé,

 

A

L'AME

DES VENDÉENNES MARTYRES

POUR LEUR FOI!